Festival La Ruche TnBA © Pierre Planchenault

La Ruche du TnBA bourdonne de beaux projets théâtraux

À quelques jours de la réouverture des théâtres, Catherine Marnas, directrice du TnBA, a tenu à maintenir son festival la Ruche.

À quelques jours de la réouverture des théâtres, Catherine Marnas, directrice du TnBA, a tenu à maintenir pour une poignée de professionnels son festival la Ruche, une manifestation conçue pour dévoiler les coulisses de la création. En tout, c’est neuf compagnies et artistes de la région Nouvelle-Aquitaine, qui ont pu présenter des étapes de travail de leur futur spectacle. Reportage.

L’effervescence est palpable. Les théâtres se préparent à rouvrir leurs portes, à accueillir à nouveau du public. En attendant, la déferlante de spectacles, le TnBA prend les devants et propose d’aller à la rencontre d’artistes compagnons, de collectifs issus des rangs de l’éstba, de compagnies régionales, et de découvrir où ils en sont de leur processus créatif. Rayonnante, Catherine Marnas lance en ce début son festival La Ruche. Comme toujours, elle a l’œil partout, le bien-être de ses équipes, des gens qui l’accueillent, étant au cœur de ses préoccupations. 

Une éclaircie après des mois sombres

A l’instar du temps, où le soleil, timide, a encore un peu de mal à percer à travers les nuages gris, le théâtre reprend lentement vie et couleurs. En ce Vendredi matin, 7 mai, directeurs de lieux, programmateurs, comédiens, metteurs en scène, journalistes et professionnels du spectacle vivant, se sont donnés rendez-vous à la Méca où se tient une table ronde Pour une éthique de la relation entre équipes artistiques et lieux culturels. Deux heures et demi durant, Stéphane Gornikowski de l’association Vaguement compétitifs anime un débat passionné et passionnant, ponctué par les interventions d’Aurélie Van Den Daele, Baptiste Amann et Vanasay Khamphommala et de Sébastien Bournac, directeur du théâtre Sorano à Toulouse. Plusieurs pistes de réflexions sont menées, certaines trouvent écho dans la salle, d’autres ouvrent la voie à une prise de conscience à de nombreux dysfonctionnements, à la difficulté d’échanger, de parler le même langage.

Les confidences d’un jeune homme face au handicap 
Mine de Rien de Jérémy Barbier d'Hiver © OFGDA

L’heure n’est plus aux échanges mais au théâtre, à la scène. Au TnBA, Salle de création, Jérémy Barbier d’Hiver, comédien formé à l’éstba, aperçu dans le Pavillon noir du Collectif Os’o, invite à découvrir des extraits de Mine de rien, pièce en cours d’écriture. Avec la complexité de la détonante Julie Teuf, il se glisse dans la peau d’un jeune homme, un peu perdu, en marge d’une société trop intolérante à la différence. Orphelin de père, il est confronté au handicap de sa mère, clouée sur un fauteuil roulant et totalement dépendante. Ne rentrant dans aucune case, il est obligé de prendre un chemin de côté, à l’écart de la route. Avec tendresse, espièglerie et brutalité, le jeune artiste signe un texte drôle, poétique, où les mots s’entrechoquent, ont du mal à trouver le bon accord, le bon emploi. De cette langue maladroite, malhabile se dégage un joli souffle d’humanité, fort prometteur. 

Baptiste Amann retourne sur les traces de Ses Territoires
Le courage des oiseaux de Baptiste Amann © OFGDA

Seul sur une scène, recouverte de papier, de livres, de documents multiples et variés, le comédien et metteur en scène avignonnais reprend le carnet de bord Des Territoires et tourne une à une les pages de souvenirs heureux, tristes, douloureux, joyeux. Belle faconde, présence scénique irradiante, Baptiste Amann scrute de son regard bleu acier la salle. Il attrape l’attention, joue du piano et entraine le public dans un tourbillon, celui palpitant, éreintant du processus créatif. D’un projet évoqué un matin de beuverie à la naissance de sa fille, de résidences en répétitions, des petits bonheurs aux grandes tristesses, il confie avec fougue et lucidité ses doutes, ses blessures narcissiques, ses fêlures, ses fortunes et ses victoires. Plongeant dans sept d’aventure artistiques, il invite à (re) découvrir son travail, celui de sa troupe, à (re)venir voir l’intégrale remaniée de sa trilogie, présentée en avant-première, cet été, au Festival d’Avignon. 

En terre hermaphrodite 
Herculine Barbin par Catherine Marnas © Pierre Planchenault

Maîtresse de cérémonie du Festival, Catherine Marnas profite de l’occasion pour présenter sa prochaine création, un portrait d’Herculine Barbin, la première hermaphrodite à avoir coucher ses confidences, ses meurtrissures dans un journal.  Aidée à la dramaturgie par Vanasay Khamphommola, elle plonge avec tendresse et beaucoup de précaution dans ce monde qui lui est inconnu. Avec éthique et humilité, elle aborde ce sujet délicat, prend conseil, notamment auprès de son comédien Yuming Hey, écoute d’une oreille attentive. Défrichant le travail, curieuse de ce personnage hors-norme à la vie tragique, elle esquisse en quelques mots une belle et puissante œuvre en devenir. 

La famille explosée
Un poignard dans la poche - Les Rejetons de la Reine © DR

Enfin pour clôturer cette journée riche d’univers différents, en thématiques variées, le collectif Les Rejetons de la Reine s’attaque à la cellule familiale, s’amuse de sa construction mentale, morale et sociétale pour mieux l’exploser en vol. Lors d’un déjeuner, une fille lesbienne présente sa petite amie à ses parents. Alors que tout semble rouler pour le mieux, petit à petit la mécanique du quotidien, de l’ouverture d’esprit, se délite. Des lieux communs à la condescendance, de l’amour trop envahissant d’un père pour sa fille aux animosités d’un couple usé, tout vrille pour notre plus grand plaisir. Interrogeant la fiction qui vient habiter insidieusement nos vies, ces anciens élèves de l’étsba signent une maquette caustique, drolatique, qui présage du meilleur pour la suite. 

Malgré la morosité de la situation sanitaire qui a longtemps grevé mental et esprit créatif, la Ruche de Catherine Marnas donne du baume au cœur et nous rappelle combien l’art est mouvant, vivant, vibrant. Chapeau les artistes !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore  

Festival La Ruche 
TnBA
3 Place Pierre Renaudel
33800 Bordeaux

Mine de rien
Projet porté par Jérémy Barbier d’Hiver
Texte de Jérémy Barbier d’Hiver
Avec Julie Teuf et Jérémy Barbier d’Hiver
Collaborateur artistique Simon Delgrange

Le courage des oiseaux
Porté par Baptiste Amann – L’ANNEXE
Texte et performance Baptiste Amann
Collaborateurs artistiques Clarisse Bernez-Cambot Labarta et Léon Blomme

Herculine Barbin archéologie d’une révolution 
Projet porté par Catherine Marnas
D’après Herculine Barbin dite Alexina B. de Michel Foucault
Mise en scène Catherine Marnas
Dramaturgie Vanasay Khamphommala
Avec Yuming Hey

Un poignard dans la poche
Projet porté par Les Rejetons de la Reine
Texte Simon Delgrange
Avec Jérémy Barbier d’Hiver, Clémentine Couic, Alyssia Derly et Julie Papin
Collaborateur artistique Franck Manzoni 

Crédit photo © Pierre Planchenault, © OFGDA, © DR

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