Victorien Vanoosten © Germain Verhille

Victorien Vanoosten, chef d’orchestre dans le vent

Sous l'impulsion de Victorien Vanoosten, l’ESN et le collectif Supermafia proposent une version augmenté du Sacre du printemps de Stravinsky.

En suisse, les conditions sanitaires ne permettant pas de réunir plus de cinq personnes au même endroit, l’Ensemble Symphonique Neuchâtel (ESN), dirigé par l’épatant Victorien Vanoosten, et le collectif Supermafia ont conjugué leur talent et leur art pour enregistrer une version démultipliée, stroboscopique et hypnotisante du mouvement final du Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky, La danse sacrale. Visible sur Youtube, la vidéo fait des étincelles.

La Danse sacrale du Sacre du printemps d’Igor Stravinsky
THE ISOLATED ENSEMBLE
Ensemble Symphonique Neuchâtel & Supermafia
direction Victorien Vanousten © Supermafia

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
D’avoir vu quand j’étais petit le grand pianiste Sviatoslav Richter jouer dans ma ville d’enfance. Mon professeur lui tournait les pages…

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
D’avoir vu La Bohème de Puccini à l’opéra Bastille avec le magnifique ténor Rolando Villazon. J’avais 20 ans, j’étais pianiste, et j’ai décidé ce jour-là que je voudrais donner ma vie pour l’opéra. Je n’étais même pas encore chef d’orchestre et je ne savais pas qu’une dizaine d’années plus tard, je ferai des concerts avec lui…

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être musicien et chef d’orchestre ?
J’étais pianiste, j’avais un orchestre sous les doigts. Mais il me manquait les timbres de tous ses instruments, le phrasé des cordes, la puissance des cuivres, l’onctuosité des bois, et surtout, son répertoire symphonique et l’opéra. Je ne pouvais pas me résigner à en rester au reflet d’une musique qui me faisait vibrer : il fallait que je dirige moi-même des orchestres.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
Quand j’étais enfant, j’ai eu la chance de jouer dans un orchestre, avec le second instrument que j’ai joué en plus du piano, le cor. J’ai appris beaucoup de choses, notamment le fait de faire partie d’un tout, que chaque instrument met sa pierre à l’édifice pour construire quelque chose de plus grand, la patience de ne pas jouer tout le temps, contrairement au pianiste soliste…
Et puis aussi -et surtout !- la bonne camaraderie et les franches rigolades !

La Danse sacrale du Sacre du printemps d’Igor Stravinsky
THE ISOLATED ENSEMBLE
Ensemble Symphonique Neuchâtel & Supermafia
direction Victorien Vanousten © Supermafia

Votre plus grand coup de cœur scénique – une pièce, une équipe, une personne, plusieurs personnes ? 
Un spectacle incroyable que j’ai vu à la Komische Oper de Berlin, avec la scénographie du groupe allemand « 1927 » (Suzanne Andrade, Paul Barritt & Esme Appleton). Il s’agissait notamment du Ballet Petrushka de Stravinsky, avec des décors dessinés et animés à la main puis projetés derrière les danseurs et acrobates, qui réagissaient avec beaucoup d’éléments en arrière-plan. Un beau mélange entre art séculaire et techniques visuelles modernes !

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
Sans hésiter l’immense pianiste et chef d’orchestre Daniel Barenboim. J’ai eu la chance de pouvoir auditionner pour lui il y a quelques années, où j’ai joué du piano devant lui et dirigé son orchestre la Staatskapelle. Vous imaginez comme j’étais nerveux, il était mon idole, je voyais sa photo sur mes disques depuis tout petit ! Mais ça s’est finalement bien passé, et je suis devenu par la suite son assistant principal pendant plusieurs années. Je n’ai jamais autant appris qu’à son contact.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
Il me permet de faire le lien entre le rêve et la réalité. Parfois, je me demande si la scène n’est pas le lieu où les choses sont les plus vraies, où l’on peut parfois toucher l’indicible… Tout comme l’art en général, elle nous éloigne des choses futiles pour nous rapprocher de l’essentiel, et fait le lien en nous-même…

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Spinoza, Schiele, Wenders, Baudelaire.

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Je dirais à la fois charnel, pour toutes les émotions diverses qu’elle apporte, et mystique, pour toutes les questions métaphysiques qu’elle pose.

À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
On doit souvent vous répondre le cœur, ou le ventre, car c’est évident qu’il y a quelque chose de viscéral dans ce désir. Je répondrai aussi la tête, ou sont rassemblés tout d’abord la plupart des sens nécessaires à notre appropriation de l’art, mais qui contient aussi l’esprit et l’âme indispensable à la vie. A moins que cela ne soit le cœur 🙂

La Danse sacrale du Sacre du printemps d’Igor Stravinsky THE ISOLATED ENSEMBLE Ensemble Symphonique Neuchâtel & Supermafia direction Victorien Vanousten © Supermafia

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ? 
Tout d’abord, pour apprendre la direction d’orchestre, il faut beaucoup observer. Dans ce sens, et même si j’ai eu la chance d’en rencontrer beaucoup à Berlin, il y a de nombreux grands chefs que j’aimerais voir travailler, comme par exemple Gergiev, Petrenko, Nézet-Séguin, ou que j’aurais voulu voir répéter comme Kleiber, Karajan ou Munch. Il y a beaucoup trop d’artistes avec qui j’aimerais collaborer pour les énumérer ici, mais je suis toujours très heureux de rencontrer de nouvelles personnes qui peuvent me surprendre et m’émouvoir. Et il ne s’agit pas seulement de musiciens ou de chanteurs, les rencontres les plus étonnantes et enrichissantes sont parfois avec des artistes de milieu et métier complètement différent du mien !

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
Au projet fou d’une société juste, attentive et équilibrée. Même s’il y a eu certains progrès, les inégalités sociales et genrées dont encore trop présentes dans le monde. C’est évidemment un sujet extrêmement complexe, dans lequel l’Art, me semble-t-il, doit prendre une place importante.

Si votre vie était une œuvre, qu’elle serait-elle ? 
Narcisse et Goldmund d’Hermann Hesse.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

La Danse sacrale du Sacre du printemps d’Igor Stravinsky
THE ISOLATED ENSEMBLE
Ensemble Symphonique Neuchâtel & Supermafia
direction Victorien Vanoosten

Crédit photos © German Verhille & © Supermafia

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