Les anges au plafond au balcon de Malakoff © OFGDA

Les anges au plafond ré-enchantent les balcons

Incapable de ne rien partager, la Cie Les anges au plafond a imaginé un impromptu théâtral qui se donne aux fenêtres des immeubles.

Face aux lieux culturels désespérément fermés et incapables de rester dans leur coin à rien faire, à rien partager, les deux fondateurs de la compagnie de marionnettes, Les anges au plafond, Camille Trouvé et Brice Berthoud, ont imaginé un impromptu musical et théâtral qui se donne aux fenêtres et aux balcons des immeubles. Invitant quelques fantômes chez les habitants, ils signent un conte kaléidoscopique sur les temps présents. 

A Malakoff, dans le sud-ouest de Paris, où la compagnie Les anges au plafond est basée, face à la Fabrique des arts, lieu de résidence et de répétition du Théâtre 71, un happening se prépare. Sur la pelouse, quelques personnes scrutent les fenêtres d’une imposante barre d’habitation en béton. Au première étage, un rideau rouge, accroché à un balcon, flotte dans les airs. Quelques notes de musique d’une mélodie de Brel envahissent l’espace. Tous les regards rivés sur la façade cherchent d’où pourrait venir ce son, qui semble se perdre dans les airs. Intrigués, curieux, certains habitants de l’immeuble sortent une tête, des enfants, emportés par la rythmique, s’amusent et dansent.

La scène de la vie 
Les anges au Plafond © OFGDA

En examinant bien, l’on finit par deviner, un peu plus haut, quelques reflets, peut-être des instruments de musique. Des doutes planent encore, les regards des passants continuent leur minitieux examen des lieux. En face, sur le toit d’une bâtisse, nettement plus petite, mais de même facture, la silhouette gracile d’un jeune homme observe la scène, avant de disparaitre dans l’ombre d’un parapet. Très vite, une voix de femme, un peu rauque, attire notre attention. Il n’est plus temps de bader aux corneilles, de se laisser distraire, mais bien d’être emporté par quelques fables d’aujourd’hui, quelques historiettes. 

Histoire(s) du temps
Les anges au plafond aux balcons de Malakoff © OFGDA

La Covid, toujours là, présente dans nos quotidiens, impose sa loi. Faute de pouvoir jouer, de fouler les planches d’un théâtre, la comédienne de papier, en manque de jeu, de partenaire, semble se perdre dans ses souvenirs. Est-elle Lady Macbeth, Juliette sans son Roméo, ou bien la propriétaire tchékhovienne de cette Cerisaie, qu’elle doit se résoudre à vendre ? Nul le sait. Accoudée à la rambarde, comme elle le serait à la coiffeuse de sa loge, elle évoque une vie passer sur scène. Un peu plus loin, un gros homme pointe son nez. Il rêve d’ailleurs, mais confiné depuis des mois dans son appartement, il a tellement grossi, qu’il ne peut plus en sortir. Viens alors un intermède musical, une chanson gorgée de soleil. La vie semble vouloir reprendre son cours. Pourtant la mort rôde. Insatiable, elle ondoie dans les airs, nargue les Malakoffiots de plus en plus nombreux, venus assistés au spectacle. Robe vaporeuse, l’âme noire de la faucheuse virevolte, en redemande. Mais un couple d’amoureux, un peu triste, lui vole la vedette. Ce soir aurait dû être pour eux, un événement. C’était soir de première à l’Odéon. Artistes, ils n’en peuvent plus d’être empêchés. Il est grand temps pour eux de retrouver leur public. C’est une histoire de survie. Des animaux témoins de la scène, et émergeant d’un appartement envahi par une luxuriante verdure, semblent du même avis. 

Contes essentiels 
Les anges au plafond © ODFGDA

Bien qu’un vent léger de mélancolie semble souffler sur cette place de cité à taille humaine, c’est le besoin vital de se produire, de rire, de pleurer qui est le moteur de ces sympathiques impromptus. Reprendre les rênes, ne plus attendre, ne plus être dans l’expectative d’une potentielle réouverture, telle est la volonté farouche de Camille Trouvé et Brice Berthoud. Embarquant avec eux leur équipe, les deux comédiens marionnettistes ré-enchantent le monde, celui du quotidien. C’est loin des théâtres qu’ils retrouvent le goût, l’essence même de leur métier, faire rêver les gens, les questionner, leur ouvrir de nouvelles pistes de réflexions. A travers ces tranches de vie, ces bluettes, ces courts récits, c’est tout un univers, fait de papier, de chiffon, qu’ils montrent à voir, à partager. 

Refusant l’enfermement de la culture, Les Anges au plafond convient citoyennes, citoyens et quidams, à lever les yeux, à scruter les balcons, à imaginer ce qui se cache derrière une fenêtre ou un balcon. Et disons-le, cela fait un bien fou de communier tous ensemble, porté par un élan créatif, artistique, ingénieux et inventif.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Les Anges au plafond
65 avenue Pierre Larousse
92240 Malakoff

Crédit photos © OFGDA

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