Kirill Serebrennikov © Dasha Yastrebova

Kirill Serebrennikov sans théâtre fixe

Le réalisateur et metteur en scène Russe, Kirill Serebrennikov a annoncé hier son départ forcé du Centre Gogol à Moscou.

La nouvelle est tombée comme un couperet. Au 25 février 2021, le réalisateur et metteur en scène russe Kirill Srebrennikov devra quitter le centre Gogol à Moscou dont il était le directeur depuis août 2012. Les autorités municipales moscovites l’en ont informé par courrier. 

Il ne fait pas bon être dissident et libre penseur dans la Russie d’aujourd’hui. A la tête du Centre Gogol, depuis août 2012, Kirill Serebrennikov vient de recevoir son congé. Huit semaines après sa condamnation à une peine de prison avec sursis pour détournements de fonds, dans une affaire des plus Kafkaïenne et considérée par beaucoup hautement politique, le département de la culture de la ville de Moscou vient de lui signifier, par courrier que son mandat de serait pas renouveler. 

Des Paillasses aux planches de théâtre
Kirill Serebrennikov © DR

Né en Russie à Rostov-sur-le-Don en 1969, Kirill Serebrennikov, petit fils du réalisateur et président de la société républicaine des amateurs de cinéma en République socialiste soviétique moldave, Alexandre Litvine, suit tout d’abord des études de Sciences Physiques. En 1992, il sort diplômé de la faculté de Rostov. Mais déjà, le jeune homme a d’autres aspirations. Il s’intéresse au théâtre. Au studio d’amateurs « 69 », il signe quelques mises en scène remarquées, avant de présenter ses créations dans des lieux plus prestigieux comme le théâtre Maxime-Gorki de Nijni Novgorod. En parallèle de ses productions scéniques, il réalise des films pour le petit écran – Publicités, documentaires, téléspectacles – , qui lui valent en 1999 de recevoir de la part de l’Académie de télévision russe le prix TEFI de la meilleure réalisation télévisée, et, en 2006, le prix du Festival international du film de Rome.

Un artiste audacieux 

Curieux, passionné, il met en scène Maxime GorkiWilliam ShakespeareBertolt Brecht ou Mark Ravenhill, signe des opéras au Bolchoï mais aussi dans d’autres grandes maisons européennes. Son travail iconoclaste explore de nouveaux chemins, de nouvelles voies. Audacieux, impertinent, il affiche sa liberté de ton, ses choix artistiques, face au conservatisme des autorités russes. Nommé en 2012 directeur du Théâtre dramatique de Moscou, Nikolas Gogol, il décide très tôt d’un faire un haut lieu de la création contemporaine russe. Rebaptisé Centre Gogol, l’établissement rouvre ses portes en Février 2013. Il s’articule autour de trois axes : des programmes de projection, des concerts, des conférences et des discussions ouvertes.

Un Rayonnement international
Leto de Kirill Serebrennikov

De Cannes, où son film Leto est sélectionné en 2018, à Avignon, où en 2019, il présente pour la troisième fois une création, Kirill Serebrennikov se fait une place au soleil. Multi-primé à l’internationale – Oustide obtient notemment en 2020 le prix du spectacle étranger du Syndicat de la critique dramatique – , Il fait dans son pays l’objet de critiques de la part des militants orthodoxes et des autorités. Sans s’opposer ouvertement au pouvoir en place, il égratigne dans ses œuvres les pressions diverses et variées subies par les artistes russes et certaines minorités. N’hésitant pas à aborder dans ses créations, religion, politique et sexualité, il fait l’objet d’une attention particulière des autorités. 

Assigné à résidence plus d’un an et demi

En mai 2017, éclate l’affaire dite du 7e studio. Accusé d’avoir détourné entre 2011 et 2014 pour plus de 68 millions de roubles (environ 1 million d’euros) de subventions publiques allouées à sa troupe, il est rapidement assigné à résidence. Dans l’incapacité de quitter le pays, il ne pourra pas monter les marches du palais des festivals avec son équipe en 2018, ni venir à Avignon en 2019 pour peaufiner sa pièce sur le photographe et dissident chinois Ren Hang. Loin de s’avouer vaincu, dénonçant des accusations qu’il qualifie d’absurdes et schizophréniques, il continue à créer. Malgré une forte mobilisation internationale et l’appel de plus 3 000 personnalités du monde de la culture en Russie, en juin dernier, le réalisateur et metteur en scène est condamné par le tribunal Mechtchanski à une peine de trois ans de prison avec sursis. Il évite ainsi le pire, les six ans fermes de détention demandés par le parquet.

Une fin de mandat
Outside de Kirill Serebrennikov © Christophe Raynaud de Lage

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que les conséquences de ce jugement se fasse sentir. Hier, sur son compte Instagram, Kirill Serebrennikov a annoncé son départ du théâtre moscovite, avec ces quelques mots « Le Centre Gogol, comme théâtre et comme idée, continuera à vivre » accompagnés d’une photo de la lettre qu’il venait de recevoir des autorités municipales moscovites lui signifiant son congé au 25 février.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Outside de Kirill Serebrennikov
Festival d’Avignon 
L’autre scène du Grand Avignon – Vedène 

Crédit photos © Dasha Yastrebova , © DR, © Christophe Raynaud de Lage

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