La nuit de Madame Lucienne de Copi. Mise en scène de Thomas Jolly. Le Quai-Angers. © Nicolas Joubard

Thomas Jolly ouvre Quai l’été avec un Copi aux petits oignons

Dans le cadre de Quai l'été, Thomas Jolly propose une adaptation d'une des dernières pièces de Copi.

Après une saison interrompue en plein vol par la pandémie de coronavirus, Thomas Jolly, tout nouveau directeur du CDN Angers Pays de Loire, propose un impromptu théâtral et festif, Quai l’été. Dans ce cadre, il investit le théâtre vide avec un Copi déjanté et burlesque. 

Pas le temps de s’installer à la tête du Quai, que Thomas Jolly a dû faire face à la mise à l’arrêt du théâtre, au confinement. Sonné un temps, mais refusant l’inéluctable inactivité théâtrale, il se met en scène sur son balcon angevin dans une des scènes mythiques de Roméo et Juliette. Devant l’enthousiasme de ses voisins, il récidive porté par le besoin, l’envie de tous de revoir du spectacle vivant. Face à l’annulation de toutes les manifestations estivales, germe alors dans son esprit, l’idée d’ouvrir le CDN de juillet à octobre et de créer une saison d’été en faisant appel aux compagnies régionales. Beaucoup ont répondu à l’appel permettant d’imaginer un événement riche de 103 représentations, que ce soit dans ses murs ou dans 12 autres lieux du département. 

Un Copi de circonstance
La nuit de Madame Lucienne de Copi. Mise en scène de Thomas Jolly. Le Quai-Angers. © Nicolas Joubard

Pas question pour l’artiste de n’être que simple observateur. Intégrant plus tôt que prévu sa troupe de la Piccola familia à la compagnie nouvellement créée du Quai, il puise dans sa boite imaginaire La nuit de madame Lucienne, une pièce de Copi faisant étrangement écho à l’actualité. La nuit dans un théâtre vide, un metteur en scène travaille d’arrache-pied avec sa comédienne fétiche pour monter en quelques jours un spectacle. Faisant face à l’urgence, personne ne devant soupçonner son activité nocturne, que l’on peut supposer prohibée, il se bat comme un beau diable pour que le projet voit le jour. Loin d’être de tout repos, la répétition va virer au cauchemar grand-guignolesque. 

Une mise en abyme acerbe du théâtre

Connu pour ses positions ouvertement gays, Copi s’amuse à introduire dans toutes ses œuvres des personnages de folle furieuse, de trans déjanté, d’être abimé par la vie totalement rapiécé. Il en va de même pour cette pièce, l’une des dernières qu’il ait écrite, à peine deux ans avant sa disparition. Chantre de l’exubérance, il darde son regard sans concession sur son époque, mais aussi sur le théâtre. Caricaturiste, il rend hommage au spectacle vivant à sa manière. Il l’assassine pour mieux le réinventer, lui offrir une autre vie sans contrainte, accessible à tous. 

Un public au cœur de l’action
La nuit de Madame Lucienne de Copi. Mise en scène de Thomas Jolly. Le Quai-Angers. © Nicolas Joubard

De cette matière foisonnante, de ces figures croquées avec tendresse à l’acide, Thomas Jolly s’en empare avec malice. Puisant dans les réserves du théâtre, un tas d’objets insolites, tel un R2-D2 grandeur nature, une tête immense de Gorille ou un harnais de cuir, il détourne les codes pour mieux plonger le public au cœur de l’espace scénique. Installés sur le plateau, à quelques mètres des comédiens, les spectateurs ne peuvent que vivre intensément l’action. Vibrant au diapason des passions secrètes, des sautes d’humeur des personnages, des meurtres qui viennent quelque peu perturber la répétition, ils se laissent embarquer dans ce démentiel tourbillon, cette critique mordante et désopilante d’un théâtre mis à l’agonie après un peu plus de trois mois d’arrêt. Les répliques du dramaturge argentin, soulignée par la mise en scène décalée de l’artiste rouennais, font mouche. Les rires fusent. Le pari de monter avec finesse en très peu de temps une pièce, pas si simple de Copi, est gagné. 

Le théâtre est mort, vive le théâtre 

Porté par des comédiens extraordinaires et hauts en couleurs surjouant à plaisir – épatant Bruno Bayeux en double furieux de Jolly, détonante Charline Porrone en vieille gloire défigurée, lumineuse Émeline Frémont en super héroïne fluo carburant au 100 000 volts, formidable Damien Avice en machiniste dépassé par les événements,  et enfin remarquable Hélène Raimbault en femme lambda, un brin fêlée, cette nuit de Madame Lucienne souffle comme un vent frais après la tempête, une savoureuse gourmandise à déguster sans modération.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Angers

La nuit de Madame Lucienne de Copi 
Quai l’été
Le Quai – Angers
Salle T900
Cale de la Savatte
Angers
jusqu’au samedi 29 août 2020 – relâche du 2 au 17 août inclus
du lundi au vendredi à 20h30 et le samedi à 18h 

Durée 1h30 environ 

Mise en scène de Thomas Jolly
Avec Bruno Bayeux, Émeline Frémont, Damien Avice, Charline Porrone, Hélène Raimbault.

Crédit photos © Nicolas Joubard

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