Alexis Moncorgé, Rouge passion

Nommé aux Molière 2020 pour sa prestation dans Rouge, Alexis Moncorgé s’est prêté au jeu de l’entretien téléphonique, Coronavirus oblige.

Nommé aux Molière 2020 dans la catégorie second rôle pour sa prestation dans Rouge de John Logan au théâtre Montparnasse, Alexis Moncorgé est un enfant de la balle qui a su au fil des rôles se faire un nom. Présence scénique lumineuse, interprétation tout en retenue, il fait partie de cette jeune génération de comédiens dont on suit le parcours avec intérêt. A moins d’un mois de la cérémonie – qui se fera sans public cette année, mais qui sera diffusée en « prime time » sur France 2 le 23 juin – , il s’est prêté au jeu de l’entretien téléphonique, Coronavirus oblige. 

Être nommé aux Molières devient une habitude, trois fois en cinq ans, c’est plutôt bien ?

Alexis Moncorgé : Je suis très touché. Je ne me considère pas comme un artiste mais comme un artisan. Je fais partie d’un corps de métier. J’aime la troupe. Alors quand la profession reconnaît ton travail, tu te sens comme l’artisan boulanger lorsqu’il reçoit le prix de la meilleure baguette ! C’est une fierté de voir ton travail récompensé. Rouge récolte cinq nominations et cela me met en joie. C’est la reconnaissance du métier pour le travail que nous avons tous accompli sur ce spectacle. On va fêter ça samedi, chez Niels Arestrup avec toute la troupe. Ces Molières 2020 sont un peu particuliers, mais cela mettra un coup de spot sur les spectacles, sur le théâtre qui depuis mars est à l’arrêt. Et cela me rend heureux aussi pour le théâtre Montparnasse et Myriam de Colombi qui a eu la bravoure de se lancer dans le projet de cette pièce où l’on voit deux « mecs » qui parlent de peinture ! Les deux autres pièces qui étaient programmées au Petit Montparnasse sont aussi nominées, Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ? et Madame Zola. Cela me rend heureux, même si comme chaque année on ne comprend pas pourquoi certains spectacles passent à l’as.

Claude Brasseur, en recevant son César avait dit « ça y est je me suis fait un prénom ! », pour vous ce Molière de la révélation en 2016, a été le moyen de vous faire votre nom ?

Alexis Moncorgé : J’espère ! En tout cas j’essaye. Le bon Dieu vous a donné un verre, il faut le remplir au mieux. Quand j’étais jeune, on m’a fait des propositions pour donner la réplique à des vedettes, parce que j’étais petit-fils de. Mais cela ne m’intéressait pas. Je préférais être serveur pour gagner des sous, apprendre mon métier et faire ce dont j’avais envie. J’aime faire des choses qui me tiennent aux tripes, alors si ces nominations me permettent de continuer à participer, à monter des projets excitants et qui me plaisent, alors tant mieux. Mon arrière-grand-père, donc le père de Gabin, qui était fils d’ouvrier paveur, voulait chanter. Son père l’a mis dehors à cause de ça. A 18 ans, il est monté à Paris et il est devenu chanteur de rue puis de Music-Hall. Gabin était déjà un enfant de la balle. On pourrait penser que cela a sauté une génération, mais non car mes tantes sont toutes les deux réalisatrices. Elles suivent attentivement mon parcours. J’ai de l’admiration pour les familles Brasseur, Borhinger. Comme on sait que l’on nous attend au tournant, il nous faut être exigeants. 

Racontez-nous l’aventure de Rouge

Alexis Moncorgé : Le projet vient de Jérémie Lippmann qui a mis un an pour convaincre Niels (Arestrup). Il a bien insisté, car c’est un obstiné. Puis le Montparnasse a décidé de produire et programmer la pièce. Il fallait juste trouver qui serait le partenaire de Niels. Ils se sont donnés le temps de le trouver. Ce qui est assez rare ! Prendre le temps, c’est ce que nous avons eu durant tout le montage du spectacle. Ce qui a permis de polir. Donc, un jour, alors que j’étais à un festival de cinéma, je déjeunais à la table de Claude Lellouch et Françoise Fabian. Il y avait aussi une jeune femme, Sandra Choquet qui est l’assistante de Jérémie Lippmann. Elle me parle du projet et me dit que ce serait bien que je postule. Je bosse comme un malade et passe l’audition. Le premier tour ! Puis, je passe le second qui était de faire des impros avec Niels. Ils voulaient vraiment un duo qui fonctionne. 

Donner la réplique à Niels Arestrup, qui est un « monstre sacré » à la réputation d’intransigeance, ce n’est pas rien…

Alexis Moncorgé : Je ne suis pas allé aux auditions en le sacralisant mais plutôt en mode, tennis ! Tu cherches un partenaire, je t’envoie la balle. C’était comme un match de tennis que je voulais gagner ! Niels m’a choisi comme Rothko, son personnage, choisi son assistant. Durant les répétitions quand j’ai vu le niveau d’exigence du bonhomme je me suis dit que j’allais apprendre énormément. Ce n’était pas toujours facile pour moi. Car comme il n’est pas toujours nécessaire ou facile de donner des indications à Niels, on me noyait d’informations, au point qu’à quelques jours de la première, je ne savais plus très bien où j’en étais par rapport à mon personnage. Je me suis un peu rebellé. Niels m’a pris à part et m’a parlé durant une heure. Et tout ce qu’il m’a dit alors m’a permis d’aligner tous les plots et de les installer. Il m’a donné les clefs. Le personnage était là. C’est un bonheur de travailler avec lui. Jamais satisfait, il est toujours en recherche. Il réfléchit déjà sur la tournée. Comme il n’aime pas rester figer dans les marques, il ne cesse de faire des nouvelles propositions à Jérémie pour impulser notre travail. J’adore les répétitions. C’est comme si on faisait mijoter un plat dans une cocotte, dosant le sel, les épices, les légumes. On goûte en se demandant si tout ça est bien dosé. C’est en essayant que l’on trouve. Et c’est en cela que Niels est un très grand travailleur. Entre tous les trois, NielsJérémie et moi-même, s’est installée une très belle relation. C’est formidable à vivre.

D’autant que le public est vite arrivé et fait un beau succès à la pièce… 

Alexis Moncorgé : Cela a effectivement très bien marché, même avec les grèves on a réussi à sortir la tête hors de l’eau. Dès que j’ai lu la pièce, j’ai su que c’était génial, que cela ne serait pas ardu pour le spectateur. Mon personnage représente les yeux du public, c’est à travers lui qu’il regarde ce qui se passe. Au-delà de l’artiste, de sa place dans la société, la trace qu’il laisse, le véritable sujet est la transmission. C’est ce qui a touché les spectateurs. C’est ce que JérémieNiels et moi avons apporté à la pièce. Durant les répétitions nous avons tout exploré pour pouvoir proposer, comme disait Rabelais, la substantifique moelle de ce texte. 

Comment s’est passée l’aventure du confinement ?

Alexis Moncorgé : Nous venions juste de commencer la tournée de l’excellent spectacle de Xavier LemaireLà-bas de l’autre côté de l’eau… . On l’a présenté le 25 février au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison, et le vendredi 13 mars, tout s’est arrêté. On avait une dizaine de dates sur mars, avril et mai. Je ne l’aurais donc joué qu’une fois car après, comme c’était prévu, je repartais sur Rouge. Je suis parti en Mayenne chez ma mère qui a un haras. Comme il manquait des employés, j’ai repris du service avec les chevaux et je me suis reconnecté avec mes racines. Cela m’a permis de me recentrer.

Et les projets ?

Alexis Moncorgé : La tournée de Rouge jusqu’en décembre et ensuite reprise en janvier au Montparnasse.

Propos recueillis par Maric-Céline Nivière

Crédit photos © Astrid Jamois © J. Stey

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