couv Royal velours_48_ ©Margot L_Hermite_@loeildoliv

48 k€, le prix incompressible du succès

Jouer à Avignon pendant le festival OFF a un prix, qui n’a rien de menu. Tous les ans, de nombreuses compagnies se mettent en danger financièrement pour y être. Questionnant l’économie du spectacle vivant, Hugues Duchêne croque avec malice, fièvre, le temps d’un minuit show à la Scala-Paris, les conditions de plus en plus précaires qu’on impose aux artistes. Un pavé hilarant dans la mare.  De la faconde, l’élancé Hugues Duchêne en a et sait l’employer avec ingéniosité et mordant. Sans complexe, sans limite, il conte le monde qui l’entoure, ses folies, ses bonheurs et ses tracas. Après avoir régalé le public des coulisses du départ d’Olivier Py de l’Odéon et avoir chroniqué d’un

Jouer à Avignon pendant le festival OFF a un prix, qui n’a rien de menu. Tous les ans, de nombreuses compagnies se mettent en danger financièrement pour y être. Questionnant l’économie du spectacle vivant, Hugues Duchêne croque avec malice, fièvre, le temps d’un minuit show à la Scala-Paris, les conditions de plus en plus précaires qu’on impose aux artistes. Un pavé hilarant dans la mare. 

De la faconde, l’élancé Hugues Duchêne en a et sait l’employer avec ingéniosité et mordant. Sans complexe, sans limite, il conte le monde qui l’entoure, ses folies, ses bonheurs et ses tracas. Après avoir régalé le public des coulisses du départ d’Olivier Py de l’Odéon et avoir chroniqué d’un ton satirique l’année politico-judiciaire 2017-2018, il s’attaque à un sujet plus personnel, la survie des jeunes collectifs face à une économie du spectacle plus comptable qu’artistique. 

Tout commence en 2017. Le jeune comédien est sorti, il y a peu, de l’Académie de la Comédie-Française. Tout frais, prêt à mordre la vie à pleines dents, à se jeter tout feu tout flamme dans le métier. Deux pièces en poche, écrites au fil de l’actualité, l’avenir lui sourit. Encore sur la tournée de Comme une pierre qui…, le spectacle musical de Sébastien Pouderoux et Marie Rémond, hommage à Bob Dylan, il reçoit un appel lui proposant un créneau à Avignon dans un tout nouveau lieu, Le train bleu. Difficile de refuser une telle opportunité. Un seul hic, il faut trouver 16 mille euros. Il hésite, mais le jeu en vaut la chandelle. Fonçons se dit l’optimisme jeune homme. 

Rapidement, la réalité le rattrape. Léa Serror, l’administratrice de son collectif, Le Royal Velours, fait les comptes. Pour que le projet soit viable, que la situation soit confortable, que les comédiens soient payés correctement, que chacun y trouve son compte, il faut trouver pas moins de 48 k€. C’est le début d’une course-poursuite effrénée pour trouver de l’argent. De mécénat en aides régionales, départementales, d’économie familiale en combines pour tenter de récupérer des subventions çà et là, de luttes vaines, et guerres lasses, Hugues Duchêne et sa troupe finissent, mettant un peu de côté leur orgueil, blessant par maladresse des sensibilités amicales, à trouver de quoi vivre ce rêve d’artiste, faire Avignon. 

Loin de s’arrêter en si bon chemin, le trublion du théâtre, le jeune chien fou de la scène, profite de la tribune que lui offre la Scala-Paris, pour raconter les dessous d’une possible collaboration. Suite au succès festivalier du Roi sur sa couleur et Je m’en vais mais l’Etat demeure, Pierre-Yves Lenoir invite pour 9 représentations le jeune collectif à se produire en mai dans la toute nouvelle salle parisienne. Changement de ministre, départ de ce dernier pour d’autres horizons, ont changé la donne. Pour ne pas y laisser trop de plumes, Frédéric Biessy change les conditions d’accueil. Fini l’achat du spectacle place au partage des risques en jouant cinq fois à la recette. Que faire ? Demander au public son avis. Depuis le vote a été rendu son verdict. Le Royal Velours sera bien à la programmation de la Scala en mai. Est-ce une bonne chose ? La question reste ouverte et entière.

Le pari était osé. Hugues Duchêne le relève haut la main. De sa plume enlevée, grinçante, intelligente, il croque un monde de l’art, un microsome de la création, totalement corseté par un capitalisme galopant. Il ne s’agirait pas de miser à perte, qu’importe si la qualité des spectacles, l’inventivité des artistes en pâtissent. L’argent comme dans tous les domaines de la société reste le nerf de la guerre. Pas question pour le jeune auteur de ne rien dire. Il dénonce, brocarde, s’amuse, mord parfois, mais toujours avec justesse, sans dépasser le cadre du factuel. Drôle, il entraîne ses comédiens – Pénélope Avril, Vanessa Bile-Audouard, Théo Comby-Lemaitre, Marianna Granci, Laurent Robert et Gabriel Tur -, tous excellents, imitateurs de génie, dans cette folle entreprise. Personne n’est épargné, tout le monde passe à la moulinette de ce chansonnier moderne, brillant et clairvoyant. 

Malgré l’heure tardive, le 23 février 2019, à minuit, la Scala- Paris était l’endroit où il fallait être. Soutenir le Royal Velours dans sa démarche de dire les coulisses d’un spectacle, du théâtre, est une nécessité. Longue vie, bravo à la troupe et chapeau l’artiste !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


48 k€ de Hugues Duchêne
Les minuits-Show de la Scala
La Scala-Paris 
 13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
une date exceptionnelle le 23 février 2019

Conception, écriture et mise en scène d’Hugues Duchêne
avec Pénélope Avril, Vanessa Bile-Audouard, Théo Comby-Lemaitre,Hugues Duchêne, Marianna Granci, Laurent Robert, Gabriel Tur
administration : Léa Serror
Production le Royal Velours

Crédit photos © Margot L’Hermite

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