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Nénesse ou un épisode de Strip-tease sur les planches

Au théâtre Déjazet, Aziz Chouaki et Jean-Louis Martinelli nous invite au coeur de la France identitaire dans un Nénesse dérangeant

Les mots crus, crasseux, frappent, heurtent et s’entremêlent dans une diatribe poisseuse qui engloutit tout. Faussement trash et choquant, le texte d’Aziz Chouaki se perd dans une fange nauséabonde sans jamais trouver de second degré salvateur. Empêtré dans un misérabilisme sans issu, que souligne outrageusement la mise en scène de Jean-Louis Martinelli, Olivier Marchal rayonne en bête immonde.

Dans un appartement vétuste, miteux, où les meubles sont usés, les portes des placards ne tiennent qu’à un fil, un couple, Nénesse (impressionnant Olivier Marchal) et Gina (touchante Christine Citti) survivent. Si leur amour a pris du plomb dans l’aile, une tendresse sourde mais palpable unie ces deux abîmés de la vie. Après deux AVC, le premier semble totalement désabusé, aigri. La seconde s’épuise dans un travail de technicienne de surface pour rapporter de quoi faire bouillir la maigre marmite.

Nenesse_Dejazet_3_©Pascal-Victor_@loeildoliv

À deux doigts d’être expulsés par un propriétaire de moins en moins patient concernant les impayés du loyer, nos deux hères logent dans un réduit deux sans-papiers, le russe Aurélien (noble Geoffroy Thiébaut) et le serbe musulman Goran (pittoresque Hammou Graïa). Au fil des discussions, la situation s’envenime, se cristallise révélant le plus abject de chacun.

Sous couvert d’une plongée au cœur de cette France, identitaire, victimaire, rance et poisseuse, Aziz Chouaki signe un texte crasse au langage argotique dépassé. Confondant provocation et vulgarité, il compile les poncifs racistes, homophobes, sexistes et antisémites sans jamais trouver le ton juste pour que sous la caque putride une once de second degré, d’humanité nous sauve d’un écœurement nauséeux qui prend à la gorge dès les premiers mots pour s’intensifier sans jamais nous quitter. Si l’on comprend bien ce que l’auteur tente de faire – montrer sa vision d’un monde en perdition, celui des petits gens, des exclus, des fameux « sans dent » comme semblait les appeler l’ancien locataire de l’Elysée, et tenter d’en expliquer les mécanismes de pensées à l’once des informations rabâchées par les média – , malheureusement, il achoppe laborieusement. Et la mise en scène sans nuance de Jean-Louis Martinelli, qui donne à cette fausse comédie des allures de tragédie, ne fait que précipiter cette « farce soit disant politique » dans la fange et la caricature.

Nenesse_Dejazet_2_©Pascal-Victor_@loeildoliv

Aux blagues lourdes, quelques rares rires répondent. Rapidement, un malaise dérangeant, oppressant, s’empare d’une grande partie de la salle. Il colle à la peau, s’agrippe et envahit nos esprits asséchant tout espoir de voir un but, un espoir à cette grossière comédie. Pourtant, au cœur de cette turpitude malsaine, le talent viscéral, vibrant des comédiens se fait entendre avec une fureur inouïe, presque bouleversante. Face à une Christine Citti émouvante, Olivier Marchal transcende son personnage de « beauf » immonde, de petit Français à la vue basse, étroite. Un diamant brut dans un océan d’ordures.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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Nénesse d’Aziz Chouaki
Théâtre Déjazet
41 Boulevard du Temple
75003 Paris
jusqu’au 3 mars 2018
du mardi au samedi 20h30 & séances supplémentaires le samedi 16 h
durée 1h30

mise en scène de Jean-Louis Martinelli
avec Christine Citti, Olivier Marchal, Hammou Graïa & Geoffroy Thiébaut

Crédit photos © Pascal Victor

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