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Haute surveillance, huis-clos oppressant et sulfureux sur fond de pulsion et de désir

Au studio de la Comédie Française, Cédric Gourmelon met les comédiens du Français sous Haute-Surveillance

Sous le regard inquisiteur d’un gardien exsangue, trois hommes, trois fauves en cage, se jaugent, se jugent et s’affrontent dans l’espoir vain de mettre fin à la solitude intérieure qui les ronge. S’appropriant le texte vénéneux de Genet, Cédric Gourmelon signe un huis clos suffocant où les tensions sexuelles s’opposent aux froideurs des âmes criminelles. Glaçant !

Tout est sombre, inquiétant, les murs, le sol. Rien ne semble vivre sur cette scène dépouillée, vide. Une ombre apparaît. C’est celle d’un gardien (épatant Pierre Louis-Callixte). Yeux rouges, les traits tirés, perdu dans ses pensées, il erre péniblement dans ce champ clos, stérile. Dans un silence pesant, presque religieux, il balaye lentement, méticuleusement le sol couvert de sable noir. Traçant de belles arabesques, il dégage un espace blanc, immaculé. Son travail fini, l’homme laisse la place à trois gaillards.

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Pieds nus, visages fermés, presque patibulaires, ils avancent lentement, prennent tranquillement place dans ce singulier carré de lumière qui troue l’obscurité. La voix du plus grand, baptisé Yeux-Verts (ténébreux Sébastien Pouderoux), résonne. Lancinante, monocorde, elle compte l’histoire de ce mâle prisonnier. Homme de peu de foi, brute sensible, meurtrier sanguinaire, il s’est fait un nom, une place dans ce milieu carcéral qui broie les gens, les rend à l’état de bêtes.

Face à cette âme froide, virile, condamnée à un dernier baiser avec la veuve de monsieur Guillotin, les deux autres codétenus tentent dans son ombre, tels des rapaces avides de pouvoir, de chair et de sang, d’obtenir la plus belle part de ce lion sombre, fascinant, de ce seigneur des cachots. Ils luttent férocement, rageusement pour les dernières faveurs de celui qui n’est déjà plus vraiment là, rêvant, fantasmant d’étreindre enfin la femme de ce dernier, objet de tous leurs désirs. Par tous les moyens, le veule et manipulateur Lefranc (reptilien Jérémy Lopez) essaie de ravir la place de favori du charmant Maurice, qui use et abuse de ses charmes de petite frappe à la gueule d’ange (éblouissant Christophe Montenez).

S’emparant du texte âpre, ciselé et ambiguë que Jean Genet à remanier à de nombreuses reprises de 1947 à 1985, Cédric Gourmelon en tire une matière cruelle et froide. Gommant par sa mise en scène trop épurée, trop austère, la sulfureuse écriture du dramaturge, il signe un huis clos glaçant où la noirceur de l’âme humaine, la solitude des êtres sont le point de mire des pires compromissions, des plus viles actions. Jouant sur les lumières, les clair-obscurs, il esthétise le propos quitte à perdre le spectateur dans les méandres d’un récit particulièrement dense et rugueux. N’exacerbant que peu les tensions charnelles qui poignent derrière le lyrisme tout en finesse de l’écrivain français, la trop léchée mise en scène perd en force et profondeur.

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Si tout pourrait être un brin abscons, la présence et le jeu au cordeau des comédiens du Français font vibrer les mots de Genet et leur donnent une couleur, une densité singulière qui touchent et captivent. Pierre Louis-Callixte est impeccable en gardien de prison usé et désabusé, tout autant captif des murs du pénitencier que les prisonniers. Sébastien Pouderoux est parfait en homme sans attache, sans âme. Homme froid, laconique, il se libère, face à la mort, de ses entraves pour offrir un visage apaisé, sensible, presque humain. Jérémy Lopez se glisse à merveille dans la peau du pleutre manipulateur. Terriblement roublard, il laisse son instinct le guider jusqu’à la haine pour arriver à ses fins. Enfin, Christophe Montenez est éblouissant dans le rôle de ce gentil voyou à la beauté trouble, qui joue de son physique et de son ambiguïté pour obtenir une place au soleil dans cet univers carcéral, glauque. Une nouvelle fois, le jeune pensionnaire explose littéralement sur scène.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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au studio de la Comédie Française, Cédric Gourmelon met les comédiens du Français sous Haute Surveillance

Haute Surveillance de Jean Genet
Studio de la Comédie Française
99, rue de Rivoli
75001 Paris
Jusqu’au 29 octobre 2017
Du mercredi au dimanche 18h30
Durée 1h10

Mise en scène de Cédric Gourmelon assisté de Morgann Cantin-Kermarrec
Scénographie de Mathieu Lorry-Dupuy
Costumes de Cidalia Da Costa
Lumières d’Arnaud Lavisse
Avec Pierre Louis-Callixte, Sébastien Pouderoux, Jérémy Lopez et Christophe Montenez

Crédit Photos © Vincent Pontet

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