Dans un monde de violence, où les religions exacerbent les ressentiments, où les femmes subissent actes féroces et brutaux, le sport semble un élément de pacification bienvenu. Il n’en est rien, seule la confrontation à son propre passé peut enfin éteindre les conflits intérieurs. S’emparant du vibrant et joli texte de Jean-Chrisptophe Dollé, Laurent Natrella signe une pièce efficace que la présence lumineuse de Brigitte Guedj éclaire.
Tout commence dès l’enfance. Sylvie est une jeune fille pleine d’entrain que son père appelle affectueuse « petite pute ». Autant dire que sa confiance d’adolescente, déracinée en 1962 de son Algérie natale, en prend un sacré coup. Habituée très tôt aux noms d’oiseaux, à ce sexisme quotidien, elle se construit dans un monde hostile à la femme. Battante, elle se refuse à subir la méchanceté de son père, la bêtise de son oncle. Devenue professeur de Handball pour l’équipe féminine d’Aubervilliers, elle fonde sa propre famille, un nid douillet et accueillant.
Pourtant, un petit rien, un je-ne-sais-quoi de dérangeant l’empêche d’être totalement épanouie, bien sûr, il y a les vexations coutumières faites aux femmes mais c’est plus profond, plus ancré en elle. C’est à l’occasion d’un voyage à Constantine, sa ville d’origine, pour une rencontre sportive de l’amitié où doivent s’affronter une équipe chrétienne, juive et musulmane, que tous ses souvenirs de jeunesse refont surface : son ourson, monsieur Oscar, oublié dans la débande de l’exode des pieds-noirs, sa tante honnie pour avoir choisi une autre vie, en l’occurrence, épouser un arabe et non un juif. Tous ces petits détails, ces petites histoires qui ont bouleversé son enfance, qui ont entraîné la scission familiale vont revenir la frapper de plein fouet à l’aube de ses cinquante ans et l’obliger à une introspection sur sa vie de mère, de femme dans un monde d’hommes, et réfléchir à la place des religions dans la société.
Avec légèreté et fraîcheur, Jean-Christophe Dollé conte l’histoire de cette femme juive confrontée à la dure réalité du quotidien, aux violences machistes et antisémites. Loin des poncifs habituels, il brode un conte moderne, simple et touchant, un manifeste féministe plein d’humanité et de tendresse. Sans pathos et avec beaucoup de finesse, la mise en scène sobre et élégante de Laurent Natrella vient en souligner la joliesse, l’éloquence. Enfin, le jeu tout en fougue, énergie et fureur de Brigitte Guedj en révèle la puissance et le rythme singulier. Flamboyante, elle donne à l’ensemble sa force et son charme. Un joli moment de théâtre à déguster avec gourmandise !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Handball, le hasard merveilleux de Jean-Christophe Dollé
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre du rempart
56, rue du rempart Saint Lazare
84000 Avignon
jusqu’au 30 juillet 2017
tous les jours à 16h10
durée 1h15
Mise en scène de Laurent Natrella Sociétaire de la Comédie-Française
avec Brigitte Guedj
Lumière d’Elsa Revol
Costumes de Delphine Brouard
Bande son de Dominique Bataille
ZD productions
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage