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Petits crimes conjugaux, dans l’enfer du couple

Au théâtre Rive Gauche, Fanny Cottençon et Sam Karman nous invitent à découvrir leurs Petits crimes conjugaux

Derrière les apparences, dans l’intimité d’un couple que la longévité a usé, les masques tombent, les vérités éclatent en pleine lumière. Quand la lucidité oblige à voir les défauts de l’autre, à faire face à la triste banalité du quotidien, les coups bas et les phrases blessantes pleuvent. Avec une froideur glaçante, Eric Emmanuel Schmitt dissèque les comportements humains, autopsie les petits arrangements conjugaux et signe un huis-clos fascinant en forme de thriller. Malgré quelques longueurs qui alourdissent le propos, le charme lumineux et le jeu à fleur de peau de Fanny Cottençon agissent et séduisent.

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Dans un intérieur intello-bourgeois imaginé par Stéphanie Jarre – bibliothèques et tableaux de nus couvrant les murs, piano à queue blanc en arrière-plan, meubles au charme suranné, canapé en cuir et fauteuil club en peau de vache, vieillis par la patine du temps – , un couple d’une cinquantaine d’années entrent. Ils reviennent de l’hôpital. Jean (ténébreux et taiseux Sam Karman), suite à un tragique accident domestique, est devenu amnésique. Sa femme, Lisa (éclatante Fanny Cottençon), va une nuit durant tenter de lui raconter leur vie commune, un amour de quinze ans. Mais voilà, dit-elle toute la vérité ? N’enjolive-t-elle pas le quotidien ? Est-il vraiment amnésique ? Ne se souvient-il vraiment de rien ?

De sa plume ciselée, Eric-Emmanuel Schmitt s’interroge sur le couple, sur les raisons de sa potentielle longévité. Il scrute les failles, les fêlures. Il cherche à étudier le ciment qui permet à deux êtres de conserver durant de nombreuses années un lien conjugal presque intact faisant fi des défauts de l’autre et de ce quotidien qui assassine à petit feu. Avec finesse et lucidité, il nous guide le long de cet étrange et risqué voyage qu’est l’amour durable forçant ses deux protagonistes à faire tomber les masques des apparences. Il les force à dévoiler leur nature profonde de monstre frêle, d’assassin malgré eux, tour à tour bourreau ou victime. Toutefois, la pièce finit par tourner en leçon philosophique d’anatomie amoureuse et se perd en digressions intellectuelles parfois trop obscures.

La sobre mise en scène de Jean-Luc Moreau souligne parfaitement le propos clinique du dramaturge. Il montre la fragilité du couple, sa dualité. S’appuyant sur les rebondissements à répétitions, sur les revirements de situations, il signe un thriller psychologique parfaitement orchestré et mène de mains de maîtres un duo de comédiens totalement accordé. Tout en machiavélisme et tromperie, Sam Karman se glisse aisément dans la peau de cet homme amoindri qui prêche le faux pour savoir le vrai, qui pousse avec une froide constance sa femme dans ses derniers retranchements. Sceptique, perplexe, il se révèle cynique et habile pour en finir avec les faux semblants et ranimer les cendres d’un amour en perdition.

Fanny Cottençon est Lisa, cette femme qui voit sa vie s'enfuir beaucoup trop vite © Fabienne Rappeneau

Fragile, fébrile, Fanny Cottençon irradie littéralement la scène. De sa voix douce, elle ensorcèle. De son sourire timide, tendre, elle séduit. De son allure, elle charme. L’émotion à fleur de peau, bouleversante, émouvante, elle est Lisa, cette femme éprise et névrosée au bord de l’explosion. Elle ne supporte pas le temps qui passe, qui lui vole sa beauté, qui éteint les folles passions. Féline et louve à la fois, elle tente le tout pour le tout pour garder intact l’amour de son mari.

Hors mis une dizaine de minutes de verbiage en trop, la pièce captive tout à fait. Alors n’hésitez pas à vous laisser prendre à ce huis clos sentimental, à ce thriller haletant porté par une Fanny Cottençon divine.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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Au théâtre Rive Gauche, Fanny Cottençon et Sam Karman nous invitent à découvrir leurs Petits crimes conjugaux

Petits crimes conjugaux de Eric-Emmanuel Schmitt
Théâtre Rive Gauche
6, Rue de la Gaité
75014 Paris
depuis le 29 septembre 2016
Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 15h.
Durée 1H40

Mise en scène Jean-Luc Moreau
Avec Fanny Cottençon et Sam Karmann
Décor de Stéphanie Jarre assistée de Daphné Roulot
Lumières Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos
Costumes Nathalie Chevalier
Accessoiriste Nils Zachariasen
Musique Sylvain Meyniac

Crédit photos © Fabienne Rappeneau

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