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L’éveil du Chameau, rencontre tempérée entre le feu et la glace

Au théâtre de l'Atelier, un Eveil du chameau bien calme.

Rien de nouveau sous le soleil au théâtre de l’Atelier. Un bel homme, la cinquantaine florissante et cynique, rencontre par un hasard forcé une ménagère du quasi même âge, psychorigide et coincée. La confrontation ne peut engendrer qu’étincelles et situations cocasses en vue d’un « happy end » téléphoné, chacun aidant l’autre à réveiller sa vraie personnalité. L’ensemble pourrait paraître rébarbatif et éculé, faute d’une mise en scène originale et décalée, si ce n’était la lumineuse et émouvante présence de Barbara Shulz. Magnétique, vibrante, habitée par son personnage, elle sauve la pièce de son insipidité et conquiert haut la main nos applaudissements finaux.

Mickaël (ténébreux en diable Pascal Elbé) est un homme affairé. Il travaille pour une ONG. Faute de temps, il a transformé son « appart « en bureau. Ainsi, dans un même espace se mélange quelques affaires personnelles (revues sexy notamment) et un nombre incalculable de documents, dossiers et coupures de journaux liés à son métier. Sans attache, le charmant cinquantenaire à la voix de velours, enchaîne les jeunes conquêtes d’un soir. Seule son adjointe, et ex petite amie (épatante Valérie Decobert), semble avoir résister au temps, à l’usure et à sa bougonnerie permanente.

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Alors que la vie agitée de Mickaël semble bien réglée, une femme d’une quarantaine d’années, chignon et tenue stricte, force sa porte, semble bien décidée à rester et lui rappeler ses erreurs de jeunesse. Prénommée Maryse (éblouissante Barbara Shulz), elle est mère d’une fille de 18 ans, enceinte de 5 mois. Face à la démission du futur père, elle est venue réclamer des comptes au géniteur de ce dernier. Mais voilà, tout ne se passe pas comme elle l’avait imaginé.

Noyant son incapacité à construire une histoire d’amour durable dans une hyperactivité maladive, Mickaël avait, depuis 23 ans, occulté cet enfant issu d’une relation dans laquelle il ne voulait, pouvait s’engager. Le passé le rattrapant à grand pas, confronté à ses propres contradictions, l’orgueilleux mâle finira-t-il par s’adoucir et céder au charme discret et maternel de la très jolie Maryse ?

En choisissant de mettre en scène la comédie douce-amère de Murielle Magellan – adaptée l’année dernière au cinéma sous le titre Ange & Gabrielle -, Anouche Setbon n’a pas choisi la facilité et malheureusement achoppe à en présenter une variante renouvelée et singulière. Faute de parti pris, elle propose une version sans surprise qui a bien du mal à décoller. C’est d’autant plus décevant au vu du casting. Toutefois, les thèmes abordés bien qu’éculés – le refus de s’engager chez l’homme, la responsabilisation à outrance chez les femmes, le refus de grandir, le désir d’enfant et l’éternelle horloge biologique – sont particulièrement bien amenés, nous tiennent en haleine et évitent de tomber dans l’ennui.

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Heureusement, le trio de comédiens a de quoi séduire et réveiller notre intérêt. La voix chaude et le charme ténébreux de Pascal Elbé finissent après un petit tour de chauffe à nous séduire. En retrait dans la première partie de la pièce, il finit par incarner à merveille cet homme bougon, solitaire et finalement sensible, qui cache un grand cœur. Valérie Decobert est piquante à souhait. Elle se glisse avec aisance dans la peau de cette « working girl » qui a tout sacrifié, sa vie, son désir d’enfant, pour l’amour passionnelle qu’elle porte à Mickaël. Toutefois, elle n’hésite pas à l’égratigner quand elle estime qu’il dépasse certaines limites. Enfin, Barbara Schulz irradie la scène et l’espace de sa présence. Touchante, bouleversante, elle est cette mère courage, qui rêve d’absolu. Bourrée de principes, moraliste à l’envi, elle finit par laisser son cœur de femme s’exprimer et cède à ses pulsions sexuelles et sensuelles. Elle sauve ainsi sur le fil une adaptation certes drôle et pleine de tendresse mais trop sage et manquant de relief.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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L’éveil du chameau de Murielle Magellan
Théâtre de l’Atelier
1, Place Charles Dullin
75018 Paris
à partir du 4 octobre 2016
Du mardi au samedi à 19h00 et séance supplémentaire en matinée le samedi à 16h30
Durée 1h20

Mise en scène de Anouche Setbon
Avec Barbara Schulz, Pascal Elbé et Valérie Decobert

Crédit photos © Valérie Depagne Palazon

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