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PompierS un huis clos étouffant et sordide

PIl y a des mots, comme ce « non » toujours étouffé, jamais véritablement prononcé, qui retentissent terriblement dans nos cœurs, qui frappent douloureusement nos corps. Il y a des faits divers glaçants, barbares, qui brûlent, consument et nous font perdre foi en la nature humaine. PompierS, la pièce écrite par Jean-Benoît Patricot, en est un des exemples. En relatant le viol à répétition d’une jeune fille « limitée », l’auteur nous entraîne dans le sordide, l’immonde. Et pourtant, malgré des comédiens épatants, la froide mise en scène de Serge Barbuscia, nous laisse à distance sans vraiment nous happer, sans

PIl y a des mots, comme ce « non » toujours étouffé, jamais véritablement prononcé, qui retentissent terriblement dans nos cœurs, qui frappent douloureusement nos corps. Il y a des faits divers glaçants, barbares, qui brûlent, consument et nous font perdre foi en la nature humaine. PompierS, la pièce écrite par Jean-Benoît Patricot, en est un des exemples. En relatant le viol à répétition d’une jeune fille « limitée », l’auteur nous entraîne dans le sordide, l’immonde. Et pourtant, malgré des comédiens épatants, la froide mise en scène de Serge Barbuscia, nous laisse à distance sans vraiment nous happer, sans fendre nos âmes…

Dans un espace sombre, obscur, 6 bancs noirs placés en arc de cercle font office de décor. Un homme (inquiétant William Mesguich) entre. Visage masqué par une cagoule, il avance le corps courbé, comme si un lourd poids pesait sur ses épaules. Il s’assoit, abattu, la tête entre les mains, penchée vers le sol. Derrière lui, une jeune femme (enfantine Camille Carraz) apparaît. Allure de gamine, elle entre dans l’arène. Son regard fixe l’homme. Elle s’inquiète, panique.

Les premiers mots sortent de sa bouche, ils sonnent comme une menace : « Tu ne devrais pas te trouver là, je dois pas te parler. » L’action est plantée. Nous sommes dans une salle d’attente d’un tribunal, quelque part en France. Un procès est en cours, le verdict attendu dans les minutes à venir. Elle est la victime. Lui le bourreau. Elle est Une jeune femme rêveuse, romantique, mais limitée intellectuellement. Lui est un pompier consciencieux, un excellent élément comme le dit son chef.

Et pourtant entre eux, le soir du bal des pompiers, l’ignoble c’est produit. Attirée par les uniformes, elle a pris ses sourires pour des avances, ses caresses pour une promesse d’amour. Il a pris sa candeur, sa niaiserie pour de l’acceptation. Sans mot échangé, il l’a prise là contre un mur dans la caserne, puis dans le camion. Jamais lassée, toujours consentante, elle revenait, chaque jour un peu plus éprise de cet homme, de ce « roi du monde ». Par amour, ne voyant pas à mal, elle a tout accepté, jusqu’au viol collectif, jusqu’à devenir l’objet sexuel de la caserne. A la perversité des hommes, elle oppose sa simplicité, sa fraîcheur.

Au fil de la pièce, l’atmosphère se tend, elle devient oppressante, suffocante. Le huis-clos se resserre, les tensions sont palpables. Elle, sûre de son droit, attend qu’il soit puni pour ce qu’il a fait malgré l’amour qu’elle lui porte. Lui est gagné par la peur, il ne comprend que trop tard que le « non » qu’elle n’a jamais prononcé, il n’a consciemment pas voulu l’entendre.

Au vu du sujet, terriblement noir, effroyablement sordide, il fallait une mise en scène au cordeau, en clair obscur, pour mettre en lumière toute l’ambiguïté sombre et brutale de ce fait divers, mis en mots par Jean-Benoît Patricot. Et c’est là où le bas blesse. Trop froide, trop aseptisée, celle proposée par Serge Barbuscia empêche l’empathie avec la victime et l’aversion pour le bourreau. Elle reste en surface du sujet sans jamais vouloir montrer la force du texte, la puissance des mots. Pris à la gorge par les actes odieux qui sont ici racontés, on a bien du mal à en ressentir la brûlure dans la chair. Si William Mesguich se donne à fond dans son personnage, en laisse paraître toute la noirceur, toute l’ambivalence, il semble être toutefois peu à l’aise dans les vêtements de ce soldat du feu. Son allure romantique, sa sensibilité extrême, le desservent faute d’être employé à contre pied par Serge Barbuscia. Peut-être aurait on vu un colosse ayant un talent similaire pour incarner cet homme fort au combat et vil au quotidien. Il est en de même pour Camille Carraz. Comédienne talentueuse, elle se glisse bon an mal an dans la peau de cette femme « limitée », fade, sans attrait particulier, qui accepte l’indicible par amour. En accentuant le côté trop enfantin de son personnage, elle perd en puissance. On a un peu de mal à croire que des hommes, des pompiers qui plus est, en est fait leur jouet. Malgré tout, les deux artistes se sont laissé happer par les failles et les zones d’ombre de leur personnage afin d’en transcender leur part de monstruosité, d’humanité décadente.

Touché par l’atrocité crue de ce récit, on reste pourtant à distance de la pièce sans jamais en ressentir la violence, l’âpreté, l’ambivalence… Dommage !…

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


Aff_PompierS_Avignon_Mesguich_@loeildoliv

PompierS de Jean-Benoît Patricot
Festival OFF d’Avignon
Théâtre du Balcon
38, rue Guillaume Puy
84000 Avignon
Jusqu’au 30 juillet à 17h – relâche les 11, 18, 25 juillet
Durée 1h10

Mise en scène de Serge Barbuscia
avec Camille Carraz, William Mesguich
Conception sonore et musicale d’Eugenio Romano
Costumes d’Annick Serret
Création Lumières et Scénographie de Sébastien Lebert

Crédit photos © Gilbert Scotti

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