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Quand souffle le vent du nord, bluette charmante et pétillante 2.0

Quand souffle le vent du nord au Lucernaire, amour et humour sont au rendez-vous.

Tout n’est que mots, quand l’apparence, le physique, sont dissimulés derrière un écran. Seuls humour, intellect et répliques comptent quand le reste est dérobé au regard. En s’intéressant à ces relations fictives que favorisent les nouvelles formes de communication, Daniel Glattauer signe un texte drôle, passionnant, ingénieusement souligné par l’acidulée mise en scène de Judith Wille. Savoureux !

Tout commence par un mail mal adressé. Emmi (pétillante Caroline Rochefort), jeune trentenaire à l’accent du sud, souhaite se désabonner d’une revue littéraire dont la ligne éditoriale ne correspond plus à ses attentes. A cette fin, elle contacte via internet le service client. Une faute de frappe suffit. Son message surfe dans le cyberespace pour atterrir par le plus grand des hasards dans la boîte mail de Léo (réjouissant Stéphane Duclot). Homme proche des quarante ans, venant de se faire larguer par sa dernière conquête, Marlène, il déprime un brin et rêve de reconquête, de sentir à nouveau la chaleur d’une passion partagée.

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Entre ces deux êtres qui cachent derrière l’écran d’un ordinateur leurs fêlures, leurs blessures, se nouent au fil des échanges un lien de plus en plus prégnant, une amourette fantasmée de plus en plus réelle. Bien que chacun ait sa vie, la présence de l’autre même fictive devient nécessaire, indispensable à leur équilibre. Entre les grandes déclarations d’amour, les messages implicitement sexuels et les refroidissements dus à la distance, à l’immatérialité de l’autre, Daniel Glattauer nous plonge avec beaucoup de finesse et d’humour au cœur de cette relation épistolaire 2.0.

En s’appropriant le roman de cet écrivain autrichien, Judith Wille s’amuse à brouiller les pistes, souligne avec un humour ravageur le surréalisme de cette histoire virtuelle et nous entraîne dans une quête de l’autre ,,passionnante. L’amour qui enflamme les cœurs gagnera-t-il sur la raison, le tangible ? La réalité balayera-t-elle la virtualité, l’imaginaire fantasmé ? Rien n’est moins sûr, tout est possible dans ce labyrinthe émotionnel et sentimental plein de chausse-trappes et de rebondissements de situation. Grâce à une scénographie des plus symétriques conçue par Denise Heschl, le spectateur est placé en témoin privilégié de cette amourette naissante. Il peut à sa guise observer nos deux protagonistes qui évoluent de concert. Pris dans les rets de cette bluette légère, conquis par les savoureux dialogues concoctés par Daniel Glattauer, il se laisse totalement embarquer dans cette revisite moderne de la carte du Tendre.

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L’alchimie entre les deux comédiens fait le reste. Si l’accent chantant et chaleureux de Caroline Rochefort surprend pendant les premières minutes, très vite, il vient souligner la fraîcheur et la pétulance de cette comédienne rayonnante. Tour à tour cinglante, drôle, pertinente, elle ensorcèle l’auditoire et donne vie à cette Emmi partagée en raison et passion. Face à elle, le très sérieux, Stéphane Duclot se déride rapidement. Son cynisme premier se change vite en charme ténébreux, dévastateur. Entre mauvaise foi et amour sincère, il permet au fantasme, à l’immatériel de flirter habillement avec la réalité.

Totalement séduit par cette bluette estivale qui sans rien y paraître aborde un sujet de société de plus en plus prégnant, la confusion entre réel et virtualité, le public, sourire aux lèvres, applaudit avec un plaisir non dissimulé. Une friandise aigre-douce à déguster au plus vite !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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Quand souffle le vent du nord au Lucernaire, amour et humour sont au rendez-vous.

Quand souffle le vent du nord de Daniel Glattauer
Théâtre du Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
jusqu’au 28 mai 2017
du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 15h
durée 1H15

mise en scène de Judith Wille
traduction de Patrick Demerin et Hans Peter Cloos
avecCaroline Rochefort et Stéphane Duclot
scénographie et costumes de Denise Heschl

Crédit photos © Bruno Maignien

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