Pas d’exilés

A Montpellier Danse, Mithkal Alzghair questionne les libertés individuelles, les frontières dans un ballet lancinant.

Dans un monde, qui s’enferme sur lui-même par la peur de l’autre, Mithkal Alzghair esquisse une pièce où les gestes triviaux des exilés privés de liberté se muent en pas de danse. Alors que les frontières sont redevenues omniprésentes, il offre aux corps contraints un écrin dépouillé pour exprimer leur rage, leur résignation. 

L’immense scène du théâtre des treize vents est entièrement nue. Aucun décor, rien ne vient perturber la lecture de la dernière création de Mithkal Alzghair. Seules les lumières, rasantes, diffuses ou crues, viennent habiller cet espace désespérément vide, aride. Au fond, côté cour, des silhouettes se dessinent. Lentement, elles entrent dans la danse, se laissent porter par la musique lancinante créée spécialement par le compositeur et producteur Shadi Khries. Mélangeant percussion, motif redondant, transendantal, réinventant les sons angoissants du quotidien, le bruit des sirènes, il plonge la salle dans une bien étrange ambiance, que les interprète ressentent dans leur chair. 

Mouvements contraints, mains derrière le dos, palpations, groupe d’individus forcés à marcher les uns contre les autres, de se plier à d’impitoyables règles, à endurer d’invisibles entraves, Mithkal Alzghair se sert de tous ces gestes, vus et revus aux frontières, que souffrent tous ceux qui sont différents, qui n’ont pas le faciès ou la nationalité adéquate, pour donner à sa triste farandole des airs de réalité. 

Questionnant l’impact psychologique autant que physique subi par ces corps livrés à une autorité sans âme, sans cœur, régit par des lois, des appréciations toutes personnelles, interrogeant sur le monde de demain que l’on souhaite, le chorégraphe d’origine syrienne signe un pièce chorégraphique âpre mais terriblement engagée. Prenant le spectateur à témoin, il l’oblige à ouvrir les yeux sur un état de fait d’une rare violence, barbarie. 

Méritant d’être légèrement resserré, We are not going back saisit par sa poésie lancinante, son écriture lapidaire, sèche. Un moment suspendu qui secoue les bienveillances et réveille nos consciences politiques et sociétales. 

Olivier Fregaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Montpellier 


We are not going back de Mithkal Alzghair 
Compagnie HEK-MA
Montpellier Danse

 Théatre des Treize vents
2733C Avenue Albert Einstein
34000 Montpellier 
Jusqu’au 4 juillet 2019
Durée : 1h

Chorégraphie : Mithkal Alzghair
Pièce pour 5 danseurs – Annamaria Ajmone, Mirte Bogaert, Yannick Hugron, Samil Taskin, Judit Dömötör
Création musicale : Shadi Khries
Création lumières : Julien Bony et Julie Valette
Production et diffusion : Clémence Sormani

Crédit photos © Cécile Mella

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