La tapisserie verte d’une Pénélope éco-responsable

Fermée actuellement, L'exposition Champs libres du MAIF Social Club reste ouverte sur le net. Rencontre avec L'un des artistes associés, Suzanne Husky.

Révélation du Salon de Montrouge en 2017 et plus récemment Jury 2020 de la Frac de Nouvelle-Aquitaine, l’écoféministe franco-californienne Suzanne Husky s’attache dans ses œuvres à questionner le temps présent à travers des techniques artisanales traditionnelles. Une des œuvres, qu’elle présente au Maif Social Club dans le cadre de l’exposition Champs Libres, une immense tenture ronde, s’inspire du tissage de tapis afghans. Un message hautement politique et social alors que le pays est toujours en guerre !

Comment définiriez-vous votre art ?

Suzanne Husky : Mes pièces sont des outils à usages multiples. Elles me servent à dire, penser, digérer, réfléchir, amplifier, apprendre, comprendre, m’engager. Notre lien ou notre aliénation à la terre y sont un thème récurrent. 

Qu’exposez-vous au Maif Social Club ? 

Suzanne Husky : Dans le cadre de Champs libres, je propose deux œuvres assez différentes. D’une part, un tapis en laine réalisé en 2019, qui est très narratif. Il met en scène des plantes, des êtres vivants, des champignons. Les gestes représentés sont souvent des gestes de soin, comme tourner un compost, faire de la propagation, de la régénération un sol, ramasser des déchets, faire des rituels, protéger la forêt. Le tapis s’appelle d’ailleurs Régénération. Il est rond et n’a pas de sens de lecture, ni hiérarchie, tout est au même niveau. Tous les êtres y sont reliés, et cernés par un serpent, symbole de la régénération. Il est très clairement énoncé que la terre, l’eau, l’air et le feu sont sacrés. Il est donc essentiel pour le futur de les protéger.
D’autre part, la seconde pièce que j’expose, Ariège Against the machine date de 2009. C’est une série de photographies, qui met en scène le travail des femmes dans les exploitations agricoles. En Ariège, la terre est pauvre, mais financièrement plus accessible pour les femmes généralement moins fortunées que les hommes, et propriétaires de moins de 5% des terres à l’échelle internationale.
Pour moi, ce sont des guerrières. Leurs vergers, leurs jardins, leurs espaces de cultures sont des lieux de résistance face au modèle agricole de la PAC. Elles travaillent avec les animaux, les cochons pour labourer, les chevaux pour tracter ou les chèvres pour nettoyer, etc. Le titre de la série est celui d’un groupe punk ariégeois qui n’existe plus. L’Ariège est le département le plus pauvre de France, et c’est aussi celui qui a le plus de producteurs bio. 

Comment avez-vous fabriqué le tapis ? 

Suzanne Husky : J’ai fait cette œuvre en réponse au tapis de guerre afghan, que le monde occidental collectionne. Les guerres dans ce pays d’Asie centrale sont exotiques, alors que nous, nous avons des conflits internes auxquels nous devons faire face. Les matériaux sont la laine et les teintures naturelles, la politique des matériaux est pour moi importante, ces matériaux sont biodégradables, mais durent des siècles si bien entretenus…Faire un tapis est une sorte de sécurité, si personne n’en veut, j’aurai un tapis à la maison que j’adore, pas d’histoires de stockage etc. Mais comme mes tapis sont super beaux, je n’en ai aucun chez moi. 

Écologiste, artiste, que voulions-vous mettre en lumière avec votre travail ? 

Suzanne Husky : Il y a des nombreux combats menés dans mes œuvres. Pendant de nombreuses années, elles ont amplifié des voix contestataires à l’égard de l’extra-activisme, notamment avec Le Nouveau Ministère de l’Agriculture qui met en lumière l’arc idéologique des politiques agricoles gouvernementales. Récemment, une forme d’éco-spiritualité non patriarcale émerge, et l’envie d’être dans la construction plutôt que la déconstruction. L’agroforesterie, la régénération des sols, l’écoute de la terre sont pour moi a l’ordre du jour.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

L’exposition Champs libres est visitable virtuellement tout le temps du confinement sur le site du MAIF Social Club.

Crédit photos © Edouard Richard / MAIF

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