Fin de partie au théâtre Ouvert – Cité Veron

Avant que le Théâtre Ouvert ne quitte la Cité Veron, le Grand Cerf Bleu répète sa prochaine création, un texte étonnant du catalan Joan Yago.

Installé depuis 1981 dans une annexe du Moulin Rouge, au fond de la très singulière impasse de la Cité Veron, le Théâtre Ouvert fait ses cartons, direction les locaux du Tarmac. Afin de faire vivre une dernière fois ce lieu emblématique du théâtre contemporain, le collectif du Grand Cerf Bleu répète sous la coupole d’or l’une de leurs prochaines créations, Brefs Entretiens avec des femmes exceptionnelles de l’auteur catalan Joan Yago. 

Le soleil brille sur la capitale. Les températures sont printanières. La ville grouille. Les piétons ont envahi les trottoirs. Les vélos les rues. Malgré le bruit sourd de la vie qui a repris son cours, l’ambiance est agréable en ce lundi de juin. Pigalle a des airs de fêtes. Tout n’a pas rouvert, mais on sent une fébrilité, un désir de redonner au quartier ses airs de Paris coquin, de Paris canaille. Derrière le Moulin Rouge, fermé pour l’heure – il n’est que quatorze heures – , la fameuse impasse de la cité Veron ne semble pas plus éveillée. Pas un chat sur les pavés, pas l’ombre d’un homme. Il faut remonter une centaine de mètres pour apercevoir cachée par des feuillages verdoyants l’entrée du Théâtre Ouvert

Répétitions dans les cartons

Quelques marches à monter, une porte, toujours personne à l’horizon. Le lieu aurait- il, déjà été abandonné ? Des centaines de cartons, une bouteille de gel et quelques masques sur une table, semblent dire le contraire. En haut de l’escalier une silhouette. La directrice de la communication du théâtre m’accueille et m’indique comment retrouver les autres journalistes et surtout les comédiens du Collectif du Grand Cerf bleu. Les discussions vont bon train. Les frères Tur et leur complice Laureline Le Bris-Cep expliquent les grandes lignes de cette nouvelle création, centrée sur des figures féminines hors-normes, qui devait voir le jour à Rome en septembre prochain dans le cadre de Fabulamundi. Playwriting Europe, un projet de coopération entre théâtres, festivals et organisations culturelles de 10 pays Européens (Italie, France, Allemagne, Espagne, Roumanie, Autriche, Belgique, Royaume-Uni, Pologne et République Tchèque), dont fait partie la Mousson d’été, où le spectacle sera présenté sous forme de lecture théâtralisée pour la première fois dans son intégralité. Pour la première fois, le trio s’attaque à une commande et non à un projet qui leur est propre. 

Talk show intime

L’un après l’autre, nos trois joyeux drilles énumèrent les étranges personnages de cette galerie kaléidoscopique. Tous sont inspirés d’individus réels. Monté comme un talk-show façon C’est mon choix dont l’animateur curieux est interprété par Jean-Baptiste Turla pièce adaptée du texte de Joan Yago invite à rencontrer une Barbie humaine, une politicienne pro arme et pro-gay, une gamine de six ans qui vit dans un corps d’homme de 53 ans, une femme bleue, une transhumaniste qui espère un monde à la Matrix, où le corps sera vide, l’âme chargée dans un monde virtuel. Malgré toutes ses bizarreries, on sent dans la voix des trois artistes, une belle charge émotionnelle et dans leur manière de présenter ce spectacle, une humanité, une empathie pour ces êtres extraordinaires. 

Femme(s) fatale(s)

Après les mots vient le jeu. En respectant les consignes sanitaires, masques et distanciation sociale, nous sommes conviés à assister à un bout de répétition. Talons dorés très haut, Laureline Le Bris-Cep incarne une bimbo venue de l’est, dont la ressemblance avec la poupée de Mattel est troublante. Loin des clichés, la belle s’avère être aussi une tête. Passionnée d’ésotérisme, de bien-être, elle cherche non la perfection, mais bien un idéal où tout semble possible. En metteur en scène attentif, Gabriel Tur cisèle les intonations, les gestes. Tout est précis, pensé. De la musique aux éclairages, même si rien n’est encore définitif, il cherche l’endroit où tout devient évidence, où la fiction devient la réalité. Et ça fonctionne. On se laisse happer par Ces vies extraordinaires autant qu’ahurissantes. On croit à la sincérité du jeu. C’est la grande force de ce Collectif, jouer sur la corde raide de l’authenticité, matinée d’un brin de folie, d’une étrangeté tout juste absurde. 

Un collectif hyper-actif

Après cette première mise en bouche, on a bien sûr une envie curieuse et gourmande de voir la suite, de découvrir les autres personnages. Malheureusement, il faudra attendre quelques mois, l’ouverture du nouveau Théâtre Ouvert, en lieu et place de l’ancien Tarmac au début de l’année 2021. Pas de panique, le Grand Cerf Bleu a plus d’un tour dans son sac. Il prépare actuellement un autre spectacle autour du célèbre Robin des bois. Les répétitions commencent au CentQuatre dans les prochains jours. On a pris date pour en savoir un peu plus sur ce qu’ils vont faire de ce bandit de grand chemin, ce voleur au grand cœur. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Brefs entretiens avec des femmes exceptionnelles de Joan Yago
Traduit du catalan par Laurent Gallardo
Création Le Grand Cerf Bleu

répétitions du 2 au 13 juin 2020

Direction artistique de Gabriel Tur
Collaboration artistique de Laureline Le Bris-Cep et Jean-Baptiste Tur
Avec Anna Bouguereau, Etienne Jaumet, Laureline Le Bris-Cep, Juliette Prier (en alternance avec Laurie Barthélémy) et Jean-Baptiste Tur
Son de Gabriel Tur et Etienne Jaumet

Crédit photos © OFGDA

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