Que s’est-il passé ce jour d’août 2015 sur le flanc du plus haut volcan du Kamtchatka ? Seule, l’anthropologue, Nastassja Martin se retrouve face à un ours. L’animal l’attaque et lui mord le crâne. Un instant de répit, un réflexe, elle attrape son piolet et le lui plante dans une patte. Blessé, l’ursidé fuit, laissant sur place quelques poils et emportant sous ses crocs des lambeaux de chair et un bout de mâchoire. Au-delà de la confrontation physique entre la femme et la bête, autre chose se joue, une rencontre spirituelle, un lien mystique se crée, une transmutation qui donne naissance à un corps hybride habité d’un esprit augmenté.
Refusant de se laisser abattre, d’être une victime, la chercheuse retourne auprès de la tribu des Évènes, revient sur les lieux de l’incident et cherche à se réinventer, riche de sa nouvelle identité entremêlée de Miedka : l’être mi-femme mi-ours. Passant du chamanisme à l’animisme, la chercheuse renaît au monde en éprouvant dans sa chair cette transformation.
De cette expérience traumatique et de ses conséquences – une succession d’épreuves et de rendez-vous médicaux -, de ce récit fragmenté entre rêve et réalité, Laure Werckmann tire bien plus qu’un spectacle, mais une plongée immersive dans la tête de l’anthropologue. Elle se glisse dans les mots de l’autrice, habite les pages du roman et donne vie à cette traversée métaphysique sans véritable fin. Habitée par son personnage, la comédienne et metteuse en scène se donne sans compter. Elle est Natassja. Pourtant, le texte résiste. Le chemin se perd. Si l’aventure poétique convainc les adeptes, les passionnés ou les idéalistes, elle laisse quelque peu de côté les néophytes.
Avec Croire aux fauves, Laure Werckmmann poursuit son travail sur les figures féminines du XXIe siècle, sa tétralogie des héroïnes de la transformation, et signe un troisième volet qui vaut tout particulièrement pour son interprétation. À chacun de croire ou pas dans les esprits de la nature !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Strasbourg
Croire aux fauves d’après le roman de Nastassja Martin
TJP – CDN de Strasbourg
Grande Scène
7 rue des Balayeurs
62000 Strasbourg – Krutenau
du 11 au 16 janvier 2025
Durée 1h25
Adaptation, mise en scène Et jeu – Laure Werckmann
Régie Plateau et générale – Cyrille Siffer
Maquillage, coiffure et prothèse – Cécile Kretschmar
Scénographie d’Angéline Croissant
Lumière de Philippe Berthomé
Musique d’Olivier Mellano
Costumes de Pauline Kieffer
Collaboration à ma mise en scène – Noémie Rosenblatt