Un faible rayon de lumière éclaire une carafe d’eau, une banquette toute simple et le détail d’un tableau abstrait. La pénombre règne, l’ambiance est froide, à l’instar du propriétaire des lieux. Irascible et en proie à un effroyable mal de tête, Vincent (Niels Dubost) semble perdu dans ses pensées. Son fils de dix-sept ans, Alexandre, a disparu sans rien dire il y a un peu plus de six mois. Il y a quelques jours, Éric, un inconnu (Xavier Bazin) l’a contacté pour venir récupérer les affaires de l’adolescent. Ce dernier doit arriver d’une minute à l’autre. Rien n’est prêt. Refusant l’inévitable, de très mauvaise grâce, le père va devoir se confronter à la réalité et à la présence de cet inconnu qui ne va nullement lui faciliter la tâche.
À la manière d’un thriller, Charif Ghattas esquisse le portrait de cet adolescent, joueur de tennis en devenir qui, du jour au lendemain, plante tout et quitte le domicile familial. De non-dits en révélations, une vérité sourde se fait jour. Comment parler de sa différence à ses parents quand on pense qu’ils ne sont pas capables de l’entendre, quand on craint leur rejet ? S’emparant d’un sujet sensible, l’auteur et metteur en scène signe un spectacle qui touche à l’intime. Doit-on entrer dans le moule d’une société qui rejette tout ce qui n’est pas dans la norme patriarcale et hétérosexuelle ?
Fragile, jouant sur le fil d’un rasoir, Un monde possible suit les méandres de pensée d’un père devant une réalité qu’il ne veut pas voir. Face à sa plus grande crainte, cet inconnu qui pourrait être son fils dans quelques années, l’amour paternel est-il plus fort que les préjugés, les a priori crasses ?
Le jeu encore fragile, le rythme pas tout à fait trouvé et un texte qui frôle parfois avec une psychologie un peu simpliste donnent une œuvre bancale, qui a néanmoins le mérite d’aborder un sujet plus que d’actualité à l’heure où le repli sur soi, l’intolérance et la violence contre tout ce qui est autre explosent. Le temps devrait faire son affaire et patiner l’ensemble.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Un Monde possible de Charif Ghattas
Théâtre Lepic
1 avenue Junot
75018 Paris
à partir du 23 septembre 2024
Tous les lundis et mardis à 19h
Mise en scène de Charif Ghattas
Avec Niels Dubost et Xavier Bazin
Lumières de Gaspard Gauthier
Scénographie de Laure Montagné et Charif Ghattas