Le Lavoir - Lazarini © Marion Duhamel
© Marion Duhamel

« Le Lavoir », le bruissement de vie des lavandières de Picardie

Mêlant comédiennes professionnelles et amatrices, Frédérique Lazarini met en scène la très belle pièce de Dominique Durvin et Hélène Prévost, donnant la parole aux femmes de 1914 et de 2024.

Souvenons-nous qu’il fut un temps où le jour de lessive était une sacrée entreprise ! Les autrices Dominique Durvin et Hélène Prévost ont situé leur pièce dans un lavoir. Des femmes de tout âge et de tout horizon se retrouvent, l’une à côté de l’autre, à taper sur leur battoir pour laver leur linge sale en public. Mais comme il est dit dans la chanson Les Lavandières du Portugal : « Ce n’est vraiment pas des lavoirs […] mais des volières », où ces dames peuvent se livrer en toute liberté.

Le Lavoir - Lazarini © Marion Duhamel
© Marion Duhamel

2 août 1914. L’orage menaçant va exploser, mais ces Picardes ont d’autres chats à fouetter ! Gervaise, Louise, Rolande, Julienne, Rosine, Judith, Henriette, Gilberte, Mathilde, Fadhila, et Suzanne arrivent tour à tour, leur panier débordant de linges. Toinette, la gardienne leur indique leur place sous le regard bienveillant de La mère, celle qui dans le temps occupait son poste.

Toutes ces dames représentent la population féminine d’une petite cité ouvrière de Picardie. Certaines sont usées par la vie. D’autres ont la fraîcheur de leur jeunesse. À part Henriette, la syndicaliste, elles ne s’occupent pas de politique. Hormis Judith, l’Ashkénaze, et Fadilha, la Maghrébine (petite modification habile du rôle d’Émilie par Frédérique Lazarini) qui viennent d’ailleurs, et Gilberte qui est allée à Paris, les autres n’ont jamais quitté leur « pays ». Il faut les entendre exprimer leurs joies et leurs peines quotidiennes, évoquer leurs espoirs et leurs rêves. Elles se volent souvent dans les plumes à cause de vieilles rancœurs ou par jalousie. Mais dès qu’il le faut, elles redeviennent solidaires. À la manière de Zola, pour l’aspect drame social, les autrices tracent de beaux portraits féminins.

La distribution est composée de trois comédiennes professionnelles, et pas des moindres, les épatantes Coco Felgeirolles (la mère), Emmanuelle Galabru (Gilberte, la fille de joie) et Christine Joly (Rosine). Autour d’elles, gravitent des comédiennes amatrices, venues de la coopérative artistique du Théâtre de la Mare, implantée en Essonne. C’est avec une belle sincérité que Murielle Gandais, Evelyne Aguilée, Lily Specht, Clémentine Marcès, Naomi Biton, Lydia Nicaud, Marie-Hélène Larrouturou, Fadhila Cherel, Nathalie Coppolani et Antonin Drouot se sont emparés de ces personnages représentant le peuple. Dans un bel esprit de troupe, sous la houlette de leur metteuse en scène, leurs fragilités se révèlent ici des qualités.

Frédérique Lazarini signe une belle mise en scène, très chorale. Visuellement, on songe aux tableaux des peintres naturalistes, comme Courbet ou Corot. Elle a ajouté des intermèdes musicaux qui réveillent la mémoire des spectateurs, prêts à entonner avec les filles. Ce spectacle d’une grande générosité fait battre le cœur et les mains.


Le Lavoir de Dominique Durvin et Hélène Prévost
Festival Off Avignon
Théâtre du Chien qui fume
75 rue des Teinturiers
84000 Avignon
Du 29 juin au 21 juillet 2024 à 21h15, relâche mercredi
Durée 1h30

Mise en scène de Frédérique Lazarini,
assistée de Lydia Nicaud
Avec Coco Felgeirolles, Emmanuelle Galabru, Christine Joly

et, en alternance, Evelyne Aguilée, Naomie Biton, Zoé Bizeur, Do Bo, Fadhila Cherel, Nathalie Coppolani, Antonin Drouot, Murielle Gandais, Jacqueline Gérard, Marie-Hélène Larrouturou, Clémentine Marces, Lydia Nicaud, Lily Specht
Lumières et scénographie de François Cabanat
Costumes de Dominique Bourde
Création sonore de Michel Lindeneher
Chorégraphie de Catherine Le Cossec

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