Micheline Presle dans L'assassino d'Elio Petri © DR
L'assassino d'Elio Petri © DR

Micheline Presle, notre Sainte Chérie adorée s’en est allée

Le décès de la comédienne, survenu ce 21 février, à ce bel âge de 101 ans, nous attriste. Car au-delà de l’icône, elle représentait une image de la femme, celle qui assumait la liberté de mordre la vie à pleines dents.

Micheline Presle a tourné dans son premier film en 1937 ! Elle n’était alors qu’une gamine de 15 ans. Michèle Morgan, sa « rivale » et son aînée de deux ans, venait à peine de débuter. Elles avaient en commun d’avoir eu pour époux, l’acteur américain William Marshall. Le père de sa fille Tonie Marshall, la réalisatrice et comédienne décédée en 2020. De sa longue filmographie, chacun de nous aura ses films préférés. Dans l’ordre, les miens sont Falbalas de Jean Becker (1944), Boule de suif de Christian-Jacques (1945), Le diable au corps de Claude Autant-Lara avec Gérard Philipe (1947), Peau d’Âne de Jacques Demy (1970), Vénus Beauté de Tonie Marshall (1999)… Il y a le chef-d’œuvre mal connu de Philippe de Broca, Le roi de cœur. Elle y interprétait divinement Madame Églantine, une tenancière de maison close totalement déjantée et si belle. Sa beauté avait quelque chose d’indéfinissable.

Micheline Presle - Le diable au corps de Philippe de Broca © DR
Le roi de cœur de Philippe de Broca © DR

Elle est la première star du cinéma français à avoir compris que la télévision n’était pas un art mineur. En 1965, elle devient pour tous les Français, Ève Lagarde, l’épouse de Pierre (Daniel Gélin), cette femme qui voulait s’émanciper. Cette série, écrite par Nicole de Buron et réalisée par Jean Becker, a connue trois saisons. La dernière s’achève en 1970. Ce qui donna 39 épisodes, qu’on ne se lasse toujours pas de regarder. Micheline Presle incarnait plus qu’une douce bourgeoise folledingue. C’était une femme qui voulait sortir, avec ses moyens et ses idées, du carcan patriarcal.

Sa carrière théâtrale est moins dense, mais si on la regarde de près, très étonnante. Cette grande dame m’avait racontée que c’était sa curiosité qui l’avait poussée à monter sur scène. Quand elle allait en spectatrice assister à un spectacle, ce n’était pas uniquement pour aller voir « les copains ». « J’étais au premier spectacle de Wilson, Chéreau, mais aussi au Splendid. Le café-théâtre fut une sacrée découverte. Il y avait aussi la Cité internationale, le Magic Circus de Savary ». C’est ainsi qu’elle se retrouva à jouer dans Good-Bye Mr Freud de Copi et Savary à la Porte Saint-Martin.

Ce fut la même chose avec Ribes. À la télévision, elle entend parler de ce jeune metteur en scène. Elle s’est rendue au théâtre de Plaisance, un petit lieu alors niché dans le XIVe. Ils ont sympathisé. C’est ainsi, qu’en 1977, elle entre dans la folle aventure des Fraises musclées. Elle ira même dans le Off d’Avignon, jouer au Chapeau Rouge, Contumax de Dorian Paquin, mis en scène par Christian Rauth et Chantal Granier.

Micheline Presle © DR

Dès le premier jour de l’ouverture du théâtre du Rond-Point, sous la direction de Ribes, elle fut de tous les spectacles. Elle n’était pas star pour un sou. Je me souviens d’un soir de première, le Rond-Point était encore tout frais et le désordre régnait un peu. Micheline Presle est devant moi dans la file d’attente pour retirer son invitation. La jeune femme au contrôle, dépassée lui fait répéter plusieurs fois son nom. Jamais, elle n’a montré de l’agacement. Elle a même pris le temps de l’épeler sans perdre le sourire.

C’est en ce lieux, qu’en 2007, elle monta pour la dernière fois sur scène. C’était une lecture, J’entends juste la musique mais pas la mort. Des textes de son amie Sofia Sylvia Zerbib, des petits bouts de vie, de faits divers, dont elle raffolait. Elle n’était pas remontée sur scène depuis 15 ans. Il y avait eu juste avant La Nuit de Valognes de Schmitt en 1991, où elle était magnifique. Boomerang de Myniana en 1990 au Théâtre de la Bastille. Ce qui montre l’éclectisme de cette artiste qui n’a eu de cesse de nous surprendre et de nous séduire.

Je n’oublierais jamais le jour où je suis allée chez elle l’interviewer dans son appartement du Ve arrondissement, son quartier. C’était une Parisienne, une vraie. Je me souviens du jeu de piste pour grimper jusque chez elle. Mais aussi, de Frédo, le maître des lieux qui avait réclamé une marque d’affection avant de me laisser passer. La vedette avait évité avec une grande finesse toutes mes tentatives à vouloir lui dresser un piédestal. Les mots-clefs de son vocabulaire étaient : été, heureux, fantastique, intéressant, fête. Au moment de nous quitter, devant mon cou nu et un rhume pointant, elle avait refusé de me laisser repartir sans me prêter une écharpe. Que je lui ai rendu, le jour de la première au Rond-Point. Ce qui l’avait touché. Merci, Madame, vous étiez une personne rare.


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