Pierre-Yves Charlois - Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes - TMTM © Herve Dapremont

Pierre-Yves Charlois fait battre le cœur des arts de la marionnette

Rencontre avec Pierre-Yves Charlois, directeur du Festival Mondial des Théâtre de Marionnettes de Charleville-Mézières.

Pierre-Yves Charlois - Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes - TMTM © Herve Dapremont

À la tête depuis 2020 du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières, et depuis 2022 à celle de l’Institut National et de l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette, Pierre-Yves Charlois, riche de ses expériences précédentes, à la Philharmonie, à l’auditorium du Louvre et à Spectacle Vivant en Bretagne, porte avec lui un nouveau souffle, mais aussi d’un appétit et une curiosité pour la diversité et l’éclectisme. Rencontre. 

© Hervé Dapremont

Quel est votre rapport à l’art de la marionnette ?

Pierre-Yves Charlois : C’est un art pluriel, un art total. Je pense que c’est un des arts aujourd’hui des plus créatifs, qui est en capacité de convoquer et de donner à voir l’ensemble des disciplines. Il y a forcément de la chorégraphie, puisqu’on voit les manipulateurs se mouvoir. Il y a de la dramaturgie, il y a de la musique, il y a de la lumière. C’est du théâtre d’ombres, de papier, de matière. Tout est possible avec la marionnette. C’est ça qui m’intéresse vraiment dans cet art. C’est l’éventail des possibles. Et puis, il y a cette dimension festivalière. Dans le mot festival, il y a fête, il ne faut pas l’oublier ! Il y a également la dimension internationale. On travaille avec des gens du monde entier. Et c’est ça qui m’intéresse aussi.

Comment la marionnette, est-elle arrivée dans votre parcours ?
Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes © A. Thome
Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes – La place de l’église © A. Thome

Pierre-Yves Charlois : Je viens de la musique. J’ai un master en administration et gestion de la musique. J’ai commencé aux Eurockéennes de Belfort. Ensuite, j’ai travaillé à la Cité de la musique à Paris, aujourd’hui la Philharmonie. J’ai fait de la programmation à l’Auditorium du Louvre. Puis j’ai quitté Paris pour un poste en agence régionale en Bretagne. Avant de devenir directeur adjoint de cette agence, j’étais conseiller musique. Ce qui signifie que j’accompagnais les musiciens ou les équipes artistiques musicales dans leur développement. Quand vous êtes directeur adjoint d’une agence régionale consacrée au spectacle vivant, cela signifie que vous devez aussi vous intéresser aux autres disciplines, comme le cirque, la danse, les arts de la rue et la marionnette. Il faut savoir que la Bretagne est comme la région Grand Est, une terre de marionnettes. C’est comme ça que je suis arrivé à la marionnette. En me décentrant de la musique pour aller dans des agences régionales qui sont vraiment pluridisciplinaires, cela m’a permis de découvrir un éventail beaucoup plus ouvert, beaucoup plus important. La marionnette convoque tout ça. Je venais à Charleville-Mézières, au festival, en tant que professionnel. J’ai accompagné les artistes bretons, en 2013, 2015, 2017 et 2019. Et puis il y a eu cette opportunité de prendre la direction du festival.

La marionnette est présente à Charleville tout le temps. Il y a une École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette. En assistant aux spectacles des élèves de la 13e promotion, on se rend compte que c’est un art qui va vraiment bouger, intégrant les technologies d’aujourd’hui. Lorsque l’on pense marionnette, il faut sortir de l’image d’Épinal, de la marionnette avec des fils !

Pierre-Yves Charlois : Je vous remercie de le souligner. C’est vrai qu’on reste souvent sur cette image d’Épinal, alors que c’est un art beaucoup plus riche et tellement plus divers. J’évoquais tout à l’heure les matières et les techniques. On pourrait aussi parler du cinéma. Je pense à Annette de Leos Carax, dont le personnage central est une marionnette créée par La Pendue, film présenté et primé il y a deux ans au Festival de Cannes… Tout ce qui est animation entre également dans les arts de la marionnette. Je pense qu’à l’ENSAM, on pourrait tout à fait travailler avec des écoles de cinéma ou d’animation. La marionnette ne se résume pas à la construction d’un pantin en bois.

Il y a aussi l’objet…
Exit B - Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes © Pierre Nouvel
Exit B spectacle de la 13e promotion de l’ENSAM – FMTM © Pierre Nouvel

Pierre-Yves Charlois : Le théâtre d’objets, bien sûr. La marionnette, ce n’est pas simplement un objet anthropomorphique. C’est la capacité de donner la vie, de donner l’existence à quelque chose d’inanimée pendant un temps éphémère. Cette année, je programme Macarena Recuerda. C’est une performeuse. Il n’y a pas de marionnette à proprement parler. L’artiste transforme la scène toute entière en machine géante. Comment donne-t-on la vie ? Comment développe-t-on cette vie-là ? La marionnette est quelque chose d’hyper-métaphysique. C’est vraiment une question de vie et de mort.

C’est pour ça que ça fait peur à beaucoup de gens ?

Pierre-Yves Charlois : Je le pense vraiment.

Comment élaborez-vous votre programmation qui est très dense et très variée ?

Pierre-Yves Charlois : Ce festival a une double responsabilité. La première est artistique et professionnelle. Nous sommes vraiment la figure de proue de la filière mondiale de la marionnette. On est un peu le phare, le référent. La seconde est sociale et territoriale. Nous sommes l’image d’une ville et de ses alentours. Ce festival appartient aux carolomacériens. Si on a 600 bénévoles, c’est bien parce que la manifestation fait partie de l’ADN du territoire. Ça donne aussi une force fédératrice qui doit continuer d’irriguer tout au long de l’année. J’appelle ça la permanence artistique. J’ai lancé les « Barionnettes », c’est-à-dire des marionnettes dans les bars, une fois par mois. C’est un carton ! Les gens adorent. Les artistes aussi ! Et les étudiants de l’école aussi ! Cela leur donne l’occasion d’expérimenter des choses.

Combien d’étudiants accueillent l’école ?

Pierre-Yves Charlois : L’actuelle promotion qui est la 13e est composée de 16 étudiantes et étudiants. Ils entament leur troisième et dernière année. A la rentrée prochaine nous accueillerons les nouveaux, celles et ceux de la 14e promotion.

Revenons à la programmation…

Pierre-Yves Charlois : On se doit, pour les deux responsabilités que j’ai évoquées, d’avoir une photographie de la création marionnettique à l’échelle mondiale. Donc une diversité de techniques, d’origines géographiques et ce pour tous les publics : les tout-petits, les plus grands, les adultes. Et puis une diversité de formes : des grandes formes, des spectacles pour une personne, des spectacles dans des lieux atypiques. On construit à partir de là, avec au préalable une exigence artistique dans la démarche, dans le propos, dans la réalisation, dans l’intention.

Donc vous sillonnez le monde entier ?

Pierre-Yves Charlois : Cette année, un peu moins parce que j’ai pris il y a un an la direction de l’École et de l’Institut. Préparer le festival et m’engager dans cette nouvelle direction a contraint mes déplacements. Mais oui, bien sûr, il faut se déplacer pour voir aussi comment fonctionnent les autres. Ça donne des idées. Je le redis, dans le mot festival il y a fête, et je pense que la convivialité qu’offre cette manifestation est aussi importante pour son image. Je tiens beaucoup à ce que les artistes, les festivaliers, les salariés et les bénévoles, s’y sentent bien.

Beaucoup de spectacles affichaient déjà complet, dès le premier week-end…

Pierre-Yves Charlois : Pour vous dire la vérité, il reste 6 000 places à vendre sur les 58 000.

Cela montre qu’il y a une grande appétence. Qui sont ces festivaliers ?
Les Irréels - Cie Créature - Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes © A. Thome
Les Irréels de la Cie Créature © A. Thome

Pierre-Yves Charlois : En 2021, les chiffres montraient que l’on était à 50 % local, 30 % national et 20 % international. Mais pour ces derniers, nous étions en pleine crise sanitaire. Pour cette édition, nous accueillons environ 450 professionnels qui viennent du monde entier. L’Institut Français nous fait l’honneur d’un focus : cela représente 40 professionnels du monde entier qui verront 10 spectacles par jour. Cela donne une très belle visibilité au festival.

Vous êtes déjà en train d’imaginer 2025 ?

Pierre-Yves Charlois : Oui, tout à fait. J’aimerais bien faire un focus balte ainsi qu’un focus indonésien. Le festival a déjà engagé quelques coproductions.

Cela se prépare donc très en amont ! Deux ans cela passe vite. Lors de sa création, le festival avait lieu tous les quatre ans, c’est ça ?

Pierre-Yves Charlois : Ça a été un peu indécis au départ. Il y a eu 1961, 1966, 1972. Et après, ça s’est stabilisé effectivement tous les trois ans. Et depuis 2009, c’est une biennale, les années impaires.

En 2021, date de votre arrivée à la direction du FMTM, le covid avait compliqué les choses…

Pierre-Yves Charlois : En effet, comme pour tout le secteur culturel, 2021 a été une particulière. Le Off du Off, qui se déroule dans les rues, avait été interdits par le préfet pour des raisons sanitaires tandis que les spectacles en salle étaient soumis au pass sanitaire. Il n’y avait dans la rue que deux installations Place Ducale, organisées par le Festival.Il n’y a eu aucun cas de Covid, en tout cas pas de cluster, rien du tout. Cela a été certifié par la préfecture 15 jours après la fin du festival. En revanche, il n’y avait pas la profusion habituelle du off du off, qui participe de l’ambiance du festival. Cette année nous retrouvons les initiatives individuelles, dans la rue, dans les bars. Il y a une émulation et c’est génial.

Propos recueillis par Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Charleville-Mézières

22e édition du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes
08000 Charleville-Mézières
Du 16 au 24 septembre 2023.

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