Sous les fleurs de Thomas Lebrun - CCN de Tours © Frédéric Iovino

Sous les fleurs, la bouleversante transe-danse au-delà du genre de Thomas Lebrun

Dans le cadre de la 12e édition du Festival Tours d’Horizons, Thomas Lebrun présente sa toute dernière création, une fresque extatique d’une rare beauté picturale.

Sous les fleurs de Thomas Lebrun - CCN de Tours © Frédéric Iovino

Dans le cadre de la 12e édition du Festival Tours d’Horizons, le directeur du CCN de Tours présente sa toute dernière création, une fresque animée puissante et extatique d’une rare beauté picturale. Donnant vie à l’œuvre de Frida Kahlo, il invite à une plongée apnéique dans le petit monde de la communauté Muxe, troisième genre reconnu au Mexique, et esquisse le portrait d’un être féminin-masculin des plus troublants.

© Frédéric Iovino

Devant le théâtre Olympia, CDN de Tours dirigé par Jacques Vincey depuis 2014, c’est l’effervescence. Spectateurs de tous âges sont venus en nombre. Thomas Lebrun, le chorégraphe tourangeau de cœur, investit la scène et propose un voyage immobile vers le Mexique, à la rencontre des vivants, des morts, d’êtres de lumière navigant avec une aisance folle entre masculin et féminin. L’occasion pour l’artiste de poursuivre son exploration des marges du monde et de rendre hommage aux Muxes, une communauté d’hommes du Sud-Est du Mexique qui s’habillent du traditionnel huipil enguana, sorte de chasuble brodée de fleurs ou de motifs géométriques portée sur une longue jupe, et endossent au sein de la famille et de la société des rôles dévolues normalement aux femmes.

L’ombre de Frida 
Sous les fleurs de Thomas Lebrun - CCN de Tours © Frédéric Iovino
© Frédéric Iovino

Difficile de parler du Mexique sans évoquer l’une de ses plus iconiques gentilées, Frida Kahlo. La peintre, facilement reconnaissable à ses couronnes de fleurs dans ses cheveux noirs, ses robes bigarrées, est partout dans les cœurs et les esprits. Thomas Lebrun ne déroge pas à la règle. On trouve l’artiste dans les moindres recoins, les plus petits détails, les mouvements minimalistes et ralentis.

Bisexuelle, libre, refusant les diktats, se vêtant et se peignant en homme, tout en revendiquant ses racines ainsi que sa féminité exacerbée, elle semble, dans une sorte de Día de los Muertos, se réincarner au plateau à travers ses doubles « trans » au port de têtes majestueux, aux visages fardés, aux tenues chamarrées. À la manière d’un étendard identitaire, iels portent « belle » la quintessence de ce féminin sublimé, essence même de leur singularité, de leur place dans une société qui les accepte ainsi bien au-delà de la notion de genre.

Entre rêve et réalité

Jamais où on l’attend, après les stigmates d’Hiroshima et les mots de Duras, le chorégraphe questionne le rapport des occidentaux à la virilité, imagine un poème documentaire destiné à éveiller les esprits d’un monde patriarcal qui se replie sur lui-même et ouvre ainsi la voie, par le biais de cultures ancestrales d’ici mais surtout, d’ailleurs à d’autres paradigmes sociétaux. Avec l’acuité qu’on lui connaît, l’intelligence de plateau, il invite à pousser les portes de la Casa Azul, à se balader aux confins de la binarité, à se laisser porter par la beauté d’un geste volontairement extatique. Dans un univers très coloré, les cinq interprètes se meuvent à pas comptés, prennent la pause, puis reprennent leur lente déambulation. Plongeant dans l’intimité de ces hommes avec une délicatesse extrême, Thomas Lebrun tisse des récits de vies confronte des regards et signe une œuvre ciselée, graphique, qui transcende les corps dégenrés et leur offre un écrin de toute beauté pour s’épanouir.

Traversés par les mélodies de La Bruja de Texcoco, chanteur mexicain actuel, de trio Monte Alban oudu Banda Regional Princesa Donashii, ainsi que par les musiques opératiques de Berlioz, Antoine Arbeit, Raphaël Cottin, Arthur Gautier, Sébastien Ly et Nicolas Martel habitent le plateau, le font vibrer imperceptiblement par l’intensité de leur présence. Mais c’est avec Kid d’Eddy de Pretto que la scène s’embrase d’un feu sous-jacent qui révèle tout l’éclat sélénique de cet ardent Sous les fleurs. Le public ne s’y trompe pas. Comme un seul être, ni homme, ni femme, il se lève et applaudit à tout rompre… Sidérant !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Tours 

Sous les fleurs de Thomas Lebrun
Tours d’Horizons – CCN de Tours 
Théâtre Olympia 
7 Rue de Luce
37000 Tours

du 5 au 8 juin 2023
durée 1h10

Tournée 
le 10 décembre 2023 au Festival de Danses Cannes
les 18 et 19 janvier 2024 au Manège, scène nationale de Reims
le 15 février 2024 aux Espaces pluriels, scène conventionnée d’intérêt national, Pau
Le 20 mars 2024 au Gymnase CDCN, Roubaix
le 3 au 6 avril 2024 à Chaillot – Théâtre national de la Danse, Paris
le 11 avril 2024 au Zef, scène nationale de Marseille
le 14 mai 2024 à L’Équinoxe – Scène nationale de Châteauroux
le 16 mai 2024 à La Maison, maison de la culture de Nevers Agglomération

Chorégraphie de Thomas Lebrun
avec Antoine Arbeit, Raphaël Cottin, Arthur Gautier, Sébastien Ly, Nicolas Martel
Création lumières de Françoise Michel
Création son de Maxime Fabre
Création costumes de Thomas Lebrun, Kite Vollard
Régie générale de Xavier Carré
Régie son de Clément Hubert
Assistante sur le projet – Anne-Emmanuelle Deroo
Chercheur anthropologue :Raymundo Ruiz González
Remerciements : Felina Santiago Valdivieso, Benito Hernandez

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