Marinette Dozeville © Benoît Pelletier

Nuit Blanche : Marinette Dozeville réinvente au féminin la figure de Don Quichotte 

Dans le cadre de la Nuit Blanche et en partenariat avec le MAIF Social Club, Marinette Dozeville investit le 3 juin prochain, le Square Léopold-Achille.

Marinette Dozeville © Benoît Pelletier

Dans le cadre de la Nuit Blanche et en partenariat avec le MAIF Social Club, la chorégraphe Marinette Dozeville investit le 3 juin prochain, le Square Léopold-Achille. Artiste engagée, elle revisite avec huit danseuses et activistes la célèbre œuvre de Cervantès pour la peupler de figures chevaleresques femmes et personnes non binaires. Une performance qui questionne le collectif et la sororité ! 

© Benoît Pelletier

Comment est née cette envie de vous emparer au féminin du mythe de Don Quichotte ? 

Marinette Dozeville : Avant d’aborder cette nouvelle création, il est important de contextualiser la démarche au long cours dans laquelle elle s’inscrit. Depuis maintenant une dizaine d’années, mon travail de chorégraphe a pour prisme principal la représentation des femmes dans nos sociétés et dans nos imaginaires collectifs. Avoir une perspective féministe sur les sujets que j’aborde est le terreau qui nourrit mon processus artistique. Depuis 2020, j’ai entamé un nouveau cycle sur la représentation des femmes dans leur dimension collective. La première pièce, issue de cette réflexion, BREAKING THE BACKBOARD, était une performance que j’ai co-signé, avec le plasticien Fréderic Xavier Liver pour une équipe de basketteuses professionnelles. Puis, est née l’année suivante AMAZONES, un septuor de danseuses librement inspiré du roman-poème Les Guérillères de Monique Wittig, en collaboration cette fois-ci avec une autre autrice féministe queer, luvan. Le spectacle sera d’ailleurs présenté cet été à la Scierie, dans le cadre du Festival OFF d’Avignon, dans la sélection de la Région Grand-Est. C’est dans cette continuité de récits autour de la dimension solidaire et collective de groupes de femmes, que le projet autour de ces QuichotteS a vu le jour. Il se décline en deux parties, totalement indépendantes, mais abordant les mêmes thématiques, l’une imaginée pour l’extérieur, que l’on pourra découvrir le 3 juin, et l’autre pour l’intérieur, qui sera créée en novembre 2024 au Manège de Reims. 

De quelle manière avez-vous retravaillé le mythe ?
C'est comme ça que don Quichotte décida de sauver le monde de Marinette Dozeville © Marie Maquaire
© Marie Maquaire

Marinette Dozeville : L’important était de se réapproprier d’un point de vue féministe ce mythe fondateur de la littérature du début du XVIIe siècle, de revisiter nos imaginaires à partir d’un autre point de vue : et si Don Quichotte avait été une femme… Afin de décliner ce personnage, j’ai fait le choix de travailler avec huit interprètes femmes et personnes non-binaires, de 23 à 60 ans, venant toutes d’horizons et de cultures très différentes. Certaines sont danseuses professionnelles, d’autres activistes, mais toutes avaient l’envie de se servir de leur corps pour s’exprimer. À partir d’un matériel, d’une base que je leur ai fourni au tout début des répétitions, nous avons commencé à confronter nos expériences et récits de vie, à appréhender plusieurs pistes, plusieurs courants esthétiques, à slalomer en permanence entre singularités et collectif, afin de modeler un autre récit, d’autres représentations, celles que vous pourrez voir samedi. 

Vous partez d’un roman, y aura-t-il du texte dans votre pièce ? 

Marinette Dozeville : Un peu, mais ce n’est quasiment que du mouvement. Au tout début du processus créatif, je n’avais absolument pas envisagé laisser de place aux mots, mais au fil des répétitions, qui ont beaucoup laissé la part belle à un travail de laboratoire et échanges de pratiques, des productions textuelles sont arrivées, et je trouvais intéressant que certaines de ces paroles puissent être entendues. Les mots sont ainsi égrenés dans la bande-son. J’en profite pour saluer la création musicale qui est de Fanny Lasfargues.

En quelques mots, en quoi consiste votre processus créatif ? 
C'est comme ça que don Quichotte décida de sauver le monde de Marinette Dozeville © Marie Maquaire
© Marie Maquaire

Marinette Dozeville : En général, je travaille beaucoup sur la dimension collective, même quand il s’agit de créer un solo. C’est important pour moi d’appréhender le mouvement en écho à une problématique, et de me nourrir de son environnement, des personnes qui y gravitent, et de ses références littéraires. Pour, c’est comme ça que don Quichotte décida de sauver le monde, la notion de solidarité et de collectif est au cœur de la pièce. Pour « sauver le monde », elles décident d’être et d’agir ensemble. Afin de dépasser notre vision archétypale de l’imagerie chevaleresque, les QuichotteS n’ont d’autres choix que de faire corps collectif et de questionner l’amour au sens sororal du terme. C’est passionnant de déplacer nos curseurs sociaux, de sortir du cadre patriarcal pour proposer autre chose.

C’est la première fois que vous créez pour un espace non dédié à un spectacle ? 

Marinette Dozeville : C’est très différent de ce que j’ai l’habitude de faire. Cela demande une souplesse et plasticité d’écriture particulière, car nous sommes obligés de nous adapter à l’environnement, d’entrer en écho avec lui, de questionner l’espace différemment. L’adresse au public n’est absolument pas la même que l’on soit en extérieur ou dans une boîte noire. Pour se connecter aux spectateurs, l’implication est très différente. Je dirais qu’elle demande à être plus soutenue. Et puis en fonction du lieu, que ce soit une plage comme à Port-Saint-Louis-du-Rhône le week-dernier, dans le cadre d’une avant-première organisée avec l’aide du Citron jaune – Centre National des Arts de la Rue & de l’espace public, ou dans un square, on ne convoque pas les mêmes imaginaires. 

Comment s’est fait le rapprochement avec le MAIF Social Club ?
C'est comme ça que don Quichotte décida de sauver le monde de Marinette Dozeville © Marie Maquaire
© Marie Maquaire

Marinette Dozeville : On s’est rencontré autour d’autres projets. Au départ, il était question de partir sur un projet participatif, un bal. C’était en tout cas le souhait de l’ancienne directrice Chloé Tournier, qui a pris depuis peu la tête de la Garance – Scène nationale de Cavaillon. Pour des raisons d’emploi du temps, cela n’a pas été possible. Mais comme nous avions beaucoup parlé avec l’équipe du MAIF Social Club, qui était venue voir, une de mes autres pièces, Ma vie est un clip, il y avait l’envie de travailler ensemble. De là, spontanément, nous nous sommes rencontrés avec Florent Héridel. Son souhait avec la programmation de cette pièce était de faire écho à la première exposition qu’il portait, Le Chant des forêts. En discutant ensemble, est née l’idée de porter avec mes QuichotteS une dimension éco-féministe. 

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

C’est comme ça que don Quichotte décida de sauver le monde de Marinette Dozeville
Nuit Blanche
MAIF Social Club
Square Léopold-Achille
5 rue du Parc Royal 
75003 Paris

le 3 juin 2023
durée 1h

Chorégraphie de Marinette Dozeville
avec Dominique Le Marrec, Flozif, Justine Agator, Lora Cabourg, Paola Daniele, Sijia Chen, Lalla Kowska Régnier (Acte 1)
Collaboratrice artistique -Rachele Borghi
Créatrices lumières – Louise Rustan et Agathe Geffroy

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