Dark was the Night d'Emmanuel Meirieu © Pascal Gely

Le voyage poétique d’Emmanuel Meirieu questionne notre rapport au monde de demain

Dark was the night (Sombre était la nuit) d’Emmanuel Meirieu, un spectacle dense, où il est question du passé, du présent, de l’avenir, du racisme et d’écologie.

Dark was the Night d'Emmanuel Meirieu © Pascal Gely

Découvert en novembre dans cette magnifique scène nationale de Châteauvallon-Le Liberté, Dark was the night (Sombre était la nuit) d’Emmanuel Meirieu s’installe, dans le cadre du festival des Théâtrales Charles Dullin, au Théâtre des Quartiers d’Ivry, avant de poursuivre sa route à travers la France. Un spectacle dense, où il est question du passé, du présent, de l’avenir, du racisme et d’écologie.

Pendant le confinement, alors qu’il cherchait « des récits d’évasion, de grands espaces, de paysages infinis à partager », Emmanuel Meirieu est tombé sur une histoire véridique. Imaginez : en 1977, des astronomes gravent sur un disque d’or les images et sons, qui, pour eux, représentent notre civilisation. Ils l’accrochent à un vaisseau spatial et l’envoient dans l’espace, frontière de l’infini ! Ce navire ne s’appelle pas l’Entreprise mais Voyager, et aucun humain n’est aux commandes pour ce star trek, cette promenade dans les étoiles. Imaginez la route qu’il a parcouru depuis 45 ans ! Et il n’a pas fini. Et si un jour des extraterrestres l’interceptent, que vont-ils trouver ? Une trace de notre histoire qui n’est déjà plus la nôtre ?

Vois comme le monde, le monde est beau
Dark was the Night © Pascal Gely

Voilà ce qui nourrit, en partie, ce spectacle très dense. Celui-ci démarre sur le rideau fermé où est projeté le passage à l’Eurovision de la gagnante de 1977, Marie Myriam avec L’Oiseau et l’Enfant. Suivront les images envoyées dans la galaxie. En voix off, un homme raconte comment, enfant, il a participé à l’enregistrement de ce disque d’or. Ses parents astronautes, qui ont contribué à son élaboration, l’ont intégré à l’aventure. Le plus beau souvenir de sa vie. Quand le rideau s’ouvre, on le retrouve aujourd’hui, apiculteur, se débattant avec les ravages de la pollution. Dans sa forêt, qui a vu sur les étoiles, l’homme (épatant François Cottrelle) se souvient et fait le point. Le monde n’est pas allé en s’arrangeant !

Le blues, ça veut dire que je t’aime

L’autre partie du spectacle s’intéresse à l’histoire de Blind Willie Johnson. Un musicien mort en 1949 dans la misère absolue parce qu’il était noir, pauvre et aveugle. Il a été enterré comme un chien et sa tombe n’a jamais été retrouvée. Pourtant, son blues magnifique, Dark Was the Night, Cold Was the Ground (« sombre était la nuit, froide était la terre »), se promène dans l’univers pour l’éternité. Aujourd’hui, un homme (émouvant Jean-Erns Marie-Louise) recherche désespérément, dans les détritus du terrain vague, ses ossements. Il veut ainsi lui rendre sa dignité. Alors, il raconte la ségrégation, le racisme, nous rappelant que la menace des extrêmes fait planer sur nous un dangereux retour en arrière !

Une leçon d’humanité
Dark was the Night © Pascal Gely

Ces récits s’entremêlent et forment une symphonie entre ciel et terre, rythmée par les chants de l‘artiste congolais Nicolas Moumbounou. Il arrive que l’on se perde dans les propos de Meirieu. Mais ces échappées de notre attention sont souvent le résultat de divagations de notre esprit à travers notre monde intérieur. Un souvenir en amène un autre, plus personnel. Ainsi, le texte comporte une poésie qui touche et bouleverse. Allons-nous vraiment réussir à construire ce monde meilleur ?

Une scénographie grandiose

Incontestablement, la grande magie de ce spectacle réside dans sa scénographie monumentale. Quand le rideau s’ouvre et que nous la découvrons, nos yeux n’en reviennent pas. La scène est coupée en deux, mais pas complètement : les deux univers se rejoignent en leur centre. Côté jardin, une magnifique forêt faite d’arbres qui se fondent dans l’infini. Côté cour, un panneau publicitaire usé par l’érosion des intempéries et du temps qui a passé. Dessous, un amas de sacs plastiques, de détritus, de déchets de notre société. Voilà ce que des aliens curieux de découvrir notre planète trouveraient, s’ils venaient maintenant. Bouleversant !

Marie-Céline Nivière

Dark was the night, texte et mise en scène d’Emmanuel Meirieu.
Dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin.
Théâtre des Quartiers d’Ivry.
Manufacture des œillets – La Fabrique / Salle Adel Hakim
1, place Pierre Gosnat
94200 Ivry.
Du 8 au 14 décembre 2022.
Du mardi au vendredi à 20h, samedi 18h, dimanche 16h.
Durée 1h40.

Tournée :
10 janvier 2023 au Quai des Arts Argentan (61).
12 janvier 2023 au DSN Dieppe, Scène nationale (76).
17—18 janvier 2023 Les Scènes du Golf Théâtres de Vannes et Arradon (56).
20—21 janvier 2023 au Théâtre l’Air Libre CPPC, Scène conventionné Rennes (35).
24—25 janvier 2023 au théâtre Malraux, Scène nationale Chambéry Savoie (73).
31 janvier—04 février 2023 aux Célestins, Théâtre de Lyon (69).
07 février 2023 au Carré, Scène nationale de château Gontier (53).
15—19 février 2023 à la Comédie de Genève (Suisse).
21 février 2023 à la Maison des arts de Thonon (74).
09—19 mars 2023 aux Gémeaux, Scène nationale de Sceaux (92).
21 mars 2023 à la Scène nationale de Bayonne (64).

Avec Stéphane Balmino, François Cottrelle, Jean-Erns Marie-Louise, Nicolas Moumbounou, Patricia Pekmezian.
Musique originalede Raphaël Chambouvet.
Décor de Seymour Laval, Emmanuel Meirieu.
Costumesde Moïra Douguet.
Lumière de Seymour Laval.
Son de Felix Muhlenbach.
Maquillage d’Emmanuelle Gendrot.
Vidéo d’Emmanuel Meirieu.
Régie plateau Camille Lissarre.
Collaboration artistiqueThibault Roux.

Crédit photos © Pascal Gely

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