Marion 13 ans pour toujours ©Jérôme Dominé

Marion 13 ans pour toujours, l’enfance volée

Valérie Da Mota et Frédéric Andrau adaptent pour la scène Marion 13 ans pour toujours, l’histoire d’une adolescente harcelée au collège qui n’eut que le suicide pour porte de sortie à ce cauchemar.

Valérie Da Mota et Frédéric Andrau et ont adapté pour la scène le livre de Nora Fraisse et Jacqueline Rémy, Marion 13 ans pour toujours, l’histoire d’une adolescente harcelée au collège qui n’eut que le suicide comme unique porte de sortie à ce cauchemar. Ce spectacle utile et nécessaire est à découvrir aux Déchargeurs.

Une jeune fille arrive sur scène puis vient dans la salle et regarde les spectateurs, souriante. Avec ses longs cheveux roux, sa silhouette fine, elle a la beauté d’un Botticelli ou d’un Vermeer. Son teint diaphane, sa démarche presque flottante, ses deux grands yeux arrondis d’espoir et de perplexité, nous font comprendre qu’elle vient nous rendre visite, non pas pour nous hanter, mais pour dire de ne pas l’oublier. Elle s’appelle Marion, sa vie à déraper et personne ne l’a comprise. Disons-le de suite, la jeune comédienne qui redonne vie à cette jeune fille en devenir, Nina Thiéblemont, est prodigieuse. Dix-huit ans, un bel âge pour incarner une gamine de treize ans ! Elle a encore dans la mémoire et le corps les souvenirs de cette période d’entre-deux qu’est l’adolescence.

Les chers amis

Marion 13 ans pour toujours ©Jérôme Dominé

L’histoire de Marion est véridique. Sa mère, Nora Fraisse, à travers un livre, a choisi de témoigner pour combattre ce fléau qu’est le harcèlement scolaire. N’oublions pas qu’il touche un élève sur dix en France ! Mais, diriez-vous, tous ne se donnent pas la mort ? Alors pourquoi Marion a-t-elle choisi cette solution irrémédiable ? Le suicide est un acte qui laisse toujours des questions sans réponse. Qu’est-ce que l’on n’a pas vu, pas compris ? Par sa construction, non linéaire, l’adaptation théâtrale de Frédéric Andrau et Valérie Da Mota explore ce qui a pu pousser cette jeune fille, mise à l’isolement par ses camarades, à perdre l’envie de vivre. Ce qui est troublant, c’est qu’ils arrivent à faire entendre les silences de Marion, qui ne peut mettre de mots sur ce qu’elle ressent. Ces silences qui finalement sont des cris !

Devoir de mémoire

Gardant le principe du livre, qui est la voix d’une mère qui s’adresse à sa fille, on se retrouve plongé au cœur même de ce qu’ont vécu les parents de Marion qui cherchent à comprendre, à obtenir des réponses à leurs questions. Ils s’adressent aux souvenirs de leur fille, à ceux des jours heureux, à ceux des jours malheureux, tentant ainsi de recoller les morceaux pour trouver enfin la force de s’occuper des vivants.
C’est également à elle qu’ils racontent leur enquête sur les raisons de son départ, les non-dits et les troubles que cela a jeté. Valérie Da Mota et Renaud Le Bas sont remarquables, incarnant sans pathos les parents et se glissant subtilement dans les autres personnages qui forment la chaîne de ceux qui n’ont rien pu empêcher, ceux qui portent une responsabilité. Et l’on voit avec quelles logiques et quelles maladresses tout s’est enchaîné. Nous sommes assaillis de questions parce que cela nous tend un miroir d’une société en perte de repère, où tout va trop vite, où la violence prend pernicieusement une place qu’elle ne devrait pas avoir. Qu’est-ce qu’on a raté dans notre volonté de vouloir un monde meilleur ?

Les mots pour le dire

Marion 13 ans pour toujours ©Jérôme Dominé

La mise en scène de Frédéric Andrau joue sur l’abstrait qui tend vers un langage poétique. Pas besoin d’un structure narrative classique pour toucher nos sentiments et notre entendement, nous sommes dans la distanciation. Un banc, des lumières (magnifique ouvrage de Stéphane Baquet), un téléphone portable, cela suffit à mettre en route notre pouvoir d’imaginer et de saisir ce qui se trame. On passe avec aisance d’un point de vue à l’autre, celui des parents, de Marion et de l’entourage.
Le metteur en scène réussit ainsi à nous obliger à réagir, intellectuellement comme émotionnellement. Je vous assure qu’à la sortie du spectacle, les débats font rage, chacun y allant de son ressenti et de ses réflexions. Il est dommage que le théâtre ait programmé ce spectacle à une heure si tardive qui empêchera certainement aux professeurs d’y amener leurs élèves. Il était aussi pour eux, ce spectacle, pour qu’ils comprennent avec nous, les adultes, qu’à treize ans on doit avoir la vie devant soi et rien d’autre.

Marie-Céline Nivière

Marion 13 ans pour toujours de Nora Fraise et Jacqueline de Rémy
Festival Off AvignonLa Pierre de Lune / Quartier Luna
3 Rue Roquille 84000 Avignon.
Du 7 au 29 juillet 2023 à 10h15, relâche les lundis.

Durée 1h.

Les Déchargeurs
3, rue des Déchargeurs 75001 Paris
Du 30 mars au 23 avril
Du mercredi au samedi à 21h15

Adaptation de Frédéric Andrau et Valérie Da Mota
Mise en scène de Frédéric Andrau
Avec Valérie Da Mota, Renaud Le Bas, Nina Thiéblemont
Création lumières de Stéphane Baquet
Création sonore de Thomas Lefevre

Crédit photos ©Jérôme Dominé

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