© Smith

Les Vagamondes de Mulhouse, festival sans frontières

Pour sa dixième année, le festival des Vagamondes, installé au sein de la Filature de Mulhouse et des lieux partenaires, met à l'honneur la thématique des frontières dans une édition foisonnante, qui dessine l'avenir du lieu.

Pour sa dixième année, le festival des Vagamondes, installé au sein de la Filature de Mulhouse et dans les lieux partenaires, met à l’honneur la thématique des frontières dans une édition foisonnante qui dessine l’avenir du lieu.

Pour Benoît André, qui a pris en 2020 la direction de la Filature – scène nationale de Mulhouse, ce dixième festival des Vagamondes a presque tout d’une première, après l’édition dématérialisée de 2021. L’occasion d’expérimenter une formule renouvelée de ce festival consacré aux cultures du Sud par sa créatrice Monica Guillouet-Gélys et qui ouvre désormais son champ au monde entier autour du thème des frontières. Que celles-ci soient géographiques, mais aussi culturelles, symboliques ou sociales, elles ne sont ici sollicitées que dans le but d’être franchies.

Smith, photographe transitoire

Décrire les traversées possibles entre différentes identités de genre, c’est ce que fait la photographie mutante de Smith, nouvel « artiste complice » de la Filature mis à l’honneur au sein d’une exposition monographique retraçant, de 2008 à 2019, son travail de photographe et de vidéaste. On peut classer Smith parmi les porte-étendards des identités queer et trans dans le paysage photographique français, mais son projet ne s’y limite pas. Il faut voir, dans ses œuvres, l’état transitoire qui unit de la même manière personnes, objets et paysages, l’indétermination vaporeuse dans laquelle il saisit des personnages transgenre de même que des statues soviétiques figées et perdues dans l’Ukraine contemporaine. Irréductibles à la seule idée de représentation, les tirages sont insaisissables en dehors de leur matérialité, imprimés sur des supports métalliques et irisés, changeant selon la lumière et la position du spectateur.

Le métissage joyeux de Sofiane Saidi

Le Cabaret de l'espace de Sofiane Saidi, photo Miguel Santos, design Agence Buildozer

Si le choix de la soirée d’ouverture est doté d’une symbolique particulière, il faut donc placer ces Vagamondes sous le signe d’un métissage joyeux et festif. Le Cabaret de l’espace de Sofiane Saidi porte les couleurs d’une musique orientale futuriste et hybride, et invite une troupe de chanteurs sur des sons teintés électro, rock et raï. Oum chante des airs traditionnels avec intensité et grâce, Flèche Love fait l’acrobate entre l’anglais et l’arabe, Malik Djoudi fait résonner sa voix limpide et haut perchée, presque disco, qui évoque les belles heures de la pop francophone. Tous se réunissent pour chanter Les gens qui doutent d’Anne Sylvestre. Puis Saidi laisse la piste aux deux DJ d’Acid Arab, accompagnés de Cheikha Hadjla, véritable fulgurance sur scène, parfaitement auto-tunée, qui chante de sa voix grave et sidérante des airs de raï sur les beats imparables du duo parisien.

Panorama

Impulso de Rocío Molina © Mehdi Benkler

Cette édition, à la programmation large et ouverte, se veut un panorama des fils rouges que la Filature entend explorer dans les années à venir. En tant qu’artiste associé, Smith participera notamment à canaliser ce foisonnement de propositions autour des questions liées à l’identité et au genre. Jusqu’au 27 mars, on passera des réflexions sur le rapport homme-machine proposé dans Huang Yi & KUKA, une rencontre chorégraphique entre l’artiste et un robot, au flamenco contemporain de l’Impulso de Rocío Molina, fruit d’une collaboration sur commande entre la bailaora andalouse et le groupe palestino-polonais Sabîl. On tentera ensuite de déceler les secrets de la tentaculaire Nemesis machine de Stanza, ordinateur en forme de ville et ville réduite à un ordinateur, avant de plonger dans 24/7 du collectif Invivo, spectacle immersif prédisant l’exploitation capitaliste du sommeil.

Conscient que la question des frontières est encore plus brûlante depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, le festival offrira sa soirée de clôture au groupe kiïvien DakhaBraka. Tout en ouvrant ses portes à la venue éventuelle du réalisateur ukrainien Sergueï Losnitza ainsi que du Ballet de Kiev au courant du mois d’avril.

Samuel Gleyze-Esteban

Festival les Vagamondes
Jusqu’au 27 mars 2022
La Filature – Scène nationale
20 allée Nathan Katz
68090 Mulhouse

Crédits photo © Smith / © Miguel Santos – design Agence Buildozer / © Mehdi Benkler

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