René de Obaldia ©DR

Le poète et académicien centenaire, René de Obaldia, s’en est allé

Jeudi 27 janvier 2022, René de Obaldia, un de nos auteurs de théâtre les plus singuliers, est partie à l'âge de 103 ans.

Jeudi 27 janvier 2022, René de Obaldia, un de nos auteurs de théâtre les plus singuliers qui a fait entendre la vie sous un autre angle, celui de l’humour poétique, est parti à l’âge de 103 ans. 

René de Obaldia était un charmant Monsieur, un « éternel jeune homme », membre de l’Académie Française. Rencontrer Obaldia, Monsieur le Comte, comme certains de ses amis le surnommaient, c’était tomber sous son charme. Et il en avait ! L’esprit pétillant, l’humour à fleur de mot, le cœur et les bras ouverts, il m’avait reçu en 2007, pour le journal Pariscope, dans son magnifique appartement de la rue Saint-Lazare, offrant sur les toits de Paris une vue des plus baudelairiennes. Les livres avaient gentiment envahi murs et tables. Un jour, ils me mettront à la porte de chez moi, avait-il dit en riant. Voilà, c’est chose faite, Monsieur. Dans une discussion riche et dense, il m’avait expliquée, entre mille et une autres choses et anecdotes, avoir Un cousinage avec les auteurs qui avaient beaucoup utilisé le langage comme Audiberti, Tardieu et Ionesco. Il aimait les mots. C’était un véritable « polisseur » qui n’oubliait jamais les comédiens lorsqu’il écrivait ses pièces. J’ai la chance d’avoir le sens du dialogue, m’avait-il dit de son sourire le plus craquant. Pourtant, il réfutait toute filiation avec le théâtre de l’Absurde. Je ne pense pas être dans l’absurde, mais dans le mystère. Pour moi la vie est une énigme. Je suis d’une nature joyeuse et optimiste, que je transpose dans un humour métaphysique.

Une rencontre à Simon

René de Obaldia © Laurencine Lot

Ma première découverte avec cet auteur eut lieu au cours Simon, quand Rosine Margat m’avait demandée de travailler son Satyre de La Villette, une pièce en un acte très puissante. Du coup, j’avais dévoré ses Impromptus. Comme beaucoup, je m’étais arrêtée sur Le défunt, que j’avais monté et joué avec succès au Lycée Claude Bernard. Cela l’avait amusé. Donc vous êtres vous aussi une de mes veuves ! Mes amis appellent cette œuvre mon increvable « Défunt ». Cette pièce est donnée dans le monde entier, du coup je peux dire que j’ai une veuve dans chaque port ! Aujourd’hui, comme elles, me voilà véritablement « veuve ». Ses pièces ont fait le bonheur des troupes amateurs. Mon théâtre se joue aussi en prison, cela montre qu’il vit, même si les institutions le boudent un peu en ce moment, m’avait-il dit sans amertume.

Un auteur plein de verve

Son Monsieur Klebs et Rozalie lui avait valu en 1993, le Molière de l’Auteur. Cette même année l’académie des Molières lui avait également décerné un Molière d’Honneur. L’année d’après, ses Innocentines, mises en scène par Pierre Jacquemont, furent nominées dans la catégorie du spectacle musicale. Ce petit chef-d’œuvre, avec ses ritournelles délicieuses, comme Le manège, Antoinette et moi, je l’ai dégusté en allant l’applaudir plus d’une fois. Et puis, Thomas Le Douarec avait eu la bonne idée de remonter sa comédie-western, créée en 1965 par Michel Simon, Du vent dans les branches de Sassafras. En 2011, Jacquemontavait adapté une œuvre toute neuve et toute aussi délicieuse que les anciennes, Fantasmes de demoiselles.Mais je n’oublierai jamais en juin 2009, lorsqu’à l’occasion de la sortie en librairie de ses nouveaux Impromptus et surtout de ses mémoires, Merci d’être avec nous, aux éditions Grasset, René de Obaldia avait investi la scène du Petit Hébertot pour se raconter sous le ton de la conversation. C’était merveilleux.

Un centenaire espiègle

René de Obaldia Cent ans © DR

Tout comme le fut la grande fête organisée au Théâtre de La Bruyère pour ses 100 ans. Jamais centenaire ne fut aussi jeune et malicieux dans cette soirée inoubliable pour tous ceux qui ont eu la chance d’y assister. De Michel Bouquet à toute une bande de comédiens et comédiennes, représentant plusieurs générations, une grande partie du théâtre français était là pour célébrer dans la joie et la bonne humeur, ce doyen toujours alerte. Cet anniversaire qu’il fêta également, comme les deux suivants, dans ce charmant restaurant, juste en bas de chez lui, où il aimait recevoir ses amis. Au Terrabis, il avait sa table et aujourd’hui, son patron, Frédéric Oudart, a le cœur triste. Comme nous tous.

Un bel académicien

Pour terminer cet hommage, je citerai la superbe anecdote que le doyen de l’Académie Française aimait raconter lorsqu’on l’interrogeait sur la crise du théâtre. On demande à de jeunes élèves leur préférence pour le théâtre ou le cinéma. Tous répondent le cinéma, sauf une petite fille. On lui demande pourquoi. Elle répond : Parce que j’ai trop peur que la dame sur scène perde sa chaussure ! Alors tant que durera cette peur le spectacle vivant trouvera toujours preneur !

Marie-Céline Nivière

Crédit photos © Laurencine Lot et © DR

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