La Faute de François Hien n scène d’Angélique Clairand et Éric Massé Théâtre du Point du Jour © Jean-Louis Fernandez

La Faute, au cœur d’un drame humain et écologique

Au Point du Jour, sur les hauteurs de Lyon, Angélique Clairand et Eric Massé, co-directeurs du lieu, ont l’âme citoyenne. Retour sur le drame de la Faute.

Au Point du Jour, sur les hauteurs de Lyon, Angélique Clairand et Eric Massé, co-directeurs du lieu, ont l’âme citoyenne. Continuant à explorer les sujets brûlants d’actualité, ils signent avec La Faute, un spectacle documentaire finement mené, qui revient sur la nuit du 27 février 2010, où, en quelques minutes, la tempête Xynthia a rayé de la carte tout un lotissement de La Faute-sur-Mer et fauché la vie de 29 personnes. 

Longue plage de sable blanc, la pointe d’Arçay, située sur la commune de La Faute-sur-Mer, est un lieu idyllique, sauvage où il fait bon se baigner, se promener. Comment croire que ce petit paradis estival a été, il y a onze ans, le théâtre d’un drame climatique ? Bien sûr, il est singulier de voir dans ce secteur très prisé par les promoteurs immobiliers, des terrains vagues, des maisons étrangement isolées. Mais le temps a fait son œuvre, la nature a repris ses droits, l’homme ses terres et reconstruit à sa manière la station balnéaire, le lotissement des Voiliers a été rasé, effacé, remplacé par un golf de neuf trous. 

Une tragédie évitable ? 

La Faute de François Hien
n scène d’Angélique Clairand et Éric Massé
Théâtre du Point du Jour
© Jean-Louis Fernandez

Fille d’agriculteurs, Angélique Clairand connaît bien la Faute-sur-Mer. Après une vie de dur labeur quotidien, ses parents rêvent d’un lieu où couler des jours plus tranquilles, un endroit où recevoir leurs enfants, leur offrir enfin les vacances tant attendues. C’est en Vendée, dans une langue de terre entre le Lay, petit fleuve côtier, et l’Atlantique, qu’ils trouvent la maison de leur rêve. Petite, de plain-pied, elle est parfaite, ne cesse de leur répéter l’agente immobilière. Et puis ici, aucun risque d’inondations. C’est du jamais vu. La dune d’un côté, la digue de l’autre, protège depuis des lustres cet éden pour la classe moyenne. Xynthia, tempête née au large des côtes, balayera les certitudes, les maisons, endeuillera à jamais tout un quartier, toute une commune, toute une région, et mettra au jour les magouilles des politiques locaux, les manquements de l’État, la naïveté des plus faibles, des crédules. 

Un réveil citoyen

Marquée par ce drame, par ses conséquences, par ce qu’il révèle de nos sociétés, notre difficulté à anticiper les catastrophes naturelles que le réchauffement climatique amplifie, multiplie, à ne pas vouloir croire, entendre les lanceurs d’alerte, perturbateurs de nos quotidiens tranquilles, la metteuse en scène convainc aisément son acolyte, Éric Massé, qu’il y a dans cette tragédie humaine, une matière théâtrale, réflexive, un moyen d’interroger notre rapport aux autres, d’éclairer autrement ce qui s’est passé ce 27 février 2010, de faire de ce cas marquant, un exemple, un point de départ vers quelque chose de plus grand. Commande est passé à François Hien pour l’écriture d’une pièce entre fiction et réalité. 

La parole des sinistrés

La Faute de François Hien
n scène d’Angélique Clairand et Éric Massé
Théâtre du Point du Jour
© Jean-Louis Fernandez

Durant un peu plus de 2h30, le public est immergé dans les eaux sombres, profondes, boueuses qui ont ravagé le lotissement des voiliers. Construit à partir des récits des sinistré·e·s, d’avocat·e·s et de lanceur·euse·s d’alertes qu’ils ont longuement interviewés, La Faute est une œuvre sans concession, un drame d’aujourd’hui avec ses moments de doute, de répits, d’horreur, de violence. Tout est décrypté, du malheur intime de ceux qui ont vu mourir devant leur yeux leurs maris, leurs enfants, leurs femmes, ceux qui ont perdu le fruit matériel d’une vie, de la malhonnête des cupides, de petits roitelets locaux, de la solidarité des habitants, de la résilience collective des survivant·e·s. 

Un travail minitieux 

La Faute de François Hien
n scène d’Angélique Clairand et Éric Massé
Théâtre du Point du Jour
© Jean-Louis Fernandez

Dénouant les fils d’un imbroglio judiciaire, où tous se rejettent la faute, Angélique Clairand et Éric Massé signent un spectacle troublant, touchant, qui chamboule, émeut et réveille nos âmes militantes qu’un bout de plage, une part de paradis, aveugle, ankylose. Un peu bavarde, un brin trop longue, cette pièce chorale est menée de mains de maître par les deux artistes. Leur mise en scène habile – la tempête est matérialisée avec beaucoup d’ingéniosité -, les changements de personnages à vue parfaitement rythmés, intelligibles, les interprétations habitées, donnent à l’ensemble, cohérence et force. Plus jamais, mon jardin secret, ma plage, mon lieu de villégiature, n’aura plus tout à fait ce goût de légèreté, d’insouciance propice aux vacances, aux lâcher-prises. Il y restera gravé, au plus profond de mes pensées, un je-ne-sais-quoi de sombre, une conscience en éveil.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Lyon 

La Faute de François Hien
Théâtre du Point du Jour
7 rue des Aqueducs 
69005 Lyon
Jusqu’au 11 octobre 2021
Durée 2h20 environ

Mise en scène d’Angélique Clairand et Éric Massé
Avec Gilles Chabrier, Angélique Clairand, Ivan Hérisson, Nicole Mersey Ortega et Samira Sedira
Scénographie de Jane Joyet
Création lumière de Juliette Romens
Création son de Nicolas Lespagnol-Rizzi
Costumes de Laura Garnier
Régie générale de Clémentine Pradier et Bastien Pétillard
Collaboration à la mise en scène  – Héloïse Gaubert et Hervé Dartiguelongue

Photos © Jean-Louis Fernandez

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