La cité, une jungle urbaine

A Marseille, à la friche de la Belle de Mai, avant Avignon, Emilie Flacher présente Buffles, un conte urbain.

En adaptant le premier volet de la trilogie animale de Pau Miro, Emilie Flacher invite à un songe initiatique entre réalité et fiction. Utilisant les marionnettes pour donner corps à ses Buffles, la metteuse en scène offre une réflexion sur la famille, la fratrie et l’adolescence. Un conte d’aujourd’hui !

Dans un quartier populaire, sensible, une famille Buffle tient une petite blanchisserie. La vie paraît bien tranquille en apparence. Tout irait pour le mieux, si le fils prodige Max, n’avait pas disparu dans la nuit. Aimé de ses parents, de ses frères et sœurs, son absence laisse des traces, des fêlures. Plus rien ne sera comme avant. La mère en veut au père. Les enfants se chamaillent. Pourtant, l’amour est là, présent, unissant encore et toujours la famille, à ses racines, à son histoire. 

Un parcours initiatique 

Un lion aurait emporté leur frère chéri. Mais que s’est-il vraiment passé ? Par bribes, au cours d’une introspection collective, les cinq frères et sœurs restants vont découvrir la triste vérité, le sacrifice de l’un des leurs pour sauver tous les autres. Cette enquête intime, cette recherche de la vérité, cachée derrière les silences, les non-dits, les larmes, marque le passage à l’âge adulte, l’éclatement de la fratrie, le début d’une autre vie. Chacun va apprendre à se débrouiller seul, à faire face au secret de leur existence, de leur survie dans ce monde de plus en plus violent, de plus en plus hostile. 

L’animalité des gestes

Avec beaucoup de finesse, Émilie Flacher s’empare des mots de Pau Miro. Elle leur donne chair et muscle. Entremêlant jeux d’acteurs  et manipulations d’objets – les Buffles sont particulièrement réussis – , elle invite à plonger au cœur des sentiments, des relations entre les uns, les autres. Les parents se cachent pour mourir, les enfants expriment leur désarroi. L’un après l’autre, ils racontent leur parcours, miment les gestes d’agacement, tapent du pied, du sabot, comme le ferait un jeune bovidé. Les cinq comédiens (Guillaume ClausseClaire-Marie DaveauAgnès OudotJean-Baptiste Saunier et Pierre Tallaron) sont bluffants. L’homme et l’animal se fondent en un seul être qui nous entraîne à sa suite dans un monde entre deux, la jungle devient urbaine. 

Un conte moderne

Avec BufflesPau Miro signe un texte poétique, puissant où il tente l’analogie entre le règne animal et la civilisation humaine. Il met en parallèle les règles des uns face aux us et coutumes des autres, la barbarie face à la violence civilisée. C’est cette veine que creuse Emilie Flacher dans sa mise en scène ciselée. Les spectateurs, petits et grands, se laissent porter par l’histoire de cette fratrie singulière autant qu’universelle. 

La belle scénographie mobile de Stéphanie Mathieu sert de bel écrin à ce récit de vie, à cette fable humaine. Le voyage entre terre sauvage et paysage citadin vaut le détour. Il fascine autant qu’il émeut.

Olivier Frégaville-Gratian d’AmoreEnvoyé spécial à Marseille


Buffles d’après Buffles, une fable urbaine de Pau Miro
Théâtre Massalia 
La friche de la Belle de mai
Durée 1h15

Tournée 
du 3 au 23 juillet 2020 au 11. Avignon
(84)

Traduction de Clarice Plasteig (Ed. Espaces 34)
Mise en scène d’Émilie Flacher 
Dramaturgie de Julie Sermon
Direction d’acteurs de Thierry Bordereau 
avec Guillaume Clausse, Claire-Marie Daveau, Agnès Oudot, Jean-Baptiste Saunier, Pierre Tallaron
Marionnettes et univers plastique d’Émilie Flacher, Emmeline Beaussier, Florie Bel

Création sonore d’Émilie Mousset
Création lumière de Julie Lola Lanteri
Scénographie de Stéphanie Mathieu
Construction de Pierre Josserand & Clément Kaminski
Costumes de Florie Bel 

Crédit photos © Michel Cavalca

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