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Le gonze Fau queute son Fric-Frac au théâtre de Paris

Au théâtre de Paris, Michel Fau ressort de l'oubli Fric-Frac d'Edouard Bourdet

En bon dénicheur de textes quelque peu surannés, Michel Fau ne pouvait passer à côté de Fric-Frac, pièce écrite par Edouard Bourdet en 1936 puis immortalisée sur grand écran par Maurice Lehmann et Claude Autant-Lara en 1939. Féru de l’argot florissant de l’Entre-Deux-Guerres qui émaille ce cabotinage gouailleur, le metteur en scène se prend une nouvelle fois les pieds dans les tapis, faute de trouver le bon tempo. La présence inénarrable de la lumineuse Emeline Bayart le sauve de l’ennui.

On pourrait dire tant de choses d’autant que chaque année, depuis une petite décennie, on attend avec impatience, comme des enfants pas sages, quelle pièce oubliée, quel texte remisé depuis longtemps dans une bibliothèque poussiéreuse, Michel Fau va dégoter. C’est sa grande passion faire revivre, avec espièglerie et gourmandise, les grandes heures du Boulevard. Après nous avoir enchanté avec Un amour qui ne finit pas et Fleur de cactus, la machine c’est quelque peu enrayée. Pas grave, l’homme a du ressort et des envies. On aime sa présence scénique, sa façon traînante de parler, sa voix si particulière.

Fric frac_Fau_theatre du Paris_3_©Marcel Hartmann_@loeildoliv

On se presse donc au Théâtre de Paris voir sa dernière trouvaille d’autant que le casting fort hétéroclite donne envie et intrigue aux entournures. Ainsi, Julie Depardieu reprend le rôle créé par Arletty et partage l’affiche avec Régis Laspalès, Michel Fau bien sûr, et l’incroyable Émeline Bayart, qui vient de se prêter ses traits et son sens de la facétie à Bécassine, dans le film réalisé par Denis Podalydès. On salive d’avance. L’emballement sera de courte durée. Très vite, la comédie pas faite pour les caves tourne court.

Dans un décor saturé en couleurs, teinté de fauvisme, de cubisme, imaginé par le frère complice du metteur en scène, Bernard Fau en collaboration avec Citronelle Dufay, Loulou (charmante Julie Depardieu) flâne en bord de Marne avec Marcel (Régis Laspalès égal à lui-même). Son homme est en prison, il a besoin de pépettes pour améliorer son ordinaire. Pas folle la guêpe, elle cherche à attraper dans les mailles de son filet le gentil benêt, employé comme par hasard dans une joaillerie, où elle se verrait bien faire un casse aidée de son acolyte Jo les bras coupés (Michel Fau en roue libre), un voyou à la petite semaine, plus rêveur que voleur. C’est sans compter un obstacle de taille, Renée Mercandieu (poilante et cocasse Émeline Bayart) la fille du bijoutier, totalement énamourée du falot Marcel et jalouse jusqu’à l’hystérie.

Tous les ingrédients pour une bonne « poilade » sont pourtant là : folie douce, manipulation, quiproquo, amours contrariées, soupçons, suspicion, « surjeu », interprétations décalées et clowneries burlesques. La production est de qualité. Rien n’a été négligé. Les lumières et les costumes font parfaitement leur office. Pourtant, les rires se font timides, l’hilarité se fait rare et le temps semble s’allonger bien sournoisement.

Fric frac_Fau_theatre du Paris_4_©Marcel Hartmann_@loeildoliv

Que se passe-t-il donc sur scène pour que la mayonnaise ne prenne pas, pour que l’engin boulevardien n’arrive pas à décoller véritablement ? Le texte de Bourdet y est certes pour beaucoup. Si l’argot dont il est fait séduit au début, il finit par lasser. Tellement ancrée dans son époque, la pièce à succès lors de sa création, ne trouve pas sa place, ni son rythme dans le monde d’aujourd’hui. Puis faute de souligner la gouaille de cette pièce des années 1930, d’avoir ratiboisé quelques scènes superflues et ramasse l’ensemble, Michel Fau patine et emmène avec lui le reste de la distribution fort hétérogène. Seul Antoine Kahan sort son épingle du jeu en dandy des faubourgs.

Hormis la présence hallucinante d’Émeline Bayart, qui fait mouche à chaque apparition, les fulgurances (trop rares) de Fau, la farce tragico-comique ne convainc pas et nous laisse frustrés sur le carreau. Certes, derrière l’humour, se cache la grisaille de ces vies sans but, mais on aurait aimé plus de fantaisie, d’extravagance. Pas grave, la déception passée, nous patienterons bien un an de plus pour retrouver le Michel des beaux jours, le Fau endiablé des grands soirs.

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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Fric-Frac d’Edouard Bourdet
Théâtre de Paris
15, rue blanche
75009 Paris
Du mardi au samedi à 20H45 et le dimanche à 15h30
Durée 1h50 environ

Mise en scène de Michel Fau assisté de Quentin Amiot
Avec Régis Laspalès, Michel Fau, Julie Depardieu, Emeline Bayart, Georges Bécot, Fabrice Cals, Yannis Ezziadi, Antoine Kahan, Audrey Langle & Roland Menou
Décors de Bernard Fau et Citronelle Dufay
Costumes de B. Belugou
Lumières de Hoël Fabing
Son de François Peyrony
Maquillages de Pascale Fau

Crédit photos © Marcel Hartmann

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