Les Bonnes de Jean Genet, Mise en scène de Mathieu Touzé © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Le duo Mathieu Touzé-Yuming Hey s’attaque aux Bonnes de Genet

Au théâtre 14, le metteur en scène et co-directeur du lieu questionne au temps présent la pièce mythique de l’auteur de Querelle de Brest, et offre à son comédien fétiche le rôle de Madame. 

Un jeune homme nu (Thomas Dutay), plutôt agréable à regarder, traverse la scène d’un blanc immaculé. Le pas langoureux, il fait une pause, boit du lait et repart en coulisses. Fantasme des deux bonnes de la maison (Élizabeth Mazev et Stéphanie Pasquet), il est le premier symptôme de leur folie, de leur aliénation mentale. Solange et Claire, deux sœurs, vivent en vase clos dans les appartements de Madame, une grande bourgeoise esseulée qui se ruine en toilette et n’a finalement que faire des petites gens qui travaillent pour elle. Sous la coupe de cette domination tacite les deux domestiques réinventent leur vie, rejouent leur journée en se glissant dans les toilettes, les bijoux, les fards de leur patronne, pour mieux la moquer, la tuer.

Véritable contre-boulevard, Les Bonnes est une comédie noire qui dit beaucoup du système social oppressant des sociétés occidentales. D’un côté les dirigeants tous puissants, de l’autre les asservis qui rêvent de briser leurs chaînes, de révolutionner le monde et de couper les têtes à ceux qui les assujettissent. Mépris de classe d’un côté, rêves d’émancipations avortés de l’autre, l’écriture de Genet est noire, âpre. Elle évoque une époque en partie révolue, mais qui résonne étroitement avec la nôtre, où nouveaux riches et esclavages modernes ont pris la place de la condescendance souvent affectée, insouciante de la grande bourgeoisie. 

En s’emparant de cette œuvre du répertoire, Mathieu Touzé rompt avec ses dernières créations plutôt tournées vers des textes contemporains. Il y applique pourtant son goût pour les paillettes, les contradictions et le décorum. La scénographie est un savant mélange d’épure et de sophistication. Tout est blanc, mais de multiples escaliers et des meubles suspendus viennent en compliquer la donne. Jouant des contrepieds, du surjeu, apportant des notes de fraîcheur bienvenues — la chorégraphie gauche sur Tout est Chaos de Mylène Farmer est un moment savoureux —, il tente une approche burlesque et comique de la pièce. Avec son air un brin ahurie, sa vue faussement basse, Élizabeth Mazev domine une distribution à hue et à dia. Stéphanie Pasquet lui emboite le pas, suivie de Yuming Hey, démesurément folle. Mais le texte résiste. Faute d’arriver à trouver le ton juste entre extravagance et dépouillement, le grinçant ne parvient qu’à affleurer alors qu’il ne demande qu’à dévorer nos trois protagonistes. 

Fragile et s’étirant un peu trop, Les Bonnes version Touzé-Hey ne demande qu’à être resserré, rodé au contact du pubic, afin de délivrer davantage du fiel et de la perversité qui font l’écriture subversive de Genet.


Les Bonnes de Jean Genet
Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier
75014 Paris
du 28 février au 23 mars 2024
Durée 1h30 environ

Tournée
9 au 12 avril 2024 au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
14 au 16 mai 2024 au Théâtre de la Manufacture – CDN Nancy Lorraine
30 mai 2024 à la Maison de la Culture de Nevers

Mise en scène de Mathieu Touzé assisté d’ Hélène Thil et Thibaut Madani 
Avec Yuming Hey, Elizabeth Mazev, Stéphanie Pasquet
 et Thomas Dutay
Scénographie et costumes de Mathieu Touzé 
Eclairagiste – Renaud Lagier 
Régisseur général Jean-Marc l’Hostis
 Régie – Stéphane Fritsch

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