Bruno Bayeux, touche-à-tout virtuose de la bande à Jolly

Jusqu’au 26 mars 2023, Bruno Bayeux irradie la scène des Amandiers. comédien fétiche de Thomas Jolly, il se glisse avec une délirante loufoquerie, dans le rôle du bourgmestre, dictateur fou, du Dragon d’Evgueni Schwartz. À mi-chemin entre de Funès et Carrey, il impose au plateau sa présence burtonienne, drôle, noire, espiègle. un artiste haut en couleurs !

© David Morganti

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
Enfant, nous n’allions pas au théâtre, nous regardions Au Théâtre ce soir et j’admirais Maria Pacôme, Jean Le Poulain, Micheline Dax. Du fond de ma campagne, j’imaginais Paris et ses théâtres de cette manière. Je pense souvent a cette émission quand, dans les retours son des loges, j’entends le public entrer dans son brouhaha, j’ai l’impression d’être Au Théâtre ce soir mais cette fois-ci côté scène. 

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Pour exister au sein d’une famille nombreuse, quand on est le dernier de la fratrie, il faut trouver sa place et exister. Ni mes frères ni ma sœur, ne faisaient de l’art, la place était à prendre. Je voulais qu’ils soient fiers de moi et de ma passion. Être sur scène, c’était prouver que je n’étais pas dans l’ombre, que j’existais individuellement.

Le Dragon de Evgueni Schwartz © Nicolas Joubard

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien et metteur en scène ?
Aux ateliers Amateur de mon village vers 14 ans, il manquait un jeune et j’ai été propulsé sur scène très vite. De la peur est née l’euphorie d’avoir fait quelque chose de puissant. Ces gens qui sont venus te voir, qui se sont assis et qui, silencieux, t’écoutent. Découvrir que tu as la parole et les oreilles attentives, c’était magique pour l’ado que j’étais.
Et moi qui voulais faire tous les métiers du monde, je pouvais en choisir un et les faire tous. Médecin, policier, détective, curé…

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Âgé de 2 mois, j’étais Jésus dans la crèche vivante de mon village, mon père était Joseph, ma mère Marie, et mes frères les bergers. J’ai dormi tout du long… Ensuite, le collège avec mon professeur Jean-Marc Guerillon, et une présentation de travail dans un vrai théâtre, je crois que c’est là mon premier souvenir, l’odeur du plateau et des coulisses, les maquillages et les vraies premières amitiés.

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Alain platel et le Ballet C de la B. J’avais 20 ans et je découvrais au Volcan du Havre la liberté du plateau à travers des interprètes de tout âge, qui s’amusaient tellement. J’étais alors au conservatoire et je me souviens de mettre dit : tu t’amusais comme ça avant. Retrouve ça et lâche prise.

Henri VI de William Shakespeare © Nicolas Joubard

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Au conservatoire, Yann Dacosta (metteur en scène) qui m’a porté, aidé durant ces années, Maurice Attias mon prof de théâtre, Anne-Laure Liégeois, l’espace d’un spectacle et puis Sylvain Groud et bien entendu Thomas Jolly qui m’a embarqué dans sa folie Shakespearienne. Et puis des grands Acteurs comme Jean-Marc Talbot, Olivier Saladin.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
La réponse est dans la question, l’équilibre. La balance entre la vie et la scène, c’est toute la difficulté pour moi. Je joue parfois trop dans la vie aussi, mais c’est mon entraînement quotidien. Sans passer par la scène, j’aurai sûrement pris un mauvais chemin semé de peurs, d’angoisses, d’ennuis.

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Mes ainés, mes ainées. De ma propre mère à Micheline Dax en passant par Marthe Mercadier, sans oublier notre mère à tous, Sarah Bernhardt, puis Louis De Funès, Charlie Chaplin, Buster Keaton, Bourvil, Jean-Paul Belmondo et toutes et tous ces inconnus que je croise dans la rue. Du libraire aux garçons de café. Je suis un voleur d’expression, de mimique, de petits détails du quotidien. 

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Respectueux. Pour moi faire du théâtre, c’est d’abord rentrer au monastère. On y apprend les codes et après, on prie pour que tout se passe bien. Sans oublier de s’amuser dans le cadre imposé.

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Ça part des pieds, comme un ancrage, me reliant à la terre, aux ainés, puis ça remonte en passant par le bide, les tripes qu’il faut sortir, le cœur qui bat au bon tempo, ni trop vite ni trop fort et qui finit par souffler en emportant avec lui la voix…
J’aime le rapport au corps, je suis fasciné par les danseurs.

La Nuit de Madame Lucienne de Copi © Nicolas Joubard

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ? 
Pommerat, Rabeux, Michalik, Astier, et retrouver Gregory Gadebois au théâtre pour un duo.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
Thomas Jolly m’a déjà embarqué dans les 24h de Henry VI et Richard III alors… reste plus que le cinéma qui me rendrait fou de joie…

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ? 
Toutes les esquisses, dessins, peintures de Toulouse-Lautrec, la beauté des corps et les tranches de vie.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Le Dragon d’Evgueni Schwartz
Mise en scène de Thomas Jolly
création au Quai-Angers le 19 janvier 2022

Reprise
Du 15 au 23 mars 2023 aux Théâtre Nanterre-Amandiers

Teaser du Dragon d’Evgueni Schwartz – mise en scène de Thomas Jolly © Le Quai-Angers
Surexposition

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  • Bravos mon petit cousin .mais grand dans ton talent ! Je te felicite .dans les temps actuel il est tellement important de prendre du plaisir dans ce que l on fait. Je te souhaite une reussite complete dans cette voie. Vers le cinema j espere.
    Te voir sur mon petit ecran serais formidable. Je t embrasse tres fort.