Les murs antiques de pierre jaune des arènes dessinent un écrin minéral. Au centre de la scène, un pointu — petite barque blanche et bleue — est échoué. Il semble égaré, loin de son port d’attache. Santiago est là, silhouette courbée sur son filet, corps usé, souffle court. On pourrait croire l’homme au bout du chemin, mais de lui se dégage une force souterraine, une volonté viscérale qui refuse d’abdiquer. Plus de quatre-vingt-quatre jours sans la moindre prise, et pourtant, il repart, porté par sa détermination. Plus loin, Là où l’attend un combat démesuré. Seul un rire enfantin, sorti du tréfonds de sa gorge, accompagne son errance solitaire, comme un exutoire, une manière d’exorciser la fatalité.

L’adaptation de Félicien Juttner épouse la simplicité ciselée de l’écriture d’Hemingway. Pas d’effets superflus, mais une langue précise, tendue comme une ligne de pêche prête à se rompre. Avec le même souci d’épure, Muriel Mayette-Holtz signe une mise en scène minimaliste et exigeante. Les dernières lueurs du jour embarquent le loup solitaire dans la nuit. Les lumières de François Thouret prennent alors le relais et dessinent sur les murs de pierre de spectrales silhouettes. Seule la musique, ample, dramatique, presque trop hollywoodienne dans ses élans orchestraux, vient parfois bousculer cette sobriété.
Un combat à mort
Sous le ciel ouvert de Nice, la lutte obstinée de Santiago contre l’océan devient un chant universel de résistance. Depuis le rivage – le haut des murs – , le jeune Manolin, incarné avec une retenue touchante par Armand Pitot, observe son vieux maître s’éloigner, comme s’il accompagnait à distance le récit qui se déploie sous nos yeux. Laurent Prévot prête à Santiago une présence vibrante, à la fois usée et indomptable.
L’homme et le poisson s’affrontent, seuls à l’horizon. Mais la véritable tragédie n’est peut-être pas là. Au bord du vertige, ce qui demeure, c’est la dignité du combat, l’entêtement de l’existence face au temps qui s’efface et au combat perdu d’avance. Hemingway trouve ici une résonance simple et profonde. Le texte résonne dans la nuit. Et sous les étoiles de Cimiez, la tragédie devient lumineuse.
Le Vieil homme et la mer d’après le roman d’Ernest Hemingway
création le 4 juin 2025 au Théâtre des Franciscains – TNN
durée 1h10 environ
Reprise
le 18 juin 2025 aux Arènes de Cimiez – Festival de Tragédies
Mise en scène de Muriel Mayette-Holtz
avec Laurent Prévot et Armand Pitot
Adaptation de Félicien Juttner
Musique de Cyril Giroux
Lumière deFrançois Thouret