Pourquoi Les Rugissantes sont devenues pour la ville du Creusot, qui porte le projet, un rendez-vous important au cœur de l’été ?
Jérémy Pinto : Il faut rappeler que le festival, dans son format actuel, a été créé en pleine sortie du Covid. Dès sa naissance, c’était donc un acte très volontaire et engagé de la ville qui, en quelque sorte, a bravé les éléments. Maintenir coûte que coûte ce rendez-vous du service public de la culture, destiné à partager des rencontres artistiques et à faire percevoir la ville en transformant ses espaces urbains durant l’été, a permis de l’ancrer et d’en faire un temps de partage, de fêtes et de rencontres.
Pourquoi avoir choisi les arts de la rue alors que pas loin existe le festival de Chalon-sur-Saône, le grand frère ? Quelle était l’idée ?
Jérémy Pinto : Depuis le début, l’espace public est vraiment au cœur de la réflexion des Rugissantes. Avec une faible centralité, notre ville a une urbanité assez singulière qui est issue de son histoire industrielle.
On a cherché comment la vivre différemment. La création de temps, d’intensités urbaines et de rencontres a fait partie des ingrédients qu’on voulait poser très fortement. L’idée de jouer dans la rue, de transformer l’espace public était fondatrice. Le théâtre de rue, son audace comme la pluridisciplinarité de bien des compagnies permettent cette transformation.
En ces temps où les institutions délaissent la culture, la ville du Creusot , elle s’engage…
Jérémy Pinto : Oui, absolument. C’est aussi un rendez-vous qui est de plus en plus attendu par la population. Au bout de la sixième édition, le festival est devenu, après Chalon, un des principaux de la région. Même si nous sommes plus modestes, ce que nous assumons, car nous aimons la dimension très familiale et conviviale de notre festival.
Les différents sites de jeux sont accessibles facilement, ce qui est un atout pour nos festivaliers. Chemin faisant, d’édition en édition, le budget a été renforcé. Cette année, alors que les budgets des collectivités ont été parfois plus difficiles à boucler, on est encore en augmentation au Creusot. C’est un engagement auprès des artistes. On leur fait confiance, on leur donne les clés de la ville pendant quelques jours. Et nous n’avons pas baissé notre niveau d’ambition, bien au contraire.
Selon les lieux et les spectacles, on voit les spectateurs arriver avec leurs chaises ou leur pique-nique. Même si l’on sent qu’ils ont leurs habitudes, ils se font parfois surprendre…
Jérémy Pinto : Cela fait aussi partie de l’ADN du festival. Durant l’été, effectivement, les habitants redécouvrent leur ville, et cela donne la possibilité à ceux qui viennent de l’extérieur de découvrir Le Creusot. La transformation de l’espace public permet qu’au détour d’une rue, l’on soit surpris par une proposition visuelle ou des spectacles vivants. Quand on a créé ce festival, un des principes de base était de le rendre accessible au plus grand nombre.
C’est d’ailleurs un des marqueurs de la politique culturelle qu’on cherche à conduire. La programmation pluridisciplinaire permet d’embrasser le plus grand nombre de spectateurs. L’intérêt de donner un rendez-vous avec des spectacles d’un niveau d’exigence, affine la curiosité et pousse le public à voir plus loin.
Et nous le rappelons, tout est gratuit, ce qui est très important…
Jérémy Pinto : Bien entendu. La gratuité permet de lever quelques barrières. Malheureusement pas toutes, parce qu’il y a toujours quelqu’un qui va penser : « Ce n’est pas pour moi ». C’est toujours une conquête particulière, celle d’un public, d’une ville industrielle, c’est passionnant. La gratuité est un acte politique important, qui permet de toucher des publics en faisant de la médiation aussi le reste de l’année à travers le projet participatif.
Le premier chantier participatif, mis en place pour l’édition 2023 avec succès, a amené les habitants du Creusot à s’intégrer dans le festival. Poursuivez-vous l’aventure cette année ?
Jérémy Pinto : L’idée d’un festival « fait par tous » nous conduit à mener un travail en direction de tous les publics avec des actions culturelles et de médiation. Il nous a semblé indispensable de pouvoir travailler sur un projet qui est à la fois simple de compréhension et de fabrication. En 2022, Philippe Berthaud, le directeur artistique du festival, avait mis en place avec la Compagnie l’Homme debout, un compagnonnage sur un projet qui a duré deux ans. Cela a donné Plume qui a été le moment fort de l’édition de 2023. Ce travail de longue haleine en a été le détonateur.
Et cette année, quel sera le projet ?
Jérémy Pinto : On travaille sur la couleur rouge, celle du théâtre, de l’amour, de la passion, de l’engagement, de la révolte aussi. C’est une couleur qui ne laisse pas indifférent, mais qui est assez simple à lire.
Ce fil rouge, on va le déployer sur une partie de la programmation. Le projet est mis en œuvre par la Compagnie Les Plastiqueurs. C’est une création sur mesure pour Les Rugissantes 2025. La couleur rouge va sillonner les allées du festival et les chemins d’accès aux sites des spectacles. Le soir de l’inauguration, le 11 juillet, aura lieu un grand Bal rouge, un spectacle foisonnant de surprises.
C’est un projet hybride qui permet de laisser la place à tout le monde, par la confection d’objets, de costumes, de décors. De nombreux Creusotins, de tous les âges, grâce aux associations, les centres sociaux et de loisirs, l’atelier de théâtre, vont être complices de cette aventure. C’est une véritable création, avec un travail de mise en scène, de scénographie, de danse et de mise en récit.
Et pour finir, dites-nous quelques mots sur la programmation de cette édition, concocté par Philippe Berthaud…
Jérémy Pinto : Il va y avoir une déambulation XXL, à la manière de Plume. Une opérette animalière, de la Compagnie Off, menée par un troupeau de girafes rouges.
C’est un jeu de rencontres entre le monde du cirque et le monde du lyrique. C’est la première fois que l’on tisse un lien avec celui du lyrique. On va démarrer du château et descendre les rues de la ville avec ces girafes. C’est vraiment une des propositions fortes de la programmation de Philippe.
Il y aura des petites formes, comme Un sommeil de Loup de la Cie Au petit théâtre des ombres, et une installation plus spectaculaire de cirque avec Masacrade, de la Cie Marcel et ses Drôles de femmes. On ira voir un concert marionnettique avec la Cie Rocking Chair Théâtre, où deux mamas corses jouant de la guitare électrique évoquent le temps qui passe. Il y a un savant mélange des genres et des styles dans le choix des propositions. On va passer de l’émerveillement aux grands éclats de rire !
Les Rugissantes, festival des arts de la rue
71200 Le Creusot
Du 11 au 13 juillet 2025
