Les Nuits enceintes de Guillaume Béguin © Julie Masson

Les nuits enceintes, entre réalité avortée et rêves à la dérive

Au Théâtre ouvert, Guillaume Béguin présente Les Nuits enceintes, sa dernière création, un conte d’anticipation aux allures de poème métaphorique.

Les Nuits enceintes de Guillaume Béguin  © Julie Masson

Au Théâtre ouvert, Guillaume Béguin présente sa dernière création, un conte d’anticipation aux allures de poème métaphorique. Dans une maison en ruine, perdue au cœur d’un chantier d’autoroute, deux sœurs se retrouvent après des années de séparation. L’une, la belle Mélisande, est restée au domaine, gardienne des traditions et des fables familiales. L’autre, la douce Shéhérazade, a quitté depuis longtemps les lieux, espérant concrétiser à la ville ses rêves de théâtre et d’émancipation. Toutes deux se sont heurtées à un mur. Déçues par leur vie respective, elles tentent une dernière fois de sauver les apparences, qui s’incarnent dans les murs sans fenêtres de la vieille bâtisse où elles ont grandi. En vain, la machine infernale de la mondialisation est en marche. La fin de leur monde s’annonce. Rien ne pourra l’empêcher. 

Tissant un récit lunaire, écrit sous acide, l’auteur et metteur en scène suisse imagine les trois nuits qui vont précéder le drame ultime, la démystification des mythes fondateurs, l’effritement des illusions, la destruction du dernier rempart contre l’avènement d’une société aseptisée où une intelligence artificielle décide de tout, ce que l’on doit aimer, ce que l’on doit penser. À trop vouloir cocher les cases des sujets du moment – écologie, capitalisme, théorie du genre, altermondialisation, etc. – Guillaume Béguin se perd dans un maelström d’images, une succession de phrases toutes faites et un surlignage de poncifs. C’est d’autant plus dommage que l’on sent derrière ce tableau trop manichéen, un lyrisme à fleur de peau qu’incarne avec de belles présences une distribution de haut vol. En tête de ce sextuor, l’impayable Pierre Maillet est à mourir de rire le dégingandé Romain Daroles follement loufoque, la lumineuse Julie Cloux savoureusement décalée. 

Âpres, rugueuses, Les Nuits enceintes ne se laissent pas approcher si facilement. Elle demande recul et retenue. Malheureusement, faute d’une dramaturgie plus tenue, elles se perdent dans les limbes d’un lendemain sans promesse. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Les Nuits enceintes de Guillaume Béguin 
Théâtre ouvert
159 Avenue Gambetta
75020 Paris
Jusqu’au 16 décembre 2022
durée 2h00

Texte et mise en scène de Guillaume Béguin 
Dramaturgie de Guillaume Cayet
Avec Lou Chrétien-Février, Julie Cloux, Romain Daroles, Claire Deutsch, Maxime Gorbatschevsky, Pierre Maillet
Collaboration artistique – Aurélia Lüscher
Stagiaire mise en scène – Charline Curtelin
Scénographie de Sylvie Kleiber assistée de Gabrielle Ritz
Stagiaires scénographie – Alexandra Lapierre, Antonie Oberson
Lumière de Luc Gendroz
Musique de Louis Jucker
Costumes de Séverine Besson
Perruques et maquillage de Cécile Kretschmar assistée de Malika Stähli
Son de Jonas Bernath
Régie générale de Matthieu Baumann
Régie plateau, son de Benoît Boulian
Régie lumière de Zara Bowen
Construction décor – Ateliers du Théâtre de Vidy
Peinture décor Sibylle Portenier
Réalisation costumes Marine Lesauvage, Laurence Stenzin

Crédit photos © Julie Masson

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