Table rase © Erwan Meritte

Coup de cœur pour les formidables filles de Table rase

La pièce québécoise, Table rase, adaptée par Charlotte Monnier et mise en scène par Sylvy Ferrus, bouleverse.

Table rase © Erwan Meritte

En choisissant d’adapter Table rase de la Québécoise Catherine Chabot, Charlotte Monnier, nous fait découvrir un texte d’une grande force émotionnelle. Mis en scène par Sylvy Ferrus, ce spectacle, interprété par six comédiennes talentueuses, est une des belles surprises de cette saison.

Six jeunes femmes débarquent dans le chalet où elles ont l’habitude de se réunir pour faire la fête. Les soirées entre filles sont toujours magiques et de surprenantes. Cette fois-ci, ce n’est pas comme d’habitude. Elles ont quelque chose d’important à faire. Ces demoiselles se connaissaient depuis l’enfance. Elles ont habité la même rue, fréquenté la même école, arpenté ensemble les chemins de la vie. Elles sont grandes maintenant. La trentaine ce n’est pas rien, c’est un cap. Il va falloir dire adieu à la légèreté de la jeunesse. Leur avenir se dessine avec tous les aléas du passé. Pour avancer, il va falloir faire des choix voire faire table rase de leur vie d’avant.

Sacrées nanas !
Table rase © Erwan Meritte

Résumé ainsi, cela ressemble à tous ces spectacles qui abordent ce sujet. Dans une mise en scène efficace et vive, Sylvy Ferrus, nous montre le joyeux tourbillon fait par ces donzelles qui ne lésinent pas sur la boisson. Elles devisent en toute franchise et sans pudeur, sur leur existence, leur quotidien, leur rapport aux hommes, leur idée de l’amour et surtout du sexe. Elles vont exprimer leurs désaccords, se railler, s’accorder. On retrouve dans leur propos, cette liberté d’esprit et de ton qui existent chez les auteurs québécois où les mots n’ont pas peur de dire ce qu’ils ont à exprimer. L’adaptation de Charlotte Monnier rend bien cette musicalité qui fait la force des pièces de Michel Tremblay (Les belles-sœurs), de Michel Marc Bouchard (Tom à la Ferme), ou les films de Denys Arcand (Les invasions barbares, Le déclin de l’empire américain).

Le droit de choisir

Petit à petit, on comprend que quelque chose pèse sur ces retrouvailles. Une des filles sort du lot de ce groupe plein de vie. Elle est pâle, chétive, souffreteuse. L’interprétation de Charlotte Monnier est des plus remarquables. Elle parvient, avec une grande justesse de corps et de voix, à marquer les traits de l’usure que cause la maladie. Marie-Anick n’en peut plus, elle est à bout de souffle. Cela fait des années qu’elle traîne son mal incurable. C’est pour cette raison qu’elle a décidé de mourir, puisque, que de toutes les manières, c’est ainsi que cela va se terminer. Ce soir, par le biais du suicide assisté, elle va enfin trouver le repos et demander, à celles qui l’ont toujours aimé et soutenue, de l’accompagner.

La chaleur réconfortante de l’amitié
Table rase © Erwan Meritte

Les copines ont toutes répondu présentes. Pourtant, elles ont la trouille au ventre et leur cœur bat la chamade. Elles font du bruit pour ne pas entendre le silence qui va s’abattre. Catherine (Isis Montanier, épatante) se noie dans l’alcool et les relations néfastes. Sarah (Laura Mello, émouvante) se fait la gardienne de l’ordre pour se protéger. Marie-Noëlle (Chloé Boccara, poignante) se débat avec son anorexie et ses tocs. Vicky (Elisa Benizio, prodigieuse), tout feu tout flamme, s’est enfermée dans une routine qui l’étouffe. Rose (Odile Blanchet, extraordinaire) est devenue médecin pour soigner un jour son amie d’enfance. Toutes ont un point commun, un déséquilibre affectif. Les amies font la promesse à ce vilain petit canard, qui ne deviendra jamais un cygne, de changer leur vie, de se prendre en main et de tenter de trouver le bonheur.

À la vie, à la mort

Ces jeunes femmes, qui nous ressemblent, nous bouleversent à chaque instant. La scène finale est de toute beauté. Elles font tomber leur amure et laissent aller leur ressenti. Il n’est jamais facile de dire adieu. La mort fait naître des vides qui ne se comblent jamais vraiment. Leurs mots nous touchent en plein cœur. Ce spectacle, où l’on passe du rire aux larmes, est un magnifique hymne à la vie. À ne pas manquer.

Marie-Céline Nivière

Table rase de Catherine Chabot (écrit avec la collaboration Vicky Bertrand, Marie-Anick Blais, Rose-Anne Déry, Sarah Laurendeau, Brigitte Poupart et Marie-Noëlle Voisin).
Manufacture des Abbesses
7 rue Véron
75018 Paris.
Jusqu’au 4 janvier 2023.
Dimanche 20h, lundi, mardi et mercredi 21h. Relâche le 25 décembre.
Durée 1h30.

Adaptation et direction artistique de Charlotte Monnier.
Mise en scène de Sylvy Ferrus.
Avec Élisa Benizio, Odile Blanchet, Chloé Boccara, Laura Mello, Charlotte Monnier, Isis Montanier.

Crédit photos © Erwan Meritte

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com