David Ajchenbaum, metteur en scène composite

Au théâtre de la Reine Blanche, David Ajchenbaum adapte Le courage de ma mère de George Tabori. Après avoir été empêché par le covid et avoir rebondi en imaginant une version pour appartement, il dirige au plateau avec finesse le comédien Roland Timsit et signe une mise en scène tout en nuance. Rencontre avec un artiste qui compose des partitions entremêlant mots et musiques.

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
La flûte enchantée, par les marionnettes de Salzbourg. Je devais avoir environ quatre ans.

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant
Je ne sais pas s’il y a eu un déclencheur. J’adorais le théâtre. J’ai toujours dit enfant que je voulais faire clown, adolescent que je voulais faire auteur et metteur en scène, je ne savais pas trop ce que ça voulait dire, les encouragements de ma mère et les refus de mon père m’ont poussé à continuer, j’ai eu de la chance que cela me plaise. 

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être artiste de l’éphémère ? 
Ce qui est beau, dans le théâtre, c’est que c’est un des seuls arts qui ne peut pas être reproduit techniquement. Même si ça a été remis en cause récemment pendant le confinement. Mais ce que j’ai choisi, ce n’est pas l’éphémère, c’est la scène, c’est l’espace du théâtre, on peut le modeler comme on veut en permanence, c’est un espace qui se transforme d’un simple mot ou d’un geste.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
Bastien et Bastienne, de Mozart, mise en scène de Marc Goldberg. Une réduction de l’opéra pour piano avec trois chanteuses. J’avais douze ans, c’était mon premier contact avec le théâtre professionnel. Je jouais Mozart enfant qui imaginait en rêve son opéra prendre vie. Un rôle muet. Je crois que c’est là que j’ai compris que metteur en scène pouvait être un métier et que ça a commencé à plus me plaire qu’être comédien.

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
Probablement Hamlet, mis en scène par Peter Brook, quand j’étais adolescent.

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
Roland Timsit, une complicité théâtrale et amicale qui dure depuis quinze ans.
Marc Goldberg, qui m’a mis en scène pour la première fois, m’a appris ensuite le métier en me prenant comme assistant metteur en scène sur plusieurs spectacles.
Adalbert Khan, alias Vojtech Janyska, peintre et réalisateur, un autre complice de toujours, il fait régulièrement mes décors, je participe à ses films, on s’entraide en permanence.
Nicolas Sykas, dessinateur et auteur, une autre complicité amicale et artistique, avec qui j’ai publié le livre L’Adjoint au maire et l’éléphant.
Esteban, alias Stéphane Loirat, qui fait la lumière de mes spectacles depuis des années. 
Nicolas Martz, qui a réalisé le son du Courage de ma mère, au cœur du spectacle.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
Je ne fais heureusement pas ça pour m’équilibrer. C’est souvent une vie assez brinquebalante et artisanale qu’on a, quand on fait du théâtre.

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Je ne sais pas. C’est un long processus, des romans, des essais, des bandes-dessinées, des films, des séries, mon expérience, des observations, des sensations, c’est tout ce que je vis qui finit par m’apporter des envies que j’agrège pour essayer de faire des œuvres.

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Mystique et humoristique, et l’un ne va pas sans l’autre.

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
C’est dans tout mon corps, y compris dans mon cerveau. Je n’ai jamais séparé l’esprit du corps, l’esprit, c’est de la matière.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
La refonte d’un théâtre amateur et professionnel, passionné, hors-carcans et codes.

Avez-vous des lieux de prédispositions pour créer vos spectacles ? 
Non, mais j’ai adoré travailler dans la petite salle du théâtre La Reine Blanche pour la reprise du Courage de ma mère, de George Tabori.

Votre art est hybride, qu’est-ce que cela signifie pour vous ? 
Cela signifie qu’il est indéfinissable et qu’on peut le réinventer en permanence, en casser les codes, qui sont toujours arbitraires et dépassables, même quand ils se présentent comme des lois immuables.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Ma vie elle-même. C’est assez fort, comme ready-made, non ?

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Le Courage de ma mère de George Tabori 
Théâtre de la Reine Blanche
Jusqu’au 16 avril 2022
Mise en scène de David Ajchenbaum
Avec Roland Timsit et Marion Loran (voix)

crédit photos © DR

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