Come on feet de Granvat Artonov 2020 - Olivia Droeshaut © DYOD

Un samedi au festival de Marseille

Pour sa 26e édition, dernière dirigée par Jan Goossens, le Festival de Marseille fait encore et toujours le pari de la mixité, du partage, du mélange des arts.

Pour sa 26e édition, dernière dirigée par Jan Goossens, le Festival de Marseille fait encore et toujours le pari de la mixité, du partage, du mélange des arts. En ce premier week-end de festivité, le public massilien est au rendez-vous prêt à se laisser porter par les rêves du jeune plasiticien congolais Matthieu Kasiama, par les lamentos tsiganes de Fabrizio Cassol et emporter par les rythmes « clubbing » de Granvat. 

À Marseille, la vie culturelle reprend son cours. Devant le théâtre de la Criée, libéré depuis peu de ses occupants, les premiers spectateurs se pressent. A l’image de la ville, la diversité est de mise. Pour commencer en douceur la journée, le festival, dirigé par Jan Goossens, propose un film documentaire de Renzo Martens, artiste néerlandais, qui part à la rencontre d’artistes congolais qui luttent, travaillent, créent à partir d’argile, de matériaux locaux, afin de se réapproprier leur terre. 

White Cube, un musée au milieu de nulle part
White Cube de Renzo Martens. festival de Marseille © Humans activities

Depuis plusieurs années, Renzo Martens sillonne en chemise blanche, pantalon noir et chaussures de ville, la République démocratique du Congo. Il va à la rencontre des artistes, des paysans, des travailleurs de plantation pour comprendre leur mode de vie et le confronter à celui capitaliste et occidental du marché de l’art. En suivant les aventures de Matthieu Kasiama et de ses comparses du Cercle d’art des travailleurs de plantations congolaises, il met en exergue l’impact de la colonisation et de la décolonisation sur des populations précarisées par la mondialisation, véritable fléau qui ravage le pays, ses terres, ses ressources. Devenant le porte-voix de ces plasticiens qui modèlent la boue, le réalisateur imagine des moyens de valoriser leurs œuvres à l’internationale, de créer un lieu, un musée au milieu de nulle part. 

Un regard trouble
White Cube de Renzo Martens. festival de Marseille © humans Activities

Prenant le parti de se mettre à l’écran, Renzo Martens brouille les pistes. Connu pour ses provocations, l’artiste est tour à tour sympathique, critique ou antipathique. Il faut attendre la seconde partie du film pour être attrapé, saisi. Le charisme, la présence à l’écran de Matthieu Kasiama, sa naïveté quant au monde industrialisé, la justesse de ses remarques quant à l’appropriation par les occidentaux de l’art primitif, touchent juste. Son voyage à New York est un des moments fort du documentaire. Loin de toute récupération, de toute compassion, White Cube interroge nos consciences, permet de porter un regard plus éclairé sur les paradoxes d’une économie déséquilibrée par des années d’impérialisme, de découvrir des artistes engagés, qui, à travers leur création brute, puissante parle de leur quotidien. 

I silenti, le chant ardent de l’âme Rom
I Silenti d’après Claudio Monteverdi. Composition de Fabrizio Cassol. Mise en scène de Lisaboa Houbrechts. Festival de Marseille © Kurt Van Der Elst

Dans la grande salle du théâtre de la Criée, Fabrizio CassolTcha Limberger et Lisaboa Houbrechts proposent une plongée dans l’histoire du peuple gitan , et plus particulièrement dans les heures sombres du génocide des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale. Rompant le silence des survivants à travers les musiques de Monteverdi revisitées, sublimées par des airs tsiganes, Le trio d’artistes invite à un voyage triste, joyeux, dans l’âme bohémienne de tout un peuple. Entremêlant opéra, concert et danse – malheureusement en raison de la crise de la covid, la merveilleuse danseuse Shantala Shivalingappa n’est pas sur scène en ce début de tournée – , I Silenti chante, poétise les amours, les exils forcés, les morts, l’extermination, les ravages des préjugés, de ceux qui ont toujours préféré le voyage à la sédentarisation. 

Des voix d’or

Par-delà les images en noir et blanc, fortes, saisissantes, de camps de concentration, de charniers, de roulottes qui brûlent, c’est les voix de Claron McFadden, de Nicola Wemyss, de Jonathan Alvarado et de Tcha Limberger, qui emportent au loin nos corps, nos esprits. Pensé comme un rêve, un songe, un cauchemar éveillé, I Silenti convie sur scène les fantômes des temps passés, toutes les traditions gitanes. C’est beau, troublant, émouvant. Le spectacle, déjà fort abouti, devrait gagner en grâce et puissance dès que la danseuse indienne rejoindra l’aventure et illuminera de sa présence unique le plateau scénographié par Oscar Van Der Put

Granvat embrase le fort Saint-Jean
Come on feet de Granvat. festival de Marseille © DYOD

Pour finir en beauté, cette journée riche en émotion, il est temps de lâcher prise et de danser sur les rythmes endiablés des frères, Bert et Stijn Cools, fondateurs de la maison de production belge, Granvat. Mixant les musiques ambiance clubbing, les deux frangins proposent une performance hip-hop, krump et street dance. Sous le regard du chorégraphe vietnamien Quan Bui Ngoc, six danseurs s’emparent de la scène installée devant l’ancienne caserne et mettent le feu au fort Saint-Jean.

Une voix dans la nuit 

Gestes lents, mouvements robotiques, les performeurs font monter la température entre en transe. Solo, danses de groupe, de troupe, s’enchainent une heure durant. Au diapason, les corps des spectateurs vibrent aux sons des beats, des reefs de guitares. Le show prend une autre dimension, presque spirituelle, quand Boule Mpanya s’empare du micro, que son chant s’envole dans les airs. Le lieu, la musique, la présence des danseurs, tout concourt pour faire de ce moment, une expérience unique. 

La journée s’achève en beauté. La douceur de l’air marin est plus que bienvenue. La nuit s’ouvre aux aventureux, aux festifs. Le couvre-feu encore en vigueur, n’entame en rien le bonheur d’être là, à Marseille, découvrir des sons, des cultures et des artistes d’ailleurs.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé Spécial à Marseille

Affiche du festival de Marseille

Festival de Marseille

White Cube de Renzo Martens
Lusanga / Amsterdam
Film documentaire
Les 19 et 20 juin 2021
Théâtre de la Criée

30 quai de Rive Neuve
13007 Marseille

Jusqu’au 20 juin 2020
Durée 79 minutes

I Silenti d’après Claudio Monteverdi
Festival de Marseille
Théâtre de la Criée
30 quai de Rive Neuve
13007 Marseille

Jusqu’au 20 juin 2020
Durée 1h30 environ

Composition de Fabrizio Cassol 
Voix et violon Tcha Limberger 
Mise en scène de Lisaboa Houbrechts 
Danse Shantala Shivalingappa 
Avec Claron McFadden, Nicola Wemyss, Jonathan Alvarado (voix), Tcha Limberger (voix et violon), Philippe Thuriot (accordéon), Vilmos Csikos (contrebasse), Simon Leleux (percussions), Georgi Dobrev (kaval) 
Scénographie d’Oscar Van Der Put 
Costumes d’An Breugelmans 
Lumière de Carlo Bourguignon 
Son de Carlo Thomson, Guillaume Desmet 
Conseil à la dramaturgie Christian Longchamp

Come on feet de Granvat
Concert Performance
Belgique
Mucem
Place d’Armes du fort Saint Jean
Entrée Panier : parvis de l’église Saint-Laurent
Du 18 au 20 juin 2021
Durée 60 minutes

Crédit photos © DYOD, © Humans activities et © Kurt Van Der Elst

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