Didier Ruiz sonde la foi béatifiante des Hommes

A la MC93, devant un petit nombre de professionnels, Didier Ruiz présente sa dernière création, Que faut-il dire aux Hommes ? Après avoir posé un regard bienveillant, touchant, sur le parcours de Trans espagnols, le metteur en scène interroge de véritables croyants sur la foi et la spiritualité. Un spectacle en quête de lumière. 

En ce samedi après-midi, la ligne 5 du métro parisien est bien vide. Quelques quidams, plongés dans leur portable, quelques familles emmitouflées dans leurs doudounes, se dirigent vers le nord-est de Paris. Passé la porte de Pantin, la rame se dépeuple encore un peu plus. Au terminus, station Bobigny -Pablo Picasso, seule une poignée de voyageurs en sortent. Chacun vaque à ses occupations, certains rentrent chez eux, d’autres se dirigent à grandes enjambées pour se réchauffer vers la MC93. 

Un décor minimaliste

Dans le Hall, un petit nombre d’invités, des professionnels, attendent patiemment de pouvoir monter au cinquième étage et s’installer, en respectant bien évidemment les consignes sanitaires en vigueur, dans la salle modulable. Sur le plateau, une immense estrade en bois est posée. Elle semble suspendue dans les airs par six cordes vertes. Tels des chapelets où sont accrochés quelques babioles, quelques infimes souvenirs, elles s’égrènent avec lenteur tout le temps du spectacle. 

Des histoires entrecroisées

En juillet, lors d’une répétition ouverte à un tout petit nombre de journalistes, nous avions laissé les sept protagonistes de cette histoire, aux prises avec leur foi, avec ce que la croyance en dieu leur apporte au quotidien. Irradiants la scène, ils avaient su montrer un chemin spirituel, un endroit à la frontière du réel, du matériel, qui éclaire intensément leur vie. Quelques mois, plus tard, ils ont affiné leurs pensées, recentré leur propos, guidés par Didier Ruiz. L’un après l’autre, les sept croyants investissent la scène, font le récit de leur parcours initiatique. Illuminés, ils offrent une part intime de leur âme, un morceau de choix. 

Un souffle à retrouver

L’incroyable foi en une divinité, débarrassée de tout dogme, de tout précepte religieux, de tout diktat, fait de ces sept individus des êtres uniques, singuliers, voyant au-delà de la trivialité du monde. La force vitale qui émanait d’eux l’été dernier a fait place malheureusement a une sorte de didactisme, qui a éteint quelque peu leur lumière intérieure. Encore fragile, en raison des répétitions tronquées, chamboulées et des reports imposés par les deux confinements et les directives gouvernementales, le spectacle manque de pratique. Peu habitués à la scène, les sept intervenants n’ont pas encore trouvé tout à fait leur marque, leur espace de liberté. Le temps, la confrontation avec le public, devraient leur permettre d’irradier à nouveau, de porter leurs belles paroles, leur profession de foi. 

De l’ordre de l’immatériel

Trop lissé, trop resserré peut-être, Que faut-il dire aux Hommes ? manque de ces petites anecdotes, de ces petites parenthèses de vie qui nous avaient tant enchantés lors des répétitions estivales. De minimes écueils, d’infimes effets de style, que Didier Ruiz, en fin observateur du monde, devrait modifier, pour insuffler à son œuvre collégiale ce petit je-ne-sais-quoi de mystique et d’inspiré. 

Loin de toutes guerres de religion, de tout prosélytisme, le metteur en scène aspire à offrir aux spectateurs, dès que cela sera possible, à se laisser emporter une bouffée de grâce dans un horizon bien morose.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Que faut-il dire aux Hommes ? de Didier Ruiz
Créé le 15 octobre 2020 à La Faïencerie de Creil
Représentations exceptionnelles ouvertes aux professionnels à la
MC93
Durée 1h30 environ

Tournée
le
9 février 2021, Théâtre de Chevilly-Larue
Le 18 février 2021, Châteauvallon scène nationale, Ollioules
Le 17 mars 2021, Théâtre de La Coupole, Saint-Louis
du 4 au 20 mai 2021 (relâches 8, 9, 13-18), Théâtre de La Bastille, Paris 

Mise en scène de Didier Ruiz assisté de Myriam Assouline et Céline Hilbich
Avec Adel Bentounsi, Marie-Christine Bernard, Olivier Blond, Eric Foucart, Grace Gatibaru, Jean-Pierre Nakache, Brice Olivier…
Collaboration artistique Tomeo Vergés
Dramaturgie d’Olivia Burton
Scénographie d’Emmanuelle Debeusscher assistée de Floriane Benetti
Costumes de Solène Fourt
Lumière de Maurice Fouilhé
Musique d’Adrien Cordier

Crédit photos © Emilia Stefani-Law

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