Suite à l’annulation de la saison estivale de Bussang, Simon Deletang propose en guise de pied de nez à la covid, un oratorio éléctro-rock. Adaptant à la scène un court essai philosophique de l’écrivain danois Stig Dagerman sur le sens de la vie, le directeur du Théâtre du peuple signe un hymne à la vie, sensible et fragile.
Au cœur des Vosges, fier et rural, le Théâtre du Peuple se dresse. Sa structure en bois, soumise au rude climat du jura, se patine avec le temps, s’abîme parfois mais jamais ne perd son inaltérable singularité. Vétuste autant que chaleureux, le lieu accueille chaque année en été, près de 30 000 spectateurs. La plupart sont des habitués, qui reviennent toujours, découvrir de nouvelles créations théâtrales dont la spécificité est de faire appel à un distribution mixte mêlant professionnels et amateurs. Cette année, la crise sanitaire a eu raison de la saison. La salle créée en 1895 par Maurice Pottecher est restée désespérément vide.
Un brin de philosophie

Triste de ne pouvoir accueillir festivaliers et bénévoles, qui de juillet à septembre, donne au lieu des airs de ruche, Simon Deletang, directeur artistique de l’institution depuis 2017, a eu l’idée de mettre en scène un texte qu’il avait lu alors qu’il était encore apprenti-comédien à l’ENSATT, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman. Dans cet essai philosophique, paru en 1952, le journalistelibertaire danois questionne l’importance de la vie, de la mort et de la liberté individuelle. Dubitatif parfois, pessimiste le plus souvent, il cherche à trouver sa place sur terre, à définir ce qui fait de lui un homme. Oscillant en permanence entre ténèbres et lumière, ce farouche défenseur du libre-arbitre se veut porteur d’un espoir fragile autant que mélancolique.
Un style dépouillé, percutant
Porté par la musique éléctro-rock du groupe Fergessen, les mots de Dagerman résonnent étonnement justes, précis, dans la salle vide du théâtre du Peuple – le public étant installé sur scène. La musicalité du texte dit avec retenue par Simon Deletang, le lieu rappelant quelques vieux châteaux médiévaux, quelques contes de des frères Grimm, invite(nt) à la rêverie, à la médiation. Les riffs de guitare, les sonorités itératives du synthé hypnotisent et tendent parfois à faire perdre le fil de la réflexion. Loin d’en pâtir, le spectateur en profite pour s’évader, à questionner sa propre destinée.
A chacun son avenir

Avec sobriété, Simon Deletang s’empare des pensées de l’auteur pour les faire siennes, pour leur donner une autre dimension, un sens moins noir. Se servant du cadre magique qu’offre ce théâtre vosgien, il distille en cette période morose et anxiogène, une lumière chaleureuse, diffuse. Certes, Stig Dagerman fait le choix de la mort pour se délivrer de ses tourments, mettant fin brutalement à l’écriture de cet essai, mais c’est son indéfectible amour de la liberté que le metteur en scène et comédien soulignent vivement.
Hymne à la vie, combat permanent entre abattement et joie, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier réveille doucement, mais surement, le temps de quelques après-midis, le Théâtre du Peuple. Et c’est bien le plus important !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Bussang

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman
Théâtre du Peuple – Maurice Pottecher
40 rue du théâtre
88540 Bussang
Du 29 août au 6 septembre 2020
Du jeudi au dimanche à 17h et 19
Durée 40 minutes environ
Conception et interprétation de Simon Delétang
Création musicale et interprétation de Fergessen (Michaëla Chariau et David Mignonneau)
Crédit photos © Jean-Louis Fernandez