Winston et son ami neurasthénique

Après l'Espace des Arts de Chalon, Gille Cohen invite Churchill a diner au Rond-Point.

Entremêlant la vie morne d’un dépressif chronique à celle plus flamboyante de Churchill, dont il est grand fan, Hervé Le Tellier signe un texte certes drôle mais par trop léger. L’adaptant à la scène, Gilles Cohen achoppe à lui donner rythme et peps. Malgré une belle et mélancolique présence, l’ensemble a bien du mal à décoller. 

Tout est prêt. Charles (Gilles Cohen) a mis les petits plats dans les grands. Churchill, dont il connaît tous les discours par cœur, a accepté de venir dîner chez lui, ce soir. Champagne, huîtres, cigares et whisky, viennent donner un semblant de vie à la table noire, placée au centre de la scène. il faut dire que c’est pas la grande forme. L’hôte de céans a tout de l’asthénique, du taciturne. Sa femme l’a plaqué, son chat Spitfire n’est plus, son boulot – téléopérateur d’une hot line d’une assurance – n’a rien de transcendant. Il s’enferre chaque jour un peu plus dans une dépression de plus en plus morbide. Sa seule joie, son oxygène, c’est cette passion pour le « Vieux Lion », pour sa prose, sa faconde unique. 

Une écriture légère

Naviguant entre fantasme et réalité, Hervé Le Tellier plonge dans les méandres réflexifs d’un français moyen, d’un petit homme gris. Le texte est enlevé, vif, mais manque de corps, de matière. Il survole Churchill, ne garde que quelques bribes de ses discours de guerre et peu de chose de sa visée politique, pour mettre surtout en exergue finalement le bonhomme, ses tiques, ses manies. Pourtant, la pièce regorge de saillies drolatiques, de références historiques. Loin d’un biopic, Un dîner avec Winston pourrait être une fable fort sympathique pointant les errances d’un quotidien banal par opposition à la vie trépidante et extraordinaire de l’homme qui a mis Hitler à terre. 

Une jolie présence

Malheureusement, faute de rodage, on ressent comme une inadéquation entre l’œuvre de Le Tellier et la vision qu’en fait Gilles Cohen. Sa mise en scène est inventive mais pêche par manque de tonus, de rythmique. Elle surligne la neurasthénie de Charles, sans pourtant s’appuyer sur la personnalité hors-norme de Churchill pour faire contraste. Le comédien pourtant ne démérite pas. Il a fière allure dans sa combinaison de « sirènes » – la même portée par le grand homme pour se mettre à l’abri lors des bombardements de Londres.

Un seul-en-scène en devenir

Véritable entre deux entre One man show, qui ne dit pas son nom, et pièce plus cérébrale, Un Diner avec Winston séduit à la marge, sans pour autant emporter. La voix envoûtante du sémillant Benjamin Clementine vient joliment mettre un point final à un spectacle qui devrait gagner en fluidité lors de son exploitation au Rond-Point

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Chalon-sur-Saône


Un dîner avec Winston d’Hervé Le Tellier
Espace des arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône
5B Avenue Nicéphore Niépce
71100 Chalon-sur-Saône
Jusqu’au 6 février 2020
Durée 55 min environ 

Reprise 
Théâtre du Rond-Point
Salle Jean Tardieu
2bis av Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Du 4 mars au 5 avril 2020

Mise en scène et interprétation de Gilles Cohen assisté d’Aurélie Delas
Collaboration artistique de François Berland
Décor de Jean Haas
Lumière de Jean Pascal Pracht
Vidéo d’Olivier Roset
Costumes de Cidalia da Costa
Son de Stéphanie Gibert

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