Une Petite Sirène diablement revisitée à la Colline

A la Colline, Emma Dante ré-enchante La Petite Sirène.

S’inspirant très librement du conte d’Andersen, la metteuse en scène sicilienne Emma Dante signe une fable contemporaine sur la différence et l’exclusion. Entre comédie burlesque et tragédie pantomimique, les amours contrariées de la Petite Sirène virent à la farce noire. 

Jolie comme un cœur, immortelle, Agnès, la Petite Sirène, s’ennuie ferme dans l’eau froide des océans. Elle n’aime décidément pas cette sensation glacée sur la peau. Sur son rocher, elle rêve d’ailleurs, de romance, de passion. Un charmant prince, un naufragé, lui fait de l’œil et elle se voit déjà sur le trône, heureuse et mariée. Un petit souci, sa queue de poisson l’empêche de le suivre sur la terre ferme. Elle convoque la sorcière des mers dans le secret espoir de pouvoir marcher grâce à des jambes d’être humain. Pour prix de ce service, elle doit tout abandonner sa famille et surtout sa voix cristalline. Un choix cornélien qu’elle accepte pour un amour hypothétique, au risque si l’l’idylle tourne court de finir écume, le cœur brisé. 

De sa plume affutée, carnavalesque, Emma Dante réinvente le mythe non pour en adoucir la cruauté, mais pour simplifier l’intrigue, la rendre intelligible aux plus jeunes. L’amour n’est qu’une manière pour la Petite Sirène d’ arriver à ses fins, trouver une terre d’asile où enfin elle se sentira bien. Naïve, elle se fait duper. Entière, elle espère un monde où tout sera simple, où elle n’aura pas à se méfier des autres, de leur inconstance, de leur intolérance. 

La magie opère. Les grimaces granguignolesques du prince benêt, interprété par l’étonnant Davide Celona, les perfidies cocasses de la sorcière, campée par l’épatante Stéphanie Taillandier, et le jeu ingénu de la remarquable Elena Borgogni, font des merveilles. Si les mots, somme toute lapidaires, ne suffissent pas, les gestes, les corps, les enchaînements chorégraphiques, mâtinés de commedia dell’arte en disent longs. C’est eux qui attrapent notre attention et enchantent petits et grands. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


Fable pour un adieu d’Emma Dante d’après la Petite sirène de Hand Christian Andersen 
La Colline – théâtre national
15, rue Malte-Brun
75020 Paris 
Jusqu’au 22 décembre 2020
Durée 50 min environ 


mise en scène d’Emma Dante
avec Elena Borgogni, Davide Celona, Stéphanie Taillandier
décor de Carmine Maringola 
lumières de Cristian Zucaro
piano de Laurent Durupt

Crédit photos © Carmine Maringola

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