Cyrano De Bergerac, Yanua Compagnie, Katja Hunsinger & Rodolphe Dana, Théâtre du Peuple © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Au Théâtre du Peuple, le flamboyant Cyrano de Bergerac du duo Dana-Hunsinger

Ouvrant la saison d'été du Théâtre du Peuple, la belle mise en scène de Cyrano de Bergerac proposée par Rodolphe Dana et Katja Hunsinger donne son élan populaire à la pièce de Rostand, et fait corps avec un lieu magique.

Cyrano De Bergerac, Yanua Compagnie, Katja Hunsinger & Rodolphe Dana, Théâtre du Peuple © Christophe Raynaud de Lage

Ouvrant la saison d’été du Théâtre du Peuple, la belle mise en scène de Cyrano de Bergerac proposée par Rodolphe Dana et Katja Hunsinger donne son élan populaire à la pièce de Rostand, et fait corps avec un lieu magique.

Christophe Raynaud de Lage

« Montfleury ! Montfleury ! » Sur les balcons qui jouxtent, à cour et à jardin, la grande scène du Théâtre du Peuple, les bourgeois et les marquis acclament le cabot qui ne tardera pas à être chassé des planches par Cyrano. Si l’ambiance est à la fête dans la pièce, elle l’est aussi dans la salle, dès l’ouverture du premier acte jouée dans les gradins, au milieu du public. L’ouverture de Cyrano de Bergerac, créé ce samedi dans l’institution vosgienne, réunit les éléments nécessaires pour honorer le « chef-d’œuvre populaire » défendu par ses deux metteurs en scène, Katja Hunsinger et Rodolphe Dana (à la tête depuis janvier, mais après vingt ans de collaboration, de la Yanua Compagnie). Il y a l’humour, l’élan épique, l’éclat spectaculaire auxquels s’ajouteront, plus tard, l’expression glorieuse, bien que contrariée, du sentiment amoureux.

Forcément, la maison de Maurice Pottencher, dirigée dès octobre par Julie Delille, sa structure en bois qui est déjà un décor, sa grande cage de scène qui ouvre sur la forêt font un parfait écrin pour la pièce. Les beaux décors d’Adèle Collé ont de toute façon été pensés pour fonctionner avec le lieu. Sans oublier les membres de la troupe annuelle de comédiens amateurs de la maison ainsi que quelques figurants, lesquels donnent ses couleurs à une distribution généreuse. C’est avec cette croyance dans l’affinité naturelle du théâtre bussenet et de l’univers XVIIe dépeint par Rostand qu’avance le duo de metteurs en scène, conduisant les comédiens à faire vivre le théâtre en bois autant qu’à y jouer.

Cyrano, bien vivant
Cyrano De Bergerac, Yanua Compagnie, Katja Hunsinger & Rodolphe Dana, Théâtre du Peuple © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Dans le rôle-titre, Rodolphe Dana n’est pas de ces Cyrano qui écrasent les autres personnages et s’accaparent le plateau. Il n’en possède pas moins l’épaisseur, le mélange de « panache » et de tendresse qui le définissent et en font un archétype incontournable du théâtre français, au même titre que Sganarelle. Et son grotesque nez prosthétique n’empêchent pas de voir, derrière, l’homme charmant à l’amour empêché, dont la bravoure s’élève au rang de moteur dramatique.

Nous voilà donc menés tambour battant le long d’une version condensée à un peu plus de deux heures et demie, mais qui honore joyeusement les passages incontournables de la pièce, notamment la scène du balcon où se noue le cœur de l’histoire. Le duo délicieux formé par Dana et Olivier Dote-Doevi — un Christian touchant, aussi beau que candide — s’y rassemble autour de l’aimée Roxane, campée avec force mais sans excès par la convaincante Laurie Barthélémy. La scène suscite quelques-uns des nombreux éclats de rire qui rythment la représentation, lesquels jaillissent souvent en présence d’Antoine Kahan, comte de Guiche ahuri et ridicule, sans réel salut.

Les tableaux se suivent mais ne se figent pas. Cyrano traverse le beau décor en carton-pâte dans lequel joue Montfleury avant de se rendre chez Ragueneau, où une foule vêtue des beaux costumes d’époque dessinés par Irène Jolivard s’agite autour du banquet. À l’acte IV, Roxane fait une arrivée spectaculaire à cheval dans le camp militaire attaqué par les Espagnols, puis, à l’acte V, se retire dans le couvent où elle apprend la vérité cachée par Cyrano, tandis que les variations de la lumière extérieure sur les grands rideaux blancs confinent au sublime. Si l’on regrette, parfois, que tous les ingrédients de cette mise en scène maximaliste n’atteignent pas le même niveau de complétude, notamment du côté d’une création sonore quelque peu en-deçà, on ne saurait détourner le regard de ce Cyrano généreux et joyeux, qui mérite d’autant plus le voyage à Bussang qu’il ne saurait, semble-t-il, être aussi beau ailleurs.

Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Bussang

Cyrano de Bergerac d’Edmond de Rostand
Théâtre du Peuple – Maurice Pottecher
40 rue du Théâtre, 88540 Bussang

Du 29 juillet au 2 septembre 2023
Du jeudi au dimanche à 15h
Durée 3h environ avec entracte

Adaptation et mise en scène Katja Hunsinger & Rodolphe Dana (Yanua Compagnie)
Lumière Valérie Sigward et Manon Bongeot
Son Jefferson Lembeye
Scénographie Adèle Collé
Costumes Irène Jolivard
Maître d’arme François Rostain assisté de Pierre Berçot
Assistante mise en scène Lena Dana

Avec Victoria Allé*, Laurie Barthélémy, Nathan Boillot*, Rebecca Bolidum*, Victorien Bonnet*, Antonin Brizard*, Rodolphe Dana, Olivier Dote-Doevi, Martial Durin*, Hugues Dutrannois*, Antoine Kahan, Thomas Meyer*, Marie-Blanche Monteleone*, Léon Ostrowski*, Mathilde Toussaint*, Céline Véron* et une quinzaine de figurant·e·s.
*membres de la troupe 2023 de comédiennes et comédiens amateurs du Théâtre du Peuple.

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