Crise de nerfs d'après Tchekhov. Jacques Weber. Mise en scène de Peter Stein. Théâtre de l'atelier. © Maria-Letizia Piantoni

Peter Stein multiplie Weber par trois à l’Atelier

Au théâtre de l'Atelier, Peter Stein s'empare de trois farces de Tchkhov et met les nerfs de Jacques Weber à rude épreuve.

À travers ces trois farces, Le chant du cygne, Les méfaits du tabac et La demande en mariage, Tchekhov nous trace le portrait de trois hommes au bord de la Crise de nerfs dès plus savoureuse mise en scène par Peter Stein au Théâtre de l’Atelier, dans lesquelles Jacques Weber démontre à nouveau son immense talent.

Le metteur en scène allemand Peter Stein retrouve son acteur français fétiche Jacques Weber. Ensemble, ils nous proposent une excellente démonstration sur l’art du comédien, cet animal étrange capable d’incarner différents personnages, reproduire des émotions de toute nature, de passer d’un style à l’autre… Weber appartient à la race des monstres sacrés, ceux qui dévore la scène, qui maîtrise leur art. Dans ces pièces en un acte de Tchekhov, véritables panels de la nature humaine, se glissant dans la peau de trois personnages bien différents, Weber nous a une fois de plus conquise.

Le chant du Cygne
Crise de nerfs d'après Tchekhov. Le chant du cygne. Jacques Weber. Mise en scène de Peter Stein. Théâtre de l'atelier. © Maria-Letizia Piantoni

En démarrant le spectacle avec cette pièce courte, Peter Stein, comme un clin d’œil, nous plonge dans les méandres de la pensée et les souvenirs d’un vieux comédien de province en fin de carrière. Ce soir, c’était sa dernière représentation, il ne jouera plus. Totalement ivre, il se retrouve sur le plateau, encore dans son habit de scène. Le théâtre était sa raison de vivre, il a peur de l’après. Surgit alors le vieux souffleur Nikita. L’acteur va s’épancher, raconter sa vie, sa trajectoire, ses grands rôles, qui ne sont en réalité qu’une suite de ratages, d’échecs. Dans ce plateau vide, plongé dans le noir (subtiles lumières de David Maul), les personnages, vêtus de blanc, apparaissent alors comme des fantômes. le metteur en scène allemand a choisi d’accentuer le côté sombre de cette farce. Peut-être un peu trop à mon goût, cela empêche de ressentir une certaine empathie avec ce vieux cabot. Pour incarner cet acteur sans talent, Weber ne force pas le trait, même si de temps en temps, il se permet de judicieuses pirouettes vocales. La sobriété de son jeu est aussi subtile que l’ivresse de son personnage. Et quand ce dernier joue les adieux de Cyrano, la salle réagit  tout de suite, l’œil du comédien s’allume d’une flamme complice avec les spectateurs. 

Les méfaits du tabac
Crise de nerfs d'après Tchekhov. Les méfaits du tabac. Jacques Weber. Mise en scène de Peter Stein. Théâtre de l'atelier. © Maria-Letizia Piantoni

Changement de décor, une table, un tableau noir, une lumière éclatante ! Arrive Weber et c’est tout juste si on le reconnaît. Perruque noire, vêtement strict, cartable à la main, démarche mal assurée, l’effet est super ! Et il s’en régale ! Ce texte de Tchekhov est des plus savoureux. Un homme vient faire une conférence sur un sujet dont il n’a rien à dire, le tabac. C’est sa femme, véritable tyran, qui l’a obligé. Alors, il va parler de tout sauf de tabagisme. En revanche, il va se lâcher sur son épouse tyrannique, l’établissement d’éducation qu’elle dirige, ses nombreuses filles, son triste quotidien, sa solitude et sa servitude. l’acteur donne beaucoup de couleurs aux sentiments qui traversent cet homme attachant devenu terne à force de soumission et de maltraitance par les siens. C’est un feu d’artifices savamment dosé qui nous a éblouis. 

La demande en mariage
Crise de nerfs d'après Tchekhov. La demande en mariage. Jacques Weber. Mise en scène de Peter Stein. Théâtre de l'atelier. © Maria-Letizia Piantoni

Ce grand classique, petit bijou de drôlerie, est l’apothéose de ce spectacle. Pourtant, Weber n’en n’est pas la vedette. Il incarne le père, rôle souvent sucré dans les représentations de la pièce. Mais être comédien, c’est jouer avec les autres et un second rôle a autant d’importance qu’un premier rôle. Là encore, changement de décor, où l’on nous plonge dans le salon cosy d’une famille de terriens qui ne manque pas d’argent. Stein a choisi de faire du paysan russe, un notable bien installé. Il a un langage de vieille dame, employant des petits noms affectueux mielleux lorsqu’il s’adresse aux gens. Son jeune voisin vient lui demander la main de sa fille et cela le met tout en joie. Toute la force de cette petite et délicieuse comédie réside dans cette demande en mariage, qui va cesser de dégénérer pour cause de caractères trop bien trempés. Manon Combes, extraordinaire d’inventivité de jeu, et Loïc Mobihan, toujours aux bords de l’explosion, sont formidables. Quant à Jacques Weber en père dépassé par les événements, il est parfait. J’en ai vu des Demande en mariage, je sais que cela demande une qualité de jeu exceptionnelle. Ici tout est parfait de la mise en scène de Stein à l’interprétation des trois comédiens. Une fête théâtrale que l’on déguste avec plaisir.

Marie-Céline Nivière

Crise de nerfs d'après Tchekhov. Jacques Weber. Mise en scène de Peter Stein. Théâtre de l'atelier. © Maria-Letizia Piantoni

Crise de nerfs d’après 3 farces d’Anton P.Tchekhov – Le Chant du cygne, Les Méfaits du tabac, Une Demande en mariage
Théâtre de l’Atelier

1 Place Charles Dullin
75018 Paris 

à partir du 22 septembre 2020
Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 17h
Durée 1h35 

Mise en scène Peter Stein assisté de Nikolitsa Angelakopoulou
 Avec Jacques Weber , Manon Combes & Loïc Mohiban 
Scénographie de Ferdinand Wœgerbaueur
 Costumes d’Anna-Maria Heinreich

Crédit photos © Maria-Letizia Piantoni

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