Pariscope, l’histoire d’une passion

En ces temps de confinement, d'introspection, Marie-Céline Nivière revient sur les années Pariscope, dont elle fut l'une des précieuses plumes.

Aujourd’hui, c’est mercredi ! Autrefois, c’était le jour tant attendu de la sortie de Pariscope. Petit par la taille mais costaud par le contenu. C’était le guide des sorties parisiennes, théâtre, cinéma, exposition, restaurant… Tout ce qui est actuellement fermé. On aurait été bien en cette période de confinement, plus rien à annoncer, à conseiller. 

Mais voilà, le « petit » journal dans sa version papier n’existe plus depuis 2016, la fameuse crise de la presse écrite l’a « confiné » aux oubliettes, le groupe de presse qui le gérait ayant totalement manqué le passage au numérique et à imaginer, inventer l’avenir pour les titres qu’il détenait. Je sais qu’il manque à beaucoup d’entre vous, et il me manque aussi. J’y ai travaillé durant 25 ans. Ce matin, je me suis levée en pensant à lui. 

Un chat pour témoin

Quand, j’ai dit au chat que j’allais écrire sur le sujet, cela l’a fait sourire. Et lorsque cela lui arrive, il ressemble à Chester le chat d’Alice au pays des merveilles. Cela fait dix ans que je le garde régulièrement, alors Pariscope, il a bien connu. Quand, il était petit, il me voyait partir tôt et rentrer très tard. Maintenant, il me subit toute la journée et même la nuit, je sens dans son regard comme une grande nostalgie, celle de l’époque où il avait la maison pour lui tout seul.

Ligne programme et chemin de fer

Quant à moi, j’ai la nostalgie de ce temps, même si c’était très épuisant. Car, ce n’était pas une mince affaire de tenir ce journal à jour. Les lignes programmes qui se devaient d’être au plus juste. Vous ne pouvez imaginer les relectures et vérifications. Et notre pire cauchemar était le lundi quand nous étions toute l’équipe sur la programmation cinéma, qui se faisait en une journée. Fallait aller vite pour entrer dans la base tous les horaires. C’était aliénant et stressant. Le soir, tout partait à l’imprimerie et le lendemain dans la journée on recevait le journal sur nos bureaux. On l’ouvrait avec fierté et aussi une petite appréhension, craignant la fameuse peau de banane qui se serait glissée dans une ligne programme, dans un article. Comme le fameux « Potage de midi » ! Mais pas le temps de se reposer, nous étions déjà sur le prochain numéro. 

Une rubrique pour l’art vivant

La rubrique théâtre fonctionnait ainsi, le lundi on donnait à la maquette les articles pour ce que l’on nommait les ouvertures, le mardi ceux qui iraient à l’intérieur de la rubrique. En même temps, nous mettions à jour les horaires, ajoutant les nouveautés et enlevant ce qui s’était terminé. Le mercredi, on calibrait. On allait voir la rédactrice en chef en lui disant le nombre de pages qu’il nous semblait nécessaires pour la rubrique. Et selon son chemin de fer, elle nous disait si c’était bon. C’était l’horreur lorsqu’elle nous annonçait qu’elle ne pouvait pas nous donner les 4 pages souhaitées, mais seulement une. Cela voulait dire que nous allions devoir couper dans les programmes, ne pas mettre tous les articles prévus. Et quand elle nous demandait une page de plus de ce que l’on avait prévu on ronchonnait et on se jetait sur notre ordinateur pour écrire en urgence des articles. Le jeudi matin, nous maquettions la rubrique. Et oui, ce n’était pas les maquettistes qui s’en chargeaient, mais nous. Et on repartait sur le numéro prochain. Le vendredi, nous écrivions nos articles. Et cela recommençait, la routine.

Les sollicitations, les conseils

Entre-temps, nous répondions aux diverses et multiples demandes des attachés de presse qui souhaitaient savoir si nous allions voir leur spectacle. Pour beaucoup, on prenait tout de suite rendez-vous, pour d’autres, ils faillaient nous convaincre. Et comme une semaine ne contient que sept jours, nos soirées étaient vite occupées. Mais on avait aussi, des amateurs, des novices, qui nous appelaient, nous demandant si cela nous arrivait de sortir au théâtre. D’autres voulaient savoir ce qu’il devait faire pour que l’on vienne les voir. Ma réponse préférée était : Faut coucher ! Le téléphone, les mails n’arrêtaient pas de sonner ou de biper. C’était stressant, car nous savions que l’on ne pouvait pas satisfaire toutes les demandes. Et il y avait les lecteurs qui souhaitaient qu’on leur donne des conseils. Et oui, ils appelaient ! 

Paris, la nuit

Quand on sortait du journal, la journée n’était pas terminée. C’était spectacle. La récompense lorsque celui-ci était réussi, la punition quand il était raté. Mais ensuite, il y avait l’after avec les artistes, les amis. Dans mes premières années de Pariscope, Paris la nuit était si riche, le Sherwood, le Grand Colbert, Chez Ali et j’en oublie. De ces soirées, je récoltais des informations, suivais les créations des uns et des autres, et surtout je garde le souvenir de grands éclats de rire. L’oiseau de nuit que j’étais, et que je rêve de redevenir, rentrait souvent après minuit pour être debout pas trop tard pour arriver à l’heure au journal. 

Une époque

Ma plus belle récompense était lorsque j’apprenais que grâce à un article, les réservations avaient connu une belle hausse, quand un comédien, une comédienne, un auteur, une autrice, un metteur ou metteuse en scène, me disaient combien mes mots les avaient touchés, quand j’ai dû quitter le journal, tous ont continué à m’en parler, évoquant souvent leur premier article et leur fierté d’avoir eu « un Pariscope ». Comme me le rappelle le chat, » Le petit journal » n’est plus, en tout cas sous sa forme papier, il n’y a, pour le moment, plus de spectacle à voir, mais aujourd’hui c’est L’Œil d’Olivier, et ça c’est extra.

Marie Céline Nivière
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