Discotake, une édition Zéro très prometteuse

A Bordeaux, Renaud Cojo, via sa structure Ouvre le Chien, lance l’édition de son premier festival Discotake. A partir d’un album qui a marqué leur vie, des artistes d’univers différents imaginent des performances à la frontière des arts vivants. Danse, théâtre, arts plastiques et musique en tout genre font le show et invitent les spectateurs à pénétrer au plus près du geste créatif. Une expérience singulière et incroyable ! En ce week-end de mai, le soleil darde de ses rayons la cité bordelaise. Au cœur d’un ensemble d’immeubles, la salle des fêtes, tout nouvellement rouverte, s’est parée de ses plus beaux

A Bordeaux, Renaud Cojo, via sa structure Ouvre le Chien, lance l’édition de son premier festival Discotake. A partir d’un album qui a marqué leur vie, des artistes d’univers différents imaginent des performances à la frontière des arts vivants. Danse, théâtre, arts plastiques et musique en tout genre font le show et invitent les spectateurs à pénétrer au plus près du geste créatif. Une expérience singulière et incroyable !

En ce week-end de mai, le soleil darde de ses rayons la cité bordelaise. Au cœur d’un ensemble d’immeubles, la salle des fêtes, tout nouvellement rouverte, s’est parée de ses plus beaux atours. Passée la façade colorée, magnifique restaurée, œuvre du céramiste Paul Corriger d’après un dessin de Claude Ferret, l’un des architectes de ce bâtiment en forme de bobines de fil, inauguré en 1965, le bureau du festival Discotake attend les curieux. Passionné de musique, et profondément bouleversé par The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars de David Bowie, Renaud Cojo, directeur de cette manifestation a tenu à ce que , dans un coin du foyer, la fameuse cabine téléphonique rouge que l’on voit sur la pochette de l’album, soit présente, permettant à chacun de prendre la pose. 

Ghost rider

Colonnes de béton brut rappelant l’intérieur du palais de Tokyo, équipe souriante, bienveillante, la journée marathon peut commencer. Pas moins de cinq spectacles et un concert sont à l’affiche en ce deuxième jour de festival, autant dire qu’il n’y a pas de temps pour le farniente. C’est parti, direction le centre d’animation du Grand Parc situé à deux pas. Dans un décor apocalyptique rétro, un vieil aspirateur trône sur le devant la scène, dans des sortes de grandes cages, sont accrochés des prises électriques, des filaments de cordes et autres objets insolites, deux performeurs, un homme (Cédric Charron) et une femme (Annabelle Chambon), clones l’un de l’autre, mêmes habits, mêmes postures, mêmes cheveux longs déliés, observent le public s’installer. Dans cette aventure concoctée par Renaud Cojo, ils revisitent, avec un DJ, Suicide, le premier album du groupe Suicide. Gestes saccadées, bruits du quotidien, sons assourdissants – des bouchons sont offerts à l’entrée de la salle pour les oreilles sensibles, mots scandés, hurlés, ils nous plongent dans un univers punk, destroy, et restituent avec intensité jusque-boutiste l’ambiance d’une époque, d’un mouvement musical. Autant dire que ça pulse et ça déménage. Avec ce Ghost rider, le metteur en scène d’origine bordelaise signe un spectacle explosif porté par deux incroyables artistes. 

Megumi Satsu contre Dr No

Changement de style et de décor, après une petite ballade entre les barres HLM, retour au centre névralgique du festival. Dans la salle de concert où des groupes mythiques comme Metallica, Noir Désir ou Motörhead se sont produits, Thibaud Croisy propose à travers une lecture théâtralisée de découvrir une artiste singulière à la carrière fulgurante, Megumi Sastu. Passionnée de Français, cette chanteuse, tout droit venue du pays du soleil levant, a traversé le paysage musicale des années 70. Reprenant de sa voix grave des textes de Prévert, elle donne aux poèmes une étrangeté qui séduira tant le parolier, qu’après sa mort, sa femme, lui confiera des inédits conformément à ses dernières volontés. Etoile filante, icône underground d’un Paris intello, elle met en musique les mots de Baudrillard, de Topor ou de Frédéric Mitterrand. Envoûtante, Megumi charme l’auditoire à travers les mots choisis par le jeune auteur et metteur en scène, tombé littéralement sous le charme vénéneux de cette diva excentrique et de son sensuel morceau Je m’aime, ode à l’onanisme. Donnant vie avec délicatesse à cette femme unique en son genre, Thibaud Croisy fait mouche, intrigue et aiguise notre envie d’aller plus loin dans la découverte de cette japonaise au destin incroyable, dont le titre testament, Après ma mort, conclu cette touchante performance. 

Grandes surfaces

Même lieu, mais autre histoire. Baptise Amann se raconte à la troisième personne à travers L’école du micro d’argent, album devenu culte du groupe de rap IAM. Jouant sur les mots, s’amusant à mettre de la distance entre le récit et lui, le jeune metteur en scène livre un récit poignant et intime. Prenant comme point de départ sa rencontre à l’âge de 11 ans avec un style musical, il tisse le récit d’une vie, la sienne. Un mercredi après midi, dans une grande surface à la périphérie d’Avignon, l’adolescent va se prendre un uppercut artistique en pleine face. Emporté par des textes scandés, mitraillés, qui le touchent en plein cœur, il revient, comme dans ses spectacles, sur la cité qui l’a vu grandir, sur son premier amour, une violoncelliste, sur son meilleur ami, sur les morts qui le hantent, construisent son identité fougueuse et poétique. Il puise dans ses drames une force incroyable, une vitalité, qui emporte tout sur son passage. Pas de larme malgré les tragédies, leurs violences, juste des souvenirs qui s’égrènent, des moments suspendus, mémoriels, qui le poussent, à toujours aller de l’avant, ne jamais s’appesantir. L’émotion est là en filigrane, insidieuse, brûlante. Retrouvant son accent du sud le temps d’une anecdote, les rayons du soleil qui irradient la cité de son enfance, Baptiste Amann prend aux tripes, à l’âme. Chapeau l’artiste. 

Instrumentalisation de la musique

Difficile de passer après ce moment d’une intensité rare, relevant les manches de son tee-shirt, casquette vissée sur la tête, Phoenix Attala prend le contre pied de ses prédécesseurs. Avec un humour décalé et un sens pratique approximatif, il revisite l’histoire de la musique au cinéma et dans les séries. S’appuyant sur la bande son de Lost, il tente avec ses mots souvent maladroits, hésitants, de raconter l’Odyssée d’Homère. La performance a tout d’une pochade, d’un exercice de style, sorte de pied de nez  à une commande qu’il a du mal à honorer. Malgré un texte moins abouti, mois ciselé, il offre une respiration fort sympathique. 

33 000 tours

A peine le temps de prendre l’air, qu’il faut déjà foncer au Glob théâtre, où neuf quidams nous attendent pour nous faire partager un tube, un morceau qui les a profondément marqué. L’idée de Renaud Cojo est tout simplement géniale. Parti avec sa compagnie à la rencontre d’habitants-participants, comme il les appelle, il est entré dans leur intimité le temps d’une soirée. Chacun, l’un après l’autre, a organisé chez lui une écoute de son album fétiche. De cette expérience incroyable, unique, emplie d’émotions, il a imaginé un spectacle en forme de tranches de vie, où l’un après l’autre, à partir d’un souvenir, d’un émoi d’adolescent, d’une rencontre avec une musique, un style, une mélodie, se racontent. Le procédé, fort simple, répétable à l’envi, est d’une rare efficacité. Drôles, touchants, bouleversants, déjantés, les récits s’enchaînent faisant la part belle à la musique. Manière étonnante s’il en est de (re)découvrir des chansons inédites ou archi-connues, des artistes rares ou plus connus, 33 000 tours est une performance certes éphémère, une date pour l’instant, mais terriblement emballante. D’Elysian Shield à David Bowie en passant par la bande originale de Dirty Dancing à Durruti Column, le public se laisse emporter par le groove, le flow et ressort de l’expérience heureux, ravi, totalement séduit. 

La journée touche à sa fin. Pour la clôturer en beauté, un petit concert attend les festivaliers à la salle de fêtes. Voix grave, envoûtante, Ambra Mattioli et son groupe Aladdin Insane are revisitent Blackstar, l’ultime album de David Bowie, fil conducteur de ce festival. Une édition zéro prometteuse qui en appelle bien d’autres. On ne peut que souhaiter une longue vie à Discotake et à l’année Prochaine…

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Bordeaux


Festival Discotake 
Ouvre Le Chien
4 Rue du Port, 33800 Bordeaux
jusqu’au 26 mai 2019

Ghost Rider de Renaud Cojo 
Avec Annabelle Chambon et Cédric Charron
Centre d’animation du Grand Parc
36, rue Robert Schumann 
33000 Bordeaux
Durée 42 minutes environ

Megumi Satsu Contre Docteur No de Thibaud Croisy
Salle des Fêtes du Grand-Parc
39 Cours de Luze
33300 Bordeaux
durée 40 minutes environ

Grandes Surfaces de Baptiste Amann 
Salle des Fêtes du Grand-Parc
39 Cours de Luze
33300 Bordeaux
durée 45 minutes environ

Instrumentalisation de la musique de Phoenix Atala
Salle des Fêtes du Grand-Parc
39 Cours de Luze
33300 Bordeaux
durée 25 minutes environ

33 000 tours de Renaud Cojo
Le Glob théâtre
69, rue Joséphine 
33000 Bordeaux
Durée 1h20 environ

Blackstar / Bowie The Complete Cover Concert (It)
Avec du groupe Aladin Insane are, Ambra Mattioli (chant, guitares, harmonica), Francesco Infarinato (piano, claviers, choeurs, guitare), Lorenzo Perracino (sax, flûte), Luciano Fubelli (guitare basse), Marco Di Nicolantonio (batterie) & Tommaso Tella (guitare électrique)
Salle des Fêtes du Grand-Parc
39 Cours de Luze
33300 Bordeaux
durée 45 minutes environ

Crédit photos © OFGDA

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