Palace, l’envers du décor

Au théâtre 14, Anne Théron dévoile l'enfer du décor des grands hôtels.

Au théâtre 14, Anne Théron s’empare de la dernière œuvre de Sonia chiambretto, une pièce tirée d’une série d’entretiens avec des salariés d’un hôtel de luxe, menés par la sociologue Sylvie Monchatre. Loin des paillettes et du glamour, les coulisses de la vie de palace n’ont rien pour faire rêver. 

Tenues strictes, ordres secs, injections tranchées, tout à l’apparence d’un camp militaire, pourtant nous sommes dans l’arrière-cour d’un palace. Des cuisines aux salles de restaurant, en passant par la réception et les chambres, Anne Théron plonge dans l’univers des brigades, des écoles de restauration et d’hôtellerie. Autant dire que ce n’est pas joli, joli !

Un monde caché

Sexisme, racisme, humiliations, tout y est. Rien n’est épargné aux jeunes recrues. Le tableau s’alourdit de minutes en minutes. Pour atteindre l’excellence, le sacrifice de ses idéaux semble être un passage obligé. Ainsi, le brillant second de cuisine devient, sous la pression, un bourreau pour ses collègues. Odieux, il perd pieds, ne se reconnait plus. Son image dans le miroir lui fait peur. Il s’excuse avant de démissionner pour un petit resto de province, plus authentique. 

Quel que soit leur poste, leur grade, ils doivent assurer, ne jamais faiblir. Veilleur de nuit, barman, réceptionniste, maître d’hôtel, femme de chambre, gouvernante, plongeur, chef de salle ou serveur, ils n’ont d’autres choix que de se soumettre à une discipline implacable. Et ce n’est clairement pas une sinécure. Avec minutie, Sylvie Monchatre a recueilli leur parole, leur histoire afin de comprendre d’où ils viennent, ce qui les motivent. A partir de ces portraits croisés, elle tire une analyse sans appel et dévoile les dangers de ces professions, la dureté de leurs conditions de travail.

Un monde de fourmis

De cette matière riche, abondante, Sonia Chiambretto tire une pièce façon patchwork, une succession de tranches de vie très courtes, révélatrices d’un monde moins glamour qu’il n’y parait, d’un envers du décor glauque et précaire. Grâce à une mise en scène sobre, précise, Anne Théron donne vie à ces récits, ces petites anecdotes, ces maux qui fissurent la belle image des palaces. Loin de faire une thèse sociologique, elle imprime par touches le mal être de ces hommes et de ces femmes pris dans l’engrenage de l’excellence.

Enchaînement de séquences rapides ne permettant certes pas une analyse profonde, Supervision, porté par trois comédiens habités – Frédéric FisbachJulie Moreau et Adrien Serr – , suffit à donner le ton, à comprendre la pluralité des situations, des malaises, à mettre en lumière un monde de fourmis, dont la souffrance est trop souvent ignorée à l’avantage du clinquant et des paillettes.  

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


Supervision de Sonia Chiambretto
Théâtre 14
Rue mars Sangnier
75014 Paris
Jusqu’au 8 février 2020
Durée 1h10 environ

mise en scène d’Anne Théron 
Avec Frédéric Fisbach, Julie Moreau et Adrien Serr
Chorégraphie de Claire Servant
Scénographie d’Anne Théron et Barbara Kraft 
Lumières, son, régie de Mickaël Varaniac-Quard 

Crédit photos © Jean-Louis Fernandez

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