Lettre d’une (presque) Persane

Confinée avec sa maîtresse, Michèle Laurence, Canelle a accepté de livrer son regard(s) sur ce temps singulier.

Quel honneur d’être invitée par « l’œil d’Olivier » à participer à ses chroniques ! J’en suis toute émoustillée, jusqu’à présent ma prose n’était hébergée que sur le blog de Ma Maitresse – qui est en jachère depuis trois ans – et plus récemment sur sa page facebook.

Comment ne pas me lécher les babines à l’idée de ce rendez-vous inattendu ? Permettez-moi d’abord de me présenter à mes nouveaux lecteurs : je m’appelle Cannelle et ma félinité porte allègrement ses 15 ans. Ce que j’ai perdu en adolescence, je l’ai au moins gagné cinq fois en maturité, ce qui m’autorise à observer le genre humain du haut des mes 75 ans -dans leur arithmétique – avec une certaine sagesse.

Ma Maîtresse se targue d’être écrivaine, écrivante, autrice, dramaturge, scénariste…enfin, je m’y perds, les humains ont souvent trop de mots pour nommer les choses simples ! Bref, Ma Maîtresse écrit, donc occupe très souvent l’ordinateur et j’ai dû attendre sa crise de procrastination quotidienne pour lui voler son clavier. Voilà qui est fait et c’est avec délice que je pose mes coussinets sur les touches noires, si sensibles à mes humeurs. Dois-je vous avouer que malgré les années, j’ai beaucoup de mal à comprendre le fonctionnement de l’espèce humaine? Et plus encore depuis quelques semaines !

En temps normal, je voyais tous ces bipèdes – y compris ceux qui habitent chez moi – s’agiter frénétiquement du matin au soir et répéter à l’envi « Je suis sous l’eau » alors qu’ils avaient les pieds parfaitement au sec. Tout ce monde de bipèdes s’était également fait greffer un drôle d’appareil sur l’oreille ou bien entre leurs deux pouces et ce petit objet bruyant semblait indispensable à leur survie.

La société humaine devenait folle, je le voyais bien depuis ma fenêtre, mais personne ne prenait l’initiative d’appuyer sur le frein pour éviter le mur, jusqu’à ce qu’un minuscule machin, minuscule au point d’être invisible même pour mes yeux perçants de (presque) Persane, ne parvienne avec tous ses semblables à arrêter l’asile mondial. Multipliés, démultipliés, surmultipliés – chacun sait que l’union fait la force – ces très petits machins sont arrivés à immobiliser la planète et du jour au lendemain tous les bipèdes se sont mis à vivre comme des félins domestiques, sans chatière – ou presque – entre leur gamelle et leur panier, forcés de bien nettoyer leurs coussinets et leurs griffes, aussi souvent que je le fais ! Mais là s’arrêtent nos points communs momentanées, je sens bien que je ne parviendrai pas à les faire vivre à mon rythme, 22 h de sommeil, les deux heures restantes partagées entre croquettes, eau claire, étirements et caresses !

Nous n’avons pas les mêmes valeurs et mon cerveau est beaucoup plus petit que le leur…Pourtant ce petit bout de cervelle me permet de tirer profit des bénéfices involontaires de cette crise : je respire un air pur sur mon petit balconnet en admirant le Sacré Cœur qui se dessine superbement sur un ciel limpide débarrassé du monoxyde de carbone ! Plus de motos pétaradantes ni de marteaux piqueurs, le calme ! Bon, une chose pourtant m’agace, c’est de n’avoir plus la souplesse de mes jeunes années, pour attraper au vol tous les oiseaux qui viennent me narguer et les bouffer !

Non, je plaisante, j’ai passé l’âge de ces folles agapes, je veux maintenant profiter de cette parenthèse d’immobilité pour réfléchir avec vous à ce monde nouveau qui ne manquera pas de naître après le chaos.

Michèle Laurence (Ma Maîtresse), autrice

Après une si longue nuit de Michèle Laurence

Crédit photos © Michèle Laurence

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3 Comments

  1. Écrivez votre commentaire ( in french !!!!)

    Le siècle des lumières possède une belle descendance…
    Qu’elle fût humaine ou animale
    C’est d’abord le bonheur de l’écriture, de l’élégance stylistique avant le propos lui-même
    Que le félin qui se cache derrière la (belle) personne en soit félicité

  2. Ah mais je la connais cette jolie dame…. celle que tu appelles ta maitresse est ma petite soeur de terre….née là bas devant la grande bleue. Je t’ai connue Cannelle alors que tu étais plus…..petite! Mais tu as raison : ce que nous envoie le destin (mektoub comme nous disons nous de la bas) va surement changer nos (mauvaises) habitudes…mais d’ici là soyons fous…restons chez nous!!! Une caresse pour toi et une bise à celle qui croit etre ta maitresse! 🙂

  3. j’aime beaucoup le style de Cannelle et j’attends avec impatience la suite de son analyse sur les évèements actuels

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