Les chaos porno-chorégraphiques de Gutierrez

A Montpellier Danse, Miguel Gutierrez fait valser les règles et la bienpensance.

Questionnant la couleur de la peau, la sexualité dans un monde blanc hétéronormé, Miguel Gutierrez dépasse toutes les limites et invite, en ouverture du festival Montpellier Danse, à un show où l’outrance dépasse trop souvent le burlesque.

Sur scène au centre d’un dispositif quadrifrontal, six performeurs à moitié nus, portant des sous-vêtements minimaliste, bigarrés et quasi transparents, évoluent sans prêter attention aux regards curieux, voyeurs des spectateurs interloqués. Très vite, les gestes se font plus explicites, érotiques voire trash. Le corps devient objet. Les éléments de décor, prises électriques, tissus de toutes les couleurs, de toutes les matières, enceintes, deviennent des outils de plaisir. Danse charnelle, performance outrancière, le kitsch côtoie le beau quand les éclairages aux néons se font rasants. 

Hommes, femmes se mélangent, s’entremêlent. Les genres n’ont pas d’importance. Les six interprètes, dont le chorégraphe, sont des « latinx ». Ni latina, ni latino, ils refusent toute identité sexuelle. Dans un monde aseptisé – le sol a été recouvert d’un lino blanc – ils affichent leur nudité, leur corps loin de tout standard, de tout stéréotype, leur sexe sans pudeur. Forçant le trait jusqu’à l’overdose, le jet de l’artiste se perd dans un trop plein, dans une écriture chaotique, répétitive. Le message pourtant clair finit par se perdre dans cette orgie de chair, d’images pornographiques plus que sensuelles. 

L’ennui guette autant dans la salle que sur scène. Il est temps de passer à autre chose, pour (re)capter l’attention du public. Avec fougue, les six danseurs s’amusent en reprenant les codes des telenovas, ces feuilletons haut en couleur très prisés en Amérique latine.

Surjouant avec malice des dialogues très almodovariens, ils révèlent des secrets de famille particulièrement ubuesques, rocambolesques. Les visages grimaçants, surexprimants les émotions, sont particulièrement savoureux, hilarants. Mais l’outrance est de nouveau de la partie. Miguel Gutierrez, artiste new-yorkais underground, est un maître de l’exagération. Pour marquer les esprits, secouer les bienpensances, il tire sur les ficelles jusqu’à l’excès, jusqu’à la rupture. 

Invoquant la déesse des chiennes, la chienne des dieux, Le chorégraphe performeur titille nos consciences, interroge sur nos sociétés trop formatées, mais se perd dans une surenchère d’effets, de gestes, qui finit par lasser.  Dommage ! 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Montpellier


This Bridge Called My Ass de Miguel Gutierrez  
Festival de Montpellier danse
Studio Bagouet / Agora
18, rue des Ursulines
34000 Montpellier
Les 22 et 23 juin 2019
Durée 1h30

Chorégraphie de Miguel Gutierrez
Avec Alvaro Gonzalez Dupuy, John Gutierrez, Xandra Ibarra, Nibia Pastrana Santiago, Evelyn Sanchez Narvaez
Dramaturgie de Stéphanie Acosta
Lumières de Tuçe Yasak

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